RENDU CÉLÈBRE par les greffes du visage, le service de chirurgie plastique et reconstructrice de l’Hôpital Henri Mondor dirigé par le Pr Laurent Lantieri développe plusieurs autres activités très spécifiques : la reconstruction DIEP (Deep Inferior Epigastric Perforator flap) après une mastectomie, la prise en charge des neurofibromatoses et le traitement de tumeurs cutanées. Des activités qu’il importe à l’équipe de faire connaître.
La technique DIEP
Le Dr Christophe Lepage s’est spécialisé dans le DIEP qui consiste à utiliser du matériel autologue pour la reconstitution du sein, ce qui apporte à la patiente une restauration de qualité et définitive. «Elle est insuffisamment connue», soulignent les Drs Lepage et Lantieri. D’ailleurs la première patiente, elle-même médecin, l’a découverte fortuitement.
L’intervention consiste à réaliser chez la patiente dans un premier temps opératoire une plastie abdominale pour prélever du tissu adipeux assorti d’une artériole et d’une veinule ainsi qu’un fuseau de peau, qui seront, dans le deuxième temps opératoire, greffés à l’emplacement de la mastectomie pour reconstituer et remodeler le sein. L’intervention est précédée d’un angioscanner pour repérer les meilleurs vaisseaux à prélever. Ils irrigueront le tissu adipeux et la peau mis en place. Il n’y a pas de pose de prothèse ni de prélèvement de muscle ou d’aponévrose chez la patiente, et il n’y aura donc aucun risque de déficit fonctionnel ni d’éventration. Les complications infectieuses sont quasi inexistantes.
Une deuxième opération est nécessaire six mois après pour reconstituer un mamelon, et faire éventuellement un rééquilibrage des deux seins. La plaque aréolo-mamelonaire est reconstituée. « Il faut distinguer l’aréole surface plane qui peut être reconstruite par une greffe de peau prélevée à la racine de la cuisse car plus foncée que le reste de l’organisme ou un tatouage, et le mamelon petit volume qui peut être reconstruