Après avoir lutté contre un cancer et annoncé l'imminence de sa mort, le Pr Axel Kahn est décédé ce 6 juillet à l'âge de 76 ans. « C'est avec tristesse et émotion que la Ligue contre le cancer vient d'apprendre le décès d'Axel Kahn », a indiqué l'organisme dont il était l'emblématique président.
« Rendre hommage à l'homme c'est d'abord épouser ses combats, saluer cette vie qui avait valeur d'exemple et faire nôtres ses engagements », a réagi dans la foulée le Premier ministre Jean Castex sur Twitter. Et peu après, le ministre de la Santé Olivier Véran : « “J'ai besoin de l'autre pour être moi-même, et il a besoin de moi pour être lui” Axel Kahn. Un grand médecin, un grand chercheur, un grand humaniste vient de nous quitter. Courageux et engagé, jusqu'à la fin. »
Pour son « collègue et ami » le Pr Alain Fischer, immunopédiatre, qui s'est exprimé au journal de 13 heures de « France inter » : « Ce qui marque le plus l'œuvre et la personnalité d'Axel Kahn, c'est le fait qu'il s'est engagé avec conviction, talent, enthousiasme et dynamisme pour expliquer la science (...), faire en sorte que nos concitoyens comprennent son importance ». Pour le président du conseil d'orientation de la campagne vaccinale : « On voit bien aujourd'hui à quel point cela est crucial. Il a été l'un des plus beaux porte-parole de la science auprès de nos concitoyens au cours de ces dizaines d'années. »
Départ préparé et « apaisé »
La Ligue contre le cancer avait annoncé le 11 mai que le Pr Kahn allait se mettre en retrait en raison d'un « cancer qui s'est aggravé récemment ». Le 1er juin, il avait officiellement quitté la présidence de l'association, qu'il occupait en tant que bénévole depuis juin 2019.
Après l'annonce de sa maladie, le Pr Kahn, père de quatre enfants, s'était exprimé à de nombreuses reprises dans les médias, sur Twitter et sur son site Internet pour livrer ses sentiments à l'approche de la mort, en se surnommant « Axel le loup ». Sa dernière « Chronique apaisée de la fin d'un itinéraire de vie » avait été publiée sur son site Internet le 22 juin.
La médecine « par élimination »
Né le 5 septembre 1944 en Touraine, Axel Kahn avait pour père le philosophe Jean Kahn et pour frères aînés le journaliste Jean-François Kahn et le chimiste Olivier Kahn. Le scientifique raconte avoir « perdu la foi chrétienne » à l'âge de 15 ans. Ce docteur en médecine et ès sciences explique avoir choisi cette voie pour ne pas entrer en rivalité avec les trois hommes du clan. Le suicide de son père l'a marqué doublement, ce dernier lui ayant laissé une lettre posthume, à lui seul le plus jeune. Le message « Sois raisonnable et humain » le questionnera toute sa vie.
Hématologue de formation et spécialiste des maladies génétiques, Axel Kahn s'est consacré à la recherche en entrant à l'Inserm en 1976 au sein de l'hôpital Cochin. Il sera ainsi directeur de recherche à l'Inserm, le premier directeur de l'Institut Cochin (2002-2007), avant de devenir président de la Ligue nationale contre le cancer. Ses travaux (cancer du foie, expression des gènes, thérapie génique…) ont fait l'objet de près de 600 articles dans des revues internationales.
Il sera président de l'université Paris Descartes (2007-2011) et à ce titre mis en cause, en mars 2020, après le scandale du Centre du don des corps. Ce que le Pr Kahn a contesté, se défendant de l'affirmation selon laquelle il avait été mis au courant lors de sa présidence de l'université. Une ombre au tableau dans un parcours d'exception.
Présidence marquante du Conseil national d'éthique
L'homme est aussi passionné d'éthique et de philosophie. Au moment où les discussions s'animeront autour des développements de la génétique et des techniques de reproduction, il sera président du Conseil national consultatif d'éthique (CCNE) de 1992 à 2004. « Peut-être le membre le plus brillant », selon les termes de son président d'honneur, le Pr Didier Sicard, qui le décrivait comme « un mélange impressionnant de radicalité et de vérité ».
Parmi la trentaine de livres, il publiera notamment : « Et l'Homme dans tout ça ? » (éditions Nil, 2000), « L'homme ce roseau pensant » (même éditeur 2007) et « Et le bien dans tout ça » (Stock, 2021). Il sera également le co-fondateur du journal scientifique « Médecine/Science ».
Un engagement jusqu'aux derniers instants
Lors de la crise sanitaire liée au Covid-19, il monte au front pour défendre les malades atteints de cancer, alerte sur les retards de diagnostic, s'insurge contre les complotistes et les « antivax ». Sans mâcher ses mots, fidèle à son habitude, y compris quand il s'agit de personnalités politiques.
« Personne ne me fera dire ce que je n'ai pas envie de dire, personne ne me fera non plus fermer ma gueule », avait-il expliqué à l'AFP. « Je suis un homme d'engagement », ajoutait celui qui se définissait comme « plus un homme de gauche » que « de droite ». Ancien communiste, il s'est frotté un temps à la politique, notamment lors des législatives en 2012 en portant l'investiture socialiste.
Mais aujourd'hui, l'hommage est unanime dans la classe politique. De Jordan Bardella (RN) qui salue « un vulgarisateur hors pair » qui « manquera au débat public français » à Jean-Luc Mélenchon (LFI) pour qui « fermer la porte derrière soi, cela ne s'apprend pas, mais cela s'enseigne par l'exemple », en passant par Damien Abad (LR), qui remercie un « grand humaniste » qui a fait « beaucoup pour notre pays et pour la science ». Martine Aubry fait part, quant à elle, de sa « tristesse infinie » de perdre « un grand ami ».