Les programmes de dépistage organisé du cancer du sein, du col de l'utérus et du cancer colorectal n'atteignent pas leurs objectifs en termes de participation et d'atteinte des publics, met en évidence un rapport de l'Inspection générale des affaires sociales (Igas) publié ce 30 mai. Et d'appeler à revoir le pilotage et l'organisation, en accentuant les stratégies d'aller vers et en renforçant les outils numériques.
Saisie par le ministère de la Santé, l'Igas devait jauger la capacité du dispositif actuel (et notamment des centres régionaux de coordination des dépistages des cancers, CRCDC, créés le 1er janvier 2019) à faire face aux enjeux de la stratégie décennale de lutte contre les cancers. Lancée par Emmanuel Macron en février 2021, celle-ci fixe l'objectif de réaliser un million de dépistages supplémentaires à l'horizon 2025 (9 millions étant réalisés chaque année), tout en luttant contre les inégalités d'accès.
Des taux de participation qui stagnent, voire baissent
« Les résultats des programmes restent très en deçà des objectifs assignés », au regard des 600 millions d'euros de dépenses globales qu'ils engendrent et des enjeux de santé publique, dénonce l'Igas. La participation de la population cible aux dépistages organisés du cancer du sein (mis en place en 2004) et du cancer colorectal (2008) stagne, voire baisse depuis 2018-2019.
Alors que l'objectif européen est de 70 % de participation pour le cancer du sein, le taux national français en 2019 est de 42,8 % ; il est de 28,9 % pour le cancer colorectal, alors que la cible européenne acceptable est de 45 %. Et ceci, avec d'importants écarts territoriaux, accuse l'Igas. Quant au dépistage du cancer du col de l'utérus, le taux de participation (58,2 %) est proche de l'objectif national (58,7 %), mais loin derrière les bons élèves européens (Irlande, Royaume-Uni, République tchèque à plus de 75 %).
L'Inspection déplore ensuite la trop faible efficience des 17 CRCDC, associations régionales minées par des réorganisations internes et confrontées à des problèmes d'effectifs. En outre, certaines réorganisations discutées de longue date n'ont pas été mises en œuvre : le transfert des invitations et relances à la Cnam, la dématérialisation de la seconde lecture des mammographies et la constitution d'un système d'information national pour traiter les données. Trois chantiers que l'Igas recommande de reprendre, au niveau national, en lien avec la direction du numérique en santé.
Car pour l'heure, les résultats sont mitigés concernant l'amélioration de la qualité des programmes, les démarches d'aller-vers sont insuffisantes, faute de ressources, et l'effectivité du suivi des personnes est variable selon le type de cancer et selon les départements, et même inexistant pour le cancer du col de l'utérus, les CRCDC ne recevant pas les résultats.
Repenser les actions de prévention et de suivi des CRCDC
L'Igas appelle à repositionner les CRCDC (qui devraient être déchargés des missions d'invitations et de seconde lecture) sur la promotion du dépistage auprès des professionnels et sur le déploiement de l'aller vers. Concrètement, ils devraient avoir une meilleure connaissance de l'état des lieux du dépistage sur le territoire (en lien avec les observatoires régionaux de santé) et passer des conventions avec les partenaires locaux (CPTS, MSP, établissements de santé, services de santé au travail…) pour déployer des actions pertinentes. Celles-ci devraient être centralisées au niveau national dans un répertoire, afin de mutualiser les bonnes initiatives (et ne pas réinventer à chaque fois les actions).
L'Igas réfléchit aussi à confier aux CRCDC le suivi des personnes non intégrées au dépistage et une démarche globale de prévention primaire des cancers, à l'image du partenariat passé en Nouvelle-Aquitaine entre agence régionale de santé (ARS) et CRCDC.
Enfin, l'Inspection invite à refonder le pilotage des programmes de dépistage dans le nouveau cadre de la stratégie décennale. Exit le comité stratégique actuel qui ne se réunit plus : le comité de pilotage de la stratégie décidera des orientations du dépistage, qui doit s'appuyer sur un nombre limité d'indicateurs (sans se limiter au taux de participation). Et sur des recommandations actualisées : l'Igas insiste sur l'urgence de l'aboutissement des travaux sur la tomosynthèse (à la main de la Haute Autorité de santé), sur le référentiel relatif à l'autoprélèvement (Institut national du cancer, INCa) ou sur la révision des installations de mammographie (Agence du médicament, ANSM).
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