« UNE DES RÉALISATIONS les plus concrètes des plans cancer est la mise en place de ce dispositif visant à assurer, sur tout le territoire, une égalité d’accès de diagnostic et de prise en charge des formes héréditaires de cancers, tout particulièrement ceux du sein et du côlon », indique le Pr Thierry Frébourg, chef du service de génétique du CHU de Rouen et membre du comité d’oncogénétique de l’Institut national du cancer (INCa). « Il existe plusieurs formes héréditaires de cancer colique. La plus fréquente est bien sûr le syndrome de Lynch ou cancer colorectal non polyposique (HNPCC), qui représente environ 4 % des cancers colorectaux », ajoute-t-il. Sous l’impulsion de l’INCa, un dispositif ambitieux a été déployé à partir de 2003. Il repose d’abord sur l’existence de 122 sites de consultations spécialisées dans la génétique des cancers, réparties sur tout le territoire. Elles ont vocation à recevoir tous les patients à risque pour une forme héréditaire de cancer. « Plusieurs éléments peuvent conduire le praticien à s’interroger sur l’existence d’un cancer d’origine génétique et à adresser son patient à une consultation d’oncogénétique : la précocité de la lésion, son histoire familiale ou l’existence de tumeurs associées », indique le Pr Frébourg, en ajoutant que cette consultation d’oncogénétique permettra de déterminer si le patient est ou non porteur d’une mutation génétique à l’origine de son cancer. « Ce diagnostic est essentiel. Si le patient est porteur de la mutation, on pourra ensuite proposer ce diagnostic aux membres de sa famille : ceux qui sont eux aussi porteurs de la mutation pourront alors bénéficier d’une prise en charge personnalisée et chez les non-porteurs, cela permettra de supprimer une angoisse légitime ». Ainsi, dans le cadre du syndrome de Lynch, les porteurs de la mutation se verront proposer une surveillance étroite reposant, à partir de l’âge de 20 ans, sur la réalisation, tous les deux ans, d’une chromocoloscopie. « Il est aussi préconisé, à titre systématique, la réalisation d’une gastroscopie pour rechercher et, si besoin, éradiquer helicobacter pylori », indique le Pr Frébourg. « On a aujourd’hui toutes les preuves que cette surveillance par chromocoloscopie, tous les deux ans, est d’une très grande efficacité.
LES ANALYSES GENETIQUES SONT GRATUITES EN FRANCE
Si elle était bien faite, plus personne en France ne devrait mourir d’une forme héréditaire de cancer colorectal », poursuit le Pr Frébourg, en précisant qu’il n’existe pas, à ce jour, d’indication de colectomie totale, chez les patients asymptomatiques porteurs de la mutation exposant au syndrome de Lynch. « Ces porteurs ont un risque d’environ 60 %, de développer un cancer colorectal. Cela veut dire que certains patients ne feront pas de cancer. Et aujourd’hui, on estime que l’efficacité de la chromocoloscopie permet d’éviter cette chirurgie prophylactique ». Ces analyses génétiques sont très coûteuses mais la France est aujourd’hui un des seuls pays à les proposer gratuitement aux patients. « Elles sont faites dans seize laboratoires spécialisés en France avec un financement du ministère via l’INCa », souligne le Pr Frébourg. L’INCa a aussi décidé de créer des structures régionales ou interrégionales de coordination et de prise en charge pluridisciplinaire des formes héréditaires de cancers. « Ces structures ont vocation à tenir à jour la liste des patients ayant un risque génétique élevé de cancer, à établir des plans personnalisés de suivi, à les coordonner et à s’assurer que ce suivi est effectivement réalisé selon les recommandations nationales ». Mais, sur le terrain, des choses restent encore à améliorer. Un bilan, réalisé fin 2012, montre en effet qu’il existe un déficit d’adressage aux consultations d’oncogénétique de la part des médecins traitants, des gastroentérologues et des chirurgiens digestifs. « Il y a une sous reconnaissance et une sous prise en charge des cancers colorectaux héréditaires », constate le Pr Frébourg, en adressant un message aux gastroentérologues. « Dans le syndrome de Lynch, nous avons la chance d’avoir une signature de la maladie directement sur la tumeur du patient : le phénotype RER, également appelé l’instabilité microsatellitaire (MSI). C’est une anomalie que l’on peut rechercher en routine soit à partir du bloc tumoral, soit d’une biopsie. Il est donc absolument essentiel que tout cancer colorectal de moins de 65 ans, opéré dans le secteur public ou privé, fasse l’objet d’une recherche systématique de ce phénotype RER », indique le Pr Frébourg, en ajoutant que ces analyses s’effectuent gratuitement dans des laboratoires de génétique somatique des tumeurs déployés par l’INCa.
D’après un entretien avec le Pr Thierry Frébourg, chef du service de génétique du CHU de Rouen et membre du comité d’oncogénétique de l’Institut national du cancer (INCa)
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