Diagnostic de l’adénocarcinome du pancréas

Bons résultats d’une technique d’imagerie originale

Publié le 31/05/2011
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De notre correspondant

LE CARACTÈRE tardif de la révélation clinique de l’adénocarcinome ductulaire du pancréas (PDAC) signifie que le diagnostic des tumeurs encore résécables n’est fait que dans moins de 15 % des cas. Alors qu’un dépistage à un stade précoce (tumeurs de moins de 2 cm) permettrait d’obtenir un taux de survie à 4 ans allant jusqu’à 78 %. Ce cancer a un caractère clairement familial (10 % des 33 000 nouveaux cas diagnostiqués chaque année aux États-Unis). Les tentatives de diagnostic précoce se sont jusqu’ici avérées décevantes, sans compter un bon nombre de faux positifs.

Niveaux d’expression élevés de quatre protéases.

Des chercheurs de l’université technique de Munich (Allemagne) ont d’abord établi la valeur du ciblage des cathepsines en imagerie moléculaire. Ils ont constaté des niveaux d’expression élevés de quatre de ces protéases (B, H, L et S) chez les souris ayant des lésions de néoplasie intra-épithéliale pancréatique (PanIN), à l’inverse de ce qu’on observe chez les animaux sains ou atteints de pancréatite. La PanIN représente un stade précurseur du PDAC et les rongeurs touchés (mPanIN) sont donc un bon modèle expérimental du cancer humain.

La spécificité de la sonde NIRF (near-infrared) à activation par la cathepsine a ensuite été démontrée, après son injection à des souris porteuses de lésions mPanIN, par l’existence d’un fort signal d’émission de la sonde au niveau des lésions.

L’équipe de Dieter Saur a alors évalué les capacités de dépistage précoce offertes par l’usage d’une microscopie laser confocale (CFL) conduite après l’administration intraveineuse de la sonde NIRF à des souris mPanIN. L’imagerie CFL est obtenue grâce à l’emploi d’une minisonde confocale placée au contact même du pancréas pour assurer une bonne résolution. L’intensité du signal de la sonde NIRF détecté par la CFL augmente avec le grade des néoplasies et elle est bien corrélée à l’histologie. Par comparaison avec une CFL à fluorescéine, qui ne permet pas de faire la distinction entre les lésions de grades différents, la sonde moléculaire à spécificité cathepsine répond à cet objectif et permet d’identifier les lésions précoces de PDAC. Elles se caractérisent par un signal de forte intensité produit par la sonde, associé à une mode d’activation hétérogène généré par les cellules cancéreuses. Cette technique est donc bien supérieure à la simple imagerie en fluorescence non spécifique, dont le pouvoir de détection est entravé par la fibrose associée aux lésions.

Identifier correctement tous les adénocarcinomes.

Afin de connaître la sensibilité et la spécificité de leur approche, les chercheurs d’Outre-Rhin ont conduit une étude en double aveugle chez 24 souris, les observateurs ignorant le génotype des souris, ainsi que les résultats histologiques et le grade des lésions. L’analyse en aveugle des enregistrements CFL par deux investigateurs, de manière indépendante, a permis d’identifier correctement tous les adénocarcinomes ductulaires pancréatiques (n = 2) et tous les tissus normaux (n = 6), avec un taux d’accord de 95 %. En outre, cette méthode a permis l’identification précise de tous les cas de lésions mPanIN. Le gradage des lésions sur la base des enregistrements CFL a différé des résultats histologiques dans un seul cas (les lésions appartiennent toutes à la catégorie « grade élevé »). Mises à part les lésions mPanIN-2 (sensibilité de 75 %), la sensibilité de la technique est absolue. Quant à sa spécificité, elle s’établit entre 95,4 % (mPanIN-3) et 100 % (tissu pancréatique normal ; tous grades de lésions mPanIN ; PDAC).

L’utilisation, pour le diagnostic précoce de l’adénocarcinome ductulaire du pancréas, de l’imagerie CFL couplée aux sondes moléculaires NIRF spécifiques des cathepsines ouvre donc une voie extrêmement prometteuse. Elle montre plusieurs atouts selon l’étude allemande : minimisation des faux positifs, forte sensibilité. En outre, ce type de sondes peut être conçu pour l’activation d’autres protéases dans la détection de tumeurs à profils d’expression protéasique divers.

Eser S., Saur D. et coll., Proc Ntl Acad Sci USA (2011) Publié en ligne.

> Dr BERNARD GOLFIER

Source : Le Quotidien du Médecin: 8974