Le thiopental, barbiturique soufré, est un très ancien produit. Mis au point avant guerre, c’est le principal agent d’induction des années 1950 aux années 1990, avant l’introduction du propofol, venu depuis le concurrencer. En 2018, faut-il le garder dans la pharmacopée ? Une session scientifique au congrès de la Sfar était consacrée à ce sujet. La conclusion générale est sans appel : cet inducteur, avec ses avantages et inconvénients, n’a aucune raison d’être délaissé. Sous réserve de savoir l’utiliser, ce qui suppose d’y former les jeunes spécialistes, plus enclins à recourir au propofol. « On a trois agents d’induction dans la pharmacopée, le thiopental, le propofol et l’étomidate, nulle raison de se priver de l’un d’entre eux », affirme le Dr Frédérique Servin, du CHU Bichat (APHP).
Une action rapide, une élimination lente
Hypnotique puissant, c’est l’inducteur qui a l’action la plus rapide et la plus courte. Mais il est éliminé lentement, avec un risque d’accumulation. « Il est donc réservé à l’induction, en dose unique. Ce qui suppose de respecter une posologie suffisante, de 4 à 7 mg/kg. Toutefois, quand on ne peut pas faire un relais par un dérivé halogéné, on lui préfère le propofol, qui a contrario peut être utilisé en entretien de l’anesthésie. On évite aussi le thiopental si l’intubation s’annonce difficile et/ou prolongée, explique le Dr Servin. D’ailleurs, le thiopental ne déprimant pas assez les réflexes glottiques, on doit toujours lors de l’intubation lui associer un curare. »
Ses effets hémodynamiques (hypotension par vasodilatation, tachycardie, effet inotrope négatif) doivent être connus. Le thiopental est à écarter pour les patients en hypovolémie et les coronariens instables (risque d’hypoxie myocardique), et, comme il augmente les résistances des voies aériennes, en cas d’asthme, surtout sévère. Enfin, à la différence du propofol, il n’a pas de propriétés antiémétiques, et il est contre-indiqué en cas de porphyrie.
« Le thiopental présente donc quelques inconvénients. Mais il a un important avantage sur le propofol : son administration est indolore, alors que le propofol induit à l’injection une douleur importante – nombre de patients s’en souviennent encore au réveil. Ce n’est pas à négliger en pratique clinique », selon le Dr Servin.
Un inducteur à privilégier dans nombre de chirurgies
« Le thiopental, malgré son grand âge, poursuit ce dernier, reste un agent d’induction de choix dans bon nombre de chirurgies – sous réserve de savoir l’utiliser en pratique clinique et à quels malades le réserver. Pour la grande majorité des patients, ses effets hémodynamiques et respiratoires sont proches de ceux du propofol, voire meilleurs : il est plus rapide, et indolore. Enfin, il ne prolonge pas le réveil dès lors que l’anesthésie dure au moins une heure et demie. C’est pourquoi il n’a pas sa place en chirurgie courte. En chirurgie thoracique non plus, puisqu’on privilégie les anesthésiques administrables par voie intraveineuse tout au long de l’intervention. En revanche, dans le tout-venant de la chirurgie, notamment intra-abdominale, de durée relativement longue avec entretien par les halogénés, le thiopental reste selon moi l’inducteur de choix. »
Hypnotique puissant, c’est l’inducteur qui a l’action la plus rapide et la plus courte
Session « Thiopental en 2018,
rest in peace ? », congrès de la Sfar, Paris, 29 septembre 2018
Modérateurs : Dr Valérie Billard (Villejuif), Pr Serge Molliex (Saint-Étienne) ; en obstétrique, Pr Frédéric Mercier (Clamart) ; en anesthésie, Dr Frédérique Servin (Paris) ; En neuroréanimation, Dr Vincent Degos (Paris)
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