Depuis le mardi 1er septembre, l'amende forfaitaire pour usage de stupéfiant est officiellement en vigueur en France, appliquant ainsi ce qui était prévu dans la loi du 23 mars 2019.
Les détenteurs de drogues pris en flagrant délit de consommation ou dans le cadre d'un contrôle d'identité sont susceptibles de faire l'objet d'une amende forfaitaire fixée à 200 euros (minorée à 150 euros si le paiement intervient dans un délai de 15 jours et majorée à 450 euros au-delà de 45 jours). Cette amende ne s'applique qu'aux détendeurs de quantité de cannabis inférieurs à 50 g, au-delà, les auteurs sont passibles de peines allant jusqu'à un an de prison et 3 750 euros d'amende.
Cette mesure est expérimentée depuis le 16 juin à Rennes, Créteil, Reims, Marseille et Lille. Quelque 545 consommateurs de stupéfiants se sont vus infliger une amende de 200 euros. C'est à la suite d'une fusillade liée au trafic à Nice fin juillet, que le Premier ministre Jean Castex a décidé de l'utiliser partout en France dès la rentrée. Cette application anticipée a été défendue par le ministre de l'Intérieur, Gérald Darmanin, qui a mis en avant une « technique qui consiste à tuer tout trafic de drogue et toute consommation », en promettant que la sanction sera appliquée partout « dans les quartiers de Créteil comme dans le XVIe arrondissement de Paris ».
Recouvrement incertain et efficacité contestée
Dans un communiqué, le procureur de la République auprès du tribunal de grande instance de Rennes, Philippe Astruc, précise qu'à la date du 26 août, « 172 verbalisations ont été réalisées sur le ressort de Rennes », dont 166 pour du cannabis et 7 pour de la cocaïne. Dans 70 % des cas, des avis d’infraction ont été transmis aux contrevenants dont 32 % se sont déjà acquittés du paiement de l’amende, précise également le procureur.
Ce taux de recouvrement est jugé faible par le Dr Bernard Basset, vice-président de l'Association nationale de prévention en addictologie et alcoologie (ANPAA). « On ne sait pas pourquoi 65 % des personnes en infraction n'ont pas payé l'amende, s'interroge-t-il. Il est possible que ce soit parce qu'ils ne sont pas solvables. Cela pose la question du rendement administratif de cette amende », a-t-il déclaré.
Cette mesure est également critiquée par l'Union syndicale des magistrats (USM), majoritaire chez les juges. Son secrétaire général Jacky Coulon déplore un dispositif qui « transfère le pouvoir d'appréciation du parquet au policier » et avec lequel « on ne se pose pas la question du soin ». Tout cela pour « un gain de temps relatif : les affaires de consommation ne sont pas les plus chronophages ».
La loi de 1970, toujours debout
Lors des auditions de la mission parlementaire chargée d'évaluer l'impact de cette mesure, l'efficacité de l'amende forfaitaire en termes de santé publique a été diversement appréciée. Pour le Dr Nicolas Prisse, président de la Mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives (MILDECA), l'amende forfaitaire « présente l’intérêt de supprimer la peine de prison, d’homogénéiser et de simplifier la réponse des forces de l’ordre tout en maintenant l’interdit de la consommation, argumente-t-il. La réponse pénale actuelle n’est pas adaptée et consomme 1,2 million d’heures de travail des forces de l’ordre. »
Pour Ivana Obradovic, de l'Observatoire français des drogues et des toxicomanies, la pertinence de la mesure dépendra de l’objectif qui lui sera donné : « Standardiser la réponse au contentieux de masse ayant pour motif le cannabis ou s’articuler avec le système sanitaire ». Elle note que la « standardisation » et la « systématisation » d'une contravention suppriment la possibilité d'orientation par la justice vers une filière de soin. Un avis partagé par le Conseil national consultatif des droits de l'Homme qui n'était pas favorable à une amende forfaitaire pouvant « bloquer la voie à toute orientation vers une filière de soin ».
Les acteurs de l’addictologie espéraient que l'amende forfaitaire remplacerait les peines lourdes inscrites dans la loi de 1970 : jusqu'à un an de prison et 3 750 euros d'amende pour usage illicite de stupéfiant. Ce n'est pas l'option retenue par le ministre de l'Intérieur de l'époque, Gérard Collomb, qui a annoncé en janvier 2018 la coexistence des deux réponses pénales à l'usage illégal de stupéfiants.
« C'est un rendez-vous manqué », regrette le Pr Amine Benyamina, chef du service de psychiatrie et d'addictologie de l'Hôpital Paul-Brousse. « Il existe des modèles parcellaires, comme en Espagne, des dispositifs dynamiques qui évoluent en fonction de l'identification des risques de dérive, poursuit-il. On reste en France avec un modèle de prohibition qui met hors de portée les trafiquants et ne permet pas de s’occuper des jeunes consommateurs. »
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