Édouard Philippe et Agnès Buzyn ont présenté lundi un plan ambitieux pour renforcer la prévention pendant le quinquennat et « préserver près de 100 000 vies par an ». Grossesse, vaccination, addictions, obésité…
400 millions d’euros seront investis sur cinq ans pour financer une série de 25 mesures aux différents âges de la vie. Certaines d’entre elles auront des répercussions sur l’exercice du médecin généraliste. Si la ministre parle de « révolution », ce plan définit davantage des axes de travail, sans définir de cadre précis.
L’enveloppe allouée à chaque mesure n’est pas spécifiée, certains points devraient trouver leur traduction budgétaire dans le prochain projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS). Tour d’horizon des principales avancées.
La vaccination anti-grippale par le pharmacien généralisée en 2019
• Expérimentée en Auvergne-Rhône-Alpes et en Nouvelle-Aquitaine, la vaccination contre la grippe par le pharmacien sera étendue à tout le territoire dès 2019. L'initiative fait encore débat chez les médecins.
Gilles Bonnefond « Les résultats des premières expérimentations sont positifs. Il est donc normal que le ministère aille plus loin. Il a fallu former les pharmaciens en quelques mois seulement. Nous nous attendions à vacciner 30 000 patients, nous en avons finalement vacciné plus de 150 000. Preuve de l'efficacité de cette mesure, la couverture vaccinale est beaucoup plus élevée dans les deux régions tests que sur le reste du territoire. Si on veut gagner la bataille, la prévention ne pourra pas être revendiquée par une seule profession. Médecins, infirmiers et pharmaciens doivent rester des professions complémentaires. » Président de l’Union des syndicats de pharmaciens d’officine (USPO)
Aide au sevrage tabagique et lutte contre les autres addictions
• Le forfait d'aide au sevrage de 150 euros/an sera remplacé par un remboursement classique des traitements d'aide à l'arrêt du tabac. • Des mesures spécifiques orientées vers les jeunes pour combattre les comportements addictifs sont aussi prévues : demander aux écoles et collèges d'avoir des « élèves ambassadeurs » de prévention pour partager des messages de santé publique auprès de leurs camarades, renforcer les consultations de jeunes consommateurs, proposer une démarche préventive aux adolescents après passage aux urgences pour intoxication éthylique aiguë, etc.
Pr Michel Reynaud « On peut qualifier les mesures prises vis-à-vis de l'alcool de "cosmétiques". Quand le Premier ministre dit que la stratégie globale de prévention devrait sauver 100 000 vies par an, il oublie les 49 000 morts liées à l’alcool. Il diminue donc son objectif de moitié puisqu’il n’y a aucune véritable mesure de prévention dans ce domaine… en dehors de l’augmentation de la taille du pictogramme destiné aux femmes enceintes. Les quelques mesures prises vis-à-vis de l’alcool ne visent que les jeunes. Il est irresponsable de penser que ces problèmes s’arrêtent à 25 ans !
Pour le tabac, le remboursement des traitements est une bonne mesure, que nous demandions depuis des années. L’intervention d’élèves ambassadeurs de prévention peut être aussi une bonne idée. Encore faut-il savoir comment ces élèves seront encadrés et soutenus. Autres points positifs : des actions d'accompagnement des binge drinkers arrivant aux urgences hospitalières, des moyens financiers complémentaires devraient aussi être attribués aux consultations de jeunes consommateurs de substances addictives. Même si le lien entre financement de ces soins et amendes forfaitaires pour usage de stupéfiants me paraît discutable. » Président du Fonds actions addictions
Grossesse : supplémentation en folates, mieux prévenir les consommations à risque
• Une supplémentation systématique en vitamine B9 des femmes enceintes et en désir de grossesse au moins quatre semaines avant la conception et deux mois après, est actée pour prévenir les anomalies de fermeture du tube neural. • Des actions seront aussi menées pour mieux inciter les femmes enceintes à éviter toute consommation d'alcool, de tabac, et à mieux repérer les addictions durant cette période.
