Pas de révolution, mais de vraies avancées sur plusieurs fronts. Lors du congrès de l’American Society of Clinical Oncology, les études ont confirmé l’intérêt des nouveaux anticancéreux. De plus en plus “polyvalents”, ces traitements investissent de nouveaux champs, comme le cancer du pancréas ou certaines tumeurs solides de l’enfant. Avec en toile de fond la montée en puissance de la médecine de précision qui permet d’identifier des sous-groupes de patients répondeurs.
Première thérapie ciblée dans le cancer du pancréas
Avec une survie à cinq ans inférieure à 10 %, le cancer du pancréas est de très mauvais pronostic. Le traitement de première ligne des formes métastatiques est basé sur la chimiothérapie. Mais la génomique ouvre la voie aux thérapies ciblées, du moins pour un sous-groupe de patients. En effet, 5 à 7 % des cancers du pancréas sont dépendants de la mutation germinale des gènes BRCA 1 et/ou 2, plus connue pour être un facteur de prédisposition de certains cancers du sein ou de l’ovaire notamment.
D’où l’idée explorée par l’étude POLO III de proposer un traitement de maintenance par olaparib (un inhibiteur de PARP utilisé dans les cancers de l’ovaire et du sein BRCA) auprès de patients présentant un cancer du pancréas métastatique avec mutation BRCA. Les résultats présentés en plénière lors du congrès de l’American Society of Clinical Oncology (ASCO-Chicago, 31 mai – 4 juin) montrent que cette stratégie augmente la survie sans progression (7,4 mois vs 3,8) et réduit le risque de progression de la maladie de 47 %. Après deux ans, 22,1 % des patients sous olaparib étaient toujours en vie vs 9,6 % sous placebo. Ces premiers résultats sont une avancée, car généralement la survie est inférieure à 1 an. Cette étude pose la question de l’élargissement du test oncogénétique de BRCA à tous les patients atteints d’un cancer du pancréas. « Aujourd’hui, l’organe importe moins que les modifications génétiques présentes chez le patient », souligne le Pr Philippe Ruszniewski (Clichy).
Cancer du sein, des espoirs pour les formes de mauvais pronostic
L’incidence du cancer du sein hormono-dépendant avancé est en augmentation chez les femmes en préménopause et il peut être particulièrement agressif. à l’ASCO, l’étude de phase III MONALEESA-7 (n=672) a confirmé l’efficacité d’un nouvel inhibiteur des kinases cyclines-dépendantes (CDK) 4 et 6, le ribociclib, vs placebo, dans le traitement du cancer du sein hormono-dépendant avancé, HER-2 négatif, administré avec un traitement hormonal standard (agoniste de la LH-RH associé à un inhibiteur de l'aromatase ou au tamoxifène). « MONALEESA-7 4 est la première étude de survie globale évaluant un anti-CDK4/6 exclusivement chez des femmes préménopausées, a indiqué le Pr Fumoleau, directeur général de l’Institut Curie. Une réduction du risque de décès de 29 % a été observée. » Après 42 mois de suivi, les taux estimés de survie globale étaient de 72 % pour les femmes ayant reçu le ribociclib en plus du traitement endocrinien vs 46 % pour celles n'ayant reçu que le traitement endocrinien. « C’est la première étude démontrant une amélioration de la survie globale avec une thérapie ciblée associée à un traitement endocrinien en première ligne thérapeutique d’un cancer du sein avancé HR+, HER-2 négatif. C’est une très bonne nouvelle pour ces femmes », a souligné l’investigateur principal Harold J. Burstein.
Les cancers du sein “triple négatif” (15 % environ) constituent un groupe hétérogène de tumeurs caractérisé par l’absence de récepteurs hormonaux aux œstrogènes et à la progestérone ainsi que l’absence de surexpression du facteur de croissance HER-2. Ce sous-type de cancer est associé à un pronostic défavorable en raison du caractère agressif de ces tumeurs. Mais « aujourd’hui, les cancers du sein triple négatif ne sont plus le parent pauvre de l’immunothérapie, a indiqué le Dr Mahasti Saghatchian (oncologue médicale, hôpital américain, Paris). L’atézoluzumab ouvre l’ère de l’immunothérapie dans cette situation clinique.
L'étude IMpassion130 a évalué cet anticorps anti-PDL1 en association à la chimiothérapie par nab-paclitaxel (vs chimio+placebo) chez plus de 900 patientes avec un cancer du sein métastatique triple négatif traitées en première ligne. Les premiers résultats présentés à l’ESMO montraient une augmentation de la survie sans progression dans le bras atezolizumab, tout particulièrement chez les patientes exprimant PD-L1 (HR = 0,62), ainsi qu’une augmentation de la survie globale médiane dans le sous-groupe des tumeurs PDL1 positives. à l’ASCO, ont été présentés des résultats actualisés confirmant une amélioration de la médiane de survie globale de 18 à 25 mois dans la population PD-L1+ (HR=0,71). Aux États-Unis, l’atezolizumab (Tecentriq) a une AMM conditionnelle, suspendue aux résultats finaux de survie globale attendus pour la fin de l’année. L’AMM européenne est espérée au second semestre 2019.
Prostate, l’essor des antiandrogènes de nouvelle génération
Aujourd’hui, plusieurs types de stratégies thérapeutiques associant suppression androgénique et chimiothérapie (docétaxel) ou hormonothérapie de deuxième génération peuvent être proposés aux patients atteints d’un cancer de la prostate métastatique, avec deux situations : la forme hormonosensible et celle résistante à la castration.
L’enzalutamide, puissant inhibiteur du récepteur aux androgènes de seconde génération, avait démontré dans des études précédentes un bénéfice en termes de survie globale chez des patients présentant un cancer de la prostate métastatique résistant à la castration. Dans la maladie métastatique hormonosensible, un bénéfice sur la survie sans progression avait aussi été mis en évidence ; restait à démontrer son impact sur la survie globale. C’est chose faite, avec l’étude internationale de phase III ENZAMET, présentée en session plénière à l’ASCO. Après un suivi médian de 36 mois, l’addition d’enzalutamide au traitement standard de suppression androgénique associé ou non au docetaxel améliore la survie de 80 % des patients présentant un cancer de la prostate métastatique sensible à la castration hormonale vs 72 % pour ceux ayant bénéficié d’un autre anti-androgène non stéroïdien associé au traitement standard. Au total, le risque de décès est diminué de 33 % dans le bras enzalutamide (HR=0,67). Ce bénéfice est clair chez les patients, quel que soit le volume métastatique. L'avantage en termes de survie globale est plus significatif chez les patients qui n’ont pas reçu au préalable du docetaxel. Une seconde étude appelée TITAN a évalué dans la même situation clinique l’apalutamide, nouvel inhibiteur du récepteur aux anti-androgènes. Après une médiane de suivi de 2 ans, l’apalutamide réduit le risque de progression radiographique de la maladie de 52 % (HR=0,48) et le risque de décès de 33 % (HR=0,67).
Ces études confirment ce que l’on connaissait déjà en utilisant l’abiratérone. Lorsque les patients ont une suppression androgénique et de la chimiothérapie par docetaxel, faudra-t-il associer un antagoniste du récepteur aux androgènes de nouvelle génération ? Réponse en 2020 avec les résultats de l’étude PEACE-1.
Poumon, l’immunothérapie confirme ses bénéfices à 5 ans
Les résultats à 5 ans de l’étude KEYNOTE-001 chez des patients présentant un cancer bronchique non à petites cellules au stade avancé, naïfs de traitement (n=101) ou préalablement traités (n=449), montrent que le pembrolizumab, une immunothérapie de type anti-PD-L1, améliore significativement la survie globale. 25 % des patients sous pembrolizumab, préalablement traités, et dont la tumeur exprimait PD-L1 ≥ 50 %, étaient toujours en vie à 5 ans. Parmi la soixantaine de patients traités pendant au moins 2 ans, plus de 85 % avaient une réponse objective et une survie globale à 5 ans qui dépassait 75 %. Auparavant, cette population était traitée par chimiothérapie avec une survie à 5 ans < 5 %.
En bref...
Cancer du sein, le poids du régime Une alimentation pauvre en graisse et enrichie en légumes, fruits et céréales permet de diminuer la mortalité du cancer du sein de 21 %, selon une nouvelle analyse de l’étude WHI, mais n’en réduit pas l’incidence.
Vitamine D, le nouveau “Petrol Hahn” En cas d’alopécie sous chimiothérapie, des applications topiques de calcitriol 2 fois/ jour permettraient de stopper la chute des cheveux, selon une étude de phase I menée chez 23 patients atteints de cancers gynécologiques, tumeurs mammaires ou sarcome.