Depuis 2011, et les premières études menées sur la cohorte américaine Nurse'Health Study, on sait que la prise quotidienne d'aspirine sur une période de 6 ans ou plus réduit les risques de cancer colorectal et de cancers gastro-intestinaux.
Deux nouvelles études parues dans le « JAMA Oncology » apportent des arguments supplémentaires en faveur du rôle protecteur de la prise régulière d'aspirine contre la survenue du cancer de l'ovaire et du carcinome hépatocellulaire.
Dans la première étude, les données de plus de 200 000 participantes de la cohorte Nurse Health Study ont été analysées par les chercheurs du département d'épidémiologie de l'école de santé publique de Harvard. Au cours d'un suivi étalé sur environ 30 ans, 1 054 cancers de l'ovaire ont été recensés. Il y avait une réduction de 23 % du risque de survenue de cancer chez les femmes prenant des faibles doses d'aspirine (moins de 100 mg par jour) pendant au moins un an en comparaison à celles qui n'en prenaient pas. Cette observation ne se confirme toutefois pas chez celles qui recevaient des doses plus fortes. Les épidémiologistes ont relevé une tendance à une réduction progressive du risque de cancer de l'ovaire parallèle à l'allongement des durées de prescriptions.
La seconde étude sur l'impact de la prise d'aspirine sur le risque de carcinome hépatocellulaire a été conduite sur la base des données de 2 études prospectives : la Nurses Health Study et l'étude de suivi des professionnels de santé des États-Unis. Il s'agit d'études de cohorte avec un suivi de 4 232 188 personnes-années au cours duquel 108 carcinomes hépatocellulaires ont été documentés. Les patients qui déclaraient prendre au moins 2 comprimés par semaine au cours de la période de suivi avaient un risque de cancer réduit de 49 %, avec un effet significatif de l'augmentation des doses sur l'effet protecteur.
La réduction du risque de carcinome hépatocellulaire est en effet de 13 % (non significatif) chez les participants qui prenaient mois d'une dose et demie par semaine, 49 % chez ceux qui prenaient entre 1,5 et 5 doses par semaine et 51 % chez ceux qui prenaient plus de 5 doses par semaine. Le risque de cancer était également significativement réduit quand les durées de prescription dépassaient 5 ans.
Quel mécanisme d'action ?
Une explication généralement avancée pour expliquer cet effet protecteur consiste à pointer l'action anti inflammatoire de l'acide acétyl salicylique. Les processus inflammatoires étant notoirement impliqués dans l'oncogenèse. Cette théorie est remise en question par 2 autres résultats extraits des études du « JAMA Oncology » : le risque d'hépatocarcinome n'est pas réduit par la prise régulière d'anti inflammatoire non stéroïdiens (AINS), et le risque de cancer de l'ovaire est mêmes plus élevé chez les patients sous AINS. Il est donc possible que les véritables mécanismes reliant la prise d'aspirine à la diminution du risque de cancer restent à explorer.
La prise d'aspirine en prévention du cancer est une notion relativement ancienne, y compris dans la population générale : en 2015 une enquête parue dans la revue « american journal of preventive medicine ». La même année, la task force américaine dédiée à la prévention (US Preventive Task Force) a recommandé l'aspirine en prophylaxie pour tous les adultes de 50 à 69 ans ayant des facteurs de risque spécifique de cancer du côlon.
Des données pour de futures reco
Les 2 études publiées dans le « JAMA Oncology » fournissent « des informations importantes pour de futures recommandations sur la prévention des cancers », analyse dans un éditorial le Dr Victoria Seewaldt de l'institut Beckman de cancérologie, à Duart en Californie. Elle se réjouit notamment du fait que les faibles doses observées dans les études (moins de 100 mg), soient « les mêmes que celles recommandées dans la prévention cardiovasculaire et du cancer colorectal, peuvent également réduire le risque de cancer de l'ovaire ».
Concernant l'effet protecteur de l'aspirine vis-à-vis de l'hépatocarcinome, là encore, les résultats du « JAMA Oncology » peuvent « changer les pratiques cliniques », selon le Dr Seewaldt, qui prévient tout de même que les bénéfices de l'aspirine « doivent être mis en balance avec le risque hémorragique, et particulier chez les patients atteints de pathologies hépatiques chroniques. »
« En dépit d'un grand nombre de travaux menés sur le sujet, le cancer de l'ovaire reste une maladie mortelle. Son mauvais pronostic se combine à un diagnostic généralement tardif, une instabilité génétique et une résistance à la chimiothérapie, rappelle le Dr Seewaldt, l'arsenal de la chimioprévention se limite à la pilule contraceptive. »
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