Pr Bernard Hédon « La supplémentation systématique en vitamine B9 est une recommandation forte de grade A émise depuis plusieurs années par notre Collège, qui est déjà appliquée. Par ailleurs, les mesures de prévention vis-à-vis des addictions et de la consommation d'alcool sont pour nous des évidences, car elles représentent un facteur de risque majeur pour la grossesse. On ne peut qu'être favorable à toutes les initiatives qui vont dans ce sens. J'émets simplement un doute sur la pertinence de l'agrandissement du pictogramme "interdit aux femmes enceintes", car ce problème lié à l’alcool concerne en réalité une population de femmes qui a délibérément des comportements à risque et qui se moque de ce genre d'avertissement. On le voit d'ailleurs avec les paquets de tabac, sur lesquels les pires images n'ont aucune influence sur certaines personnes. » Ancien président du Collège national des gynécologues-obstétriciens français
Expérimentation du « Pass préservatif » et prise en charge à 100 % du frottis
• Le « Pass préservatif » consiste à proposer aux moins de 25 ans une information sur la santé sexuelle, incluant une carte donnant accès gratuitement à des préservatifs. Cette mesure sera expérimentée dans quelques régions (dont une en outre-mer). • La mesure numéro 16 du Plan national prévention vise à introduire le dépistage organisé du cancer du col de l'utérus. Les femmes n'ayant pas réalisé de frottis dans les trois dernières années seront invitées à le faire, avec une prise en charge à 100 %.
Pr Bernard Hédon « La mesure du "Pass préservatif" est très bonne, car elle a prouvé qu'elle apportait des résultats. à ce titre, on peut regretter que l'on commence par une phase d'expérimentation dans quelques régions, alors que l'on connaît l'utilité de ce type de disposition. En plus d'apporter des informations sur la santé sexuelle, il faut la compléter par une sensibilisation sur les rapports amoureux, sur le respect de l'autre, etc. Concernant le dépistage organisé du cancer du col utérin, le CNGOF le demande depuis longtemps. On ne peut que se réjouir de cette disposition. »
Élimination de l'hépatite C
• L’élimination de l’hépatite C d’ici 2025 est désormais un objectif officiel pour la France. Pour y parvenir, trois mesures sont évoquées : le développement d’actions de prévention à destination « des publics prioritaires et éloignés des système de santé » ; le renforcement du dépistage de proximité par TROD dans une approche combinée VIH, VHC, VHB et l’ouverture des prescriptions d’antiviraux à d’autres prescripteurs « en favorisant les réseaux ville-hôpitaux ». Le plan reste flou sur cet aspect, alors que les hépatologues s’étaient prononcés en faveur d’une démocratisation du dépistage et du suivi des patients VHC, avec notamment une forte implication de la médecine générale.Pr Christophe Bureau « Le fait que l’hépatite C figure dans ce plan est un soulagement, car nous n’avions aucune certitude. C’est une étape essentielle, mais ce n’est pas suffisant. Pour le moment, il n’y a aucune mesure concrète. Aucun moyen précis n’est annoncé pour le dépistage. Pour l’accès au traitement, un élargissement des prescripteurs est mentionné, mais sera-t-il réservé à certaines structures type CSAPA, CAARUD ou prison ? Ou sera-t-il ouvert à tous les médecins, comme dans d’autres pays, avec un certains succès ? Je pense qu’on y viendra nous aussi tôt ou tard… Mais on sent bien que certains acteurs de santé très impliqués auprès des sujets les plus vulnérables veulent concentrer les moyens sur ces populations. Or, la moitié des personnes infectées n’ont pas ces facteurs de risque. » Secrétaire général de l’AFEF
« Un progrès, mais il manque des critères d’évaluation »Selon le Pr Pierre-Louis Druais, président du Collège de médecine générale, le plan prévention du gouvernement constitue « un progrès, car il met en place des choses ». Mais « il manque de structuration et d’organisation ». Le généraliste remarque notamment l’absence de critère d’évaluation de chaque action. « Il faut essayer de définir des marqueurs, comme il en existe pour le mois sans tabac par exemple », ajoute-t-il. Le président du Collège regrette aussi le manque de consultations ciblées de prévention à des tranches d’âge bien définies, et l’absence du dépistage du mélanome qui « pourrait avoir une réelle rentabilité en termes de morbimortalité ». Le Pr Druais aurait souhaité une traçabilité des actions de prévention à la fois dans un dossier médical opérationnel et dans des parcours de santé coordonnés entre plusieurs professionnels.
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