« J'attends la guillotine ! » Le Pr Win Van den Brink le sait : présenter les résultats de sa métaanalyse sur l'efficacité du baclofène à Paris est un exercice de haut vol. Il faut dire que les données produites par son équipe du département de psychiatrie de l'université d'Amsterdam sont de nature à déplaire, dans un pays où le débat autour du baclofène est presque d'ordre théologique : les fortes doses ne sont pas plus efficaces que les faibles doses et présentent même un rapport bénéfice risque négatif. Selon les auteurs ces données prouvent que les prescriptions de doses supérieures à 60 mg/jours ne devraient pas être possibles en médecine de ville.
Ls travaux de l'équipe du Pr Van den Brink doivent être prochainement publiés dans le « European Journal of Pharmacology », et ont été présentés en avance en ouverture du congrès d'addictologie l'Albatros qui se tient jusqu’au 8 juin. Une première analyse montrait que le baclofène n'a pas d'effet significatif sur le nombre de jour d'abstinence mais celle-ci tenait compte des résultats d'une étude italienne de 2004, la seule à avoir présenté un résultat très négatif. Les auteurs ont pris la décision de l'exclure de la métaanalyse. « Nous ne savons pas pourquoi cette étude est aussi différente des autres, mais nous avions constaté qu'elle biaisait les résultats », explique le Pr Van den Brink. Une fois cette manipulation opérée, le baclofène s'est avéré être associé à une augmentation significative du nombre de jours d'abstinence.
Plus d'efficacité au-delà de 60 mg/jour
« Si on regarde dans le détail, on se rend compte que l'effet du baclofène est surtout porté par les études sur les faibles doses, détaille le Pr Van den Brink. Nous en arrivons à la conclusion que le rapport bénéfice risque est positif pour les faibles doses mais pas pour les doses plus fortes. » La prise de baclofène n'a pas d'effet significatif sur le temps écoulé avant une rechute, sauf si l'on exclut tous les patients ayant pris des fortes doses, supérieures à 60 mg par jour. Le constat est le même avec le pourcentage d'abstinence à la fin du suivi
Le Pr Van den Brink estime que le baclofène reste un outil intéressant, mais qui doit être réservé aux patients chez qui les autres traitements ont échoué. Quant aux fortes doses, elles ne devraient pas, toujours selon lui, être prescrites en ville. « C'est un message que je déteste délivrer ! reconnait-il. La dépendance à l'alcool est un tel problème de santé publique que les médecins généralistes de ville doivent être impliqués, et pouvoir prescrire des traitements. Mais en ce qui concerne le baclofène, les effets indésirables à hautes doses qu'elles devraient être réservées aux services spécialisés, et aux plus gros buveurs. »
La question des doses de baclofène dans l'alcoolodépendance est un dossier épineux en France. En juillet 2017, l'Agence nationale du médicament et des produits de santé (ANSM) avait pris la décision de réduire les doses maximales de baclofène prescrites dans le cadre de sa RTU à 80 mg/j, à la suite des résultats d'une étude de pharmacovigilance. Cette décision a été attaquée, sans succès, devant le Conseil d'État par un collectif d'associations appuyé par plusieurs médecins. Pour une partie des défenseurs du baclofène, seules les hautes doses donnent des résultats significatifs, et la décision de l'ANSM représente une perte de chance pour de nombreux patients.
Bientôt une nouvelle étude randomisée
Une étude randomisée centrée sur les doses les plus fortes de baclofène débutera dans la 2e moitié de 2018 dans le service du Pr Van den Brink. « Nous allons recruter 300 patients buvant au moins 14 verres par jour, précise-t-il. Ces patients auront déjà essayé sans succès au moins une fois un traitement ayant déjà son AMM : acamprosate, nalméfène ou naltrexone. »
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