Pour Nathalie, 35 ans, soignée à l'hôpital Cochin pour un cancer du côlon, le parcours pluridisciplinaire intégrant des séances d'activité physique qu'on lui a proposée deux mois après la chimiothérapie tombe à pic. « J'ai tout de suite été convaincue, d'autant plus qu'une fois les traitements terminés, on pense que les choses vont aller mieux, mais c'est une période difficile sur le plan psychologique, raconte-t-elle. J'avais envie de reprendre confiance en mon corps ».
Ce programme a été mis en place en 2012 à l'initiative du Pr François Goldwasser, chef du service de cancérologie de l'hôpital Cochin, avec l'ambition de permettre aux patients de retrouver une bonne condition physique afin d'améliorer leur qualité de vie et le pronostic.
Après 10 semaines pendant lesquelles Nathalie a bénéficié de deux séances hebdomadaires d'activité physique de une heure, elle l'affirme : « ces séances m'ont donné un regain d'énergie ». L'objectif est désormais de maintenir ces acquis. François Salignon, l'éducateur médicosportif, lui a préparé un plan d'entraînement.
Évaluation complète
Un bilan initial complet du patient est réalisé en amont pour évaluer ses capacités physiques. Il comporte des questionnaires validés sur les symptômes et la qualité de vie, un bilan sanguin complet, un examen radiologique pour évaluer la composition corporelle, une épreuve d'effort et plusieurs tests réalisés par le « coach » : test de marche de 6 minutes, tests d'équilibre, d'endurance, de proprioception, de force musculaire et de souplesse. Cette même évaluation est réalisée à mi-parcours, à la fin, puis à 3 mois, 6 mois et 1 an. Ce suivi rassure Nathalie : « cela va m'aider à garder le cap ».
« Je m'adapte à chaque patient, mais les séances ne doivent pas aller en dessous d'un certain seuil d'intensité pour être efficaces », souligne François Salignon. Les patients sont équipés d'un cardiofréquencemètre pour permettre une surveillance cardiaque. Chaque session commence par une dizaine de minutes de marche sur tapis. S'ensuivent des exercices de musculation. « Je fais toujours travailler les muscles en allant du bas vers le haut, car la locomotion est essentielle pour l'autonomie », explique-t-il. Pour finir, l'éducateur sportif met en place des exercices plus ludiques, avec des ballons notamment.
Le programme intègre également des évaluations psychologiques et nutritionnelles sur un an. « J'analyse avec le patient ses habitudes alimentaires et nous fixons ensemble des objectifs pour les améliorer », décrit Camille Le Bris, la diététicienne. Nathalie en atteste : « cet accompagnement m'a aidée à reprendre de bonnes habitudes ».
Séances d'éducation à la santé
À l'hôpital Hôtel-Dieu, le service de réhabilitation par le sport a été mis en place plus récemment, en 2017, selon le même modèle, mais avec ses spécificités. « La richesse de ce service est d'avoir intégré des médecins du sport », estime le Pr Goldwasser. En revanche, « nous n'avons pas de suivi psychologique ni nutritionnel », regrette le Dr Jennifer Arrondeau, oncologue à Hôtel-Dieu et à Cochin. Néanmoins, une fois par semaine, les enseignants en activité physique adaptée (EAPA) animent une session d'éducation à la santé autour de différentes thématiques comme la nutrition ou la fréquence cardiaque.
Ici, les patients atteints de cancer - qui représentent environ 40 % du public accueilli - côtoient aussi des patients atteints d'autres pathologies chroniques.
Le programme s'adresse aux patients à tout moment de la pathologie tumorale. « Des patients peuvent aussi en bénéficier avant une opération lourde pour qu'ils soient dans de meilleures conditions physiques le jour J. Dans ce cas, le programme est plus court et uniquement basé sur des exercices cardiorespiratoires », précise le Dr Arrondeau.
Le parcours commence par une évaluation approfondie du patient, similaire à celle de Cochin. « Cette cartographie complète du patient nous permet d'adapter au mieux les séances », indique Jean-Baptiste Baudouin, EAPA. Les tests sont également réalisés à la fin du programme, à 3 mois, 6 mois et 1 an. « Cette série de tests permet d'obtenir des mesures objectives. Nous prévoyons d'analyser toutes ces données et d'en publier les résultats », annonce le Dr Arrondeau.
Le programme s'étale sur 6 semaines à hauteur de trois séances hebdomadaires de 1 h 30, par petit groupe de 4 à 6 patients équipés d'un cardiofréquencemètre. Certains groupes vont apprécier écouter de la musique, quand d'autres préféreront le calme ou bien échanger les uns avec les autres. L'EAPA reste en tout cas attentif et les encourage. « Le fait d'être en groupe est stimulant. Souvent, une cohésion se crée », raconte le Dr Arrondeau. Roubila, une patiente, en atteste : pour elle, le fait d'être en groupe est bénéfique pour le moral.
Des activités variées et adaptées
La séance commence par du renforcement musculaire. Step, ballons… : les EAPA ont plusieurs outils à leur disposition pour proposer des activités variées et adaptées à chacun des patients et leur faire travailler proprioception, équilibre ou encore mobilité. La séance se termine par 30 minutes de vélo. « L'intensité du programme évolue au fur et à mesure des séances », souligne Élodie Pithon, EAPA.
Ce jour, Simon Réault, un autre EAPA, a en charge un groupe de quatre patients : trois ont été soignés pour un cancer, le quatrième est atteint de schizophrénie. Ils en sont à leur deuxième séance, les échanges se font encore rares. Parmi eux, Roubila, qui a déjà expérimenté le programme en 2017 à la suite d'une colectomie : « j'ai vraiment retrouvé de la vitalité après ce premier programme, et j'ai eu envie de le refaire pour maintenir ces bienfaits », raconte-t-elle.
Les patients ressortent du programme avec un fichier comportant plusieurs exercices qu'ils pourront réaliser chez eux.
À l'issue des 6 semaines, les EAPA orientent les patients vers une structure de ville adaptée. « Nous utilisons notamment la plateforme Prescri’forme qui recense les structures labellisées », indique Jean-Baptiste Baudouin. Malgré tout, la majorité des patients ne pratiquent pas une activité pérenne. « 40 % des patients parviennent à maintenir une activité régulière », indique Simon Réault. « Ce programme sert de tremplin, mais le challenge, c'est surtout l'après », conclut le Dr Arrondeau.