« Proposer à chaque femme concernée le dépistage adapté à son niveau de risque ». Pour les 10 ans d’existence du programme de dépistage organisé (DO) dans le cancer du sein, Octobre Rose a choisi d’élargir sa campagne vers les femmes à risque « aggravé » de cancer du sein, ce terme regroupant les femmes à risque élevé et très élevé. La campagne est lancée par le ministère des Affaires Sociales, de la Santé et des Droits des Femmes, et l’Institut national du cancer (INCa), en partenariat avec l’Assurance maladie (Cnamts), la Mutualité sociale agricole (MSA) et le régime social des indépendants (RSI). Les choses n’en resteront pas là pour les femmes à risque aggravé, l’idée étant de bâtir un cadre pour un dépistage systématisé et harmonisé à chaque niveau de risque.
Le dépistage du cancer du sein reste un enjeu de santé publique majeur, comme le réaffirme le Plan cancer 2014-2019. Une femme sur trois en France ne se fait toujours pas dépister. La participation s’est stabilisée autour de 53 %, un chiffre auquel s’ajoutent environ 10 % de femmes réalisant des mammographies de leur propre initative ou à la demande de leur médecin. Pourtant, le cancer du sein reste le 1er cancer et la 1re cause de décès par cancer chez la femme. Une femme sur 8 sera confrontée à la maladie au cours de sa vie.
Un dépistage cadré pour le risque aggravé
L’ouverture de la campagne aux femmes à risque aggravé est le premier pas vers leur intégration dans le programme national. La ministre de la Santé Marisol Touraine s’est exprimée en ce sens dès le début de son discours du 24 septembre 2014 : « Jusqu’à présent, seules les personnes à risque moyen bénéficiaient d’un suivi organisé. Nous allons désormais intégrer les personnes à risque aggravé dans les programmes de dépistage ». Que les choses soient claires, il n’est pas question pour autant de les intégrer dans le DO qui s’adresse aux femmes à risque standard, ou moyen, mais plutôt de systématiser et cadrer le dépistage.
Pour le Dr Frédéric De Bels, responsable du département dépistage à l’INCA : « Il était paradoxal de laisser de côté les personnes les plus à risque de développer un cancer et que cela génère des pertes de chance ». L’INCa entend répondre aux nouveaux enjeux du plan 2014-2019 « de sorte que la politique de prévention considère les personnes de manière égale, sans exclusion et leur fournisse, quel que soit leur niveau de risque, une réponse de dépistage ou de suivi adaptée ». Cette politique s’inscrit avec la position de l’OMS qui considère que « lorsque l’on planifie la couverture des programmes de dépistage, il faut prendre des mesures pour s’assurer que tous les sujets à haut risque en bénéficient ».
Lutter contre les inégalités
La réflexion est en cours sur les modalités pratiques de ce dépistage particulier. Le Dr Frédéric De Bels fait un point sur les méthodes mises en œuvre pour ce travail. « Le courrier aux femmes fait l’objet de réflexion actuellement. Comment identifier les femmes éligibles ? Comment utiliser les bases de données ? Les procédures de sensibilisation et d’invitation au dépistage feront de toute façon l’objet d’expérimentations avant de choisir quelle est la meilleure formule. Concernant la question du remboursement, le Plan Cancer prévoit que tous les examens complémentaires soient pris en charge à 100 %. Ce n’est pas encore le cas pour le risque élevé et l’Assurance Maladie doit en définir les modalités ».
La remontée des informations du dépistage est aussi à organiser. « Il faut le construire ensemble avec les médecins et les structures de gestion du dépistage. L’idée est que les médecins ne se retrouvent pas tout seuls ». Il est envisagé que des actions de formation des médecins soient entreprises par les structures de gestion et/ou les sociétés savantes. La HAS a publié de nouvelles recommandations sur le risque élevé, d’autres sont en cours de préparation pour les femmes ayant une prédisposition génétique, donc à risque très élevé.
Un débat de démocratie citoyenne
Autre projet phare, la concertation citoyenne sur le dépistage du cancer du sein auprès de l’ensemble des parties prenantes. « Professionnels de santé, épidémiologistes, sociologues, éthiciens, élus, membres de la société civile, journalistes seront invités à participer. Le dépistage doit répondre aux besoins de la population et doit être porté par les femmes et la société. Des débats s’ouvriront sur les bénéfices/risques du dépistage, les divergences de pratiques médicales, les risques de surtraitement ». La concertation est prévue sur 2 journées de débat public en 2016, sa préparation commencera en 2 015. Il s’agit de redéfinir les objectifs de santé fixés à cette politique publique, une restitution des échanges est prévue par un comité indépendant. « Le rapport d’orientation comportera des actions concrètes. L’objectif est que tout le monde s’y retrouve malgré les divergences d’avis ».
Le dépistage organisé ne doit pas creuser les inégalités. « Ce serait même une plus value par rapport au dépistage individuel ». En 10 ans, le DO en a diminué certaines mais pas toutes. Des actions de proximité sont prévues pour faciliter l’entrée de l’ensemble des femmes dans le dispositif. Le nouveau Plan cancer cite le développement d’équipes mobiles. Des actions spécifiques seront prévues vers les femmes en situation de précarité, celles souffrant d’un handicap, les personnes vivant en institution ou en privation de liberté, les personnes isolées géographiquement ou celles devant faire face à des difficultés linguistiques.
Des outils pratiques sont disponibles sur le site de l’INCA e-cancer.fr. Une brochure est à disposition pour orienter sur les niveaux de risque. Il existe aussi un annuaire des consultations d’oncogénétique existant sur le territoire national.
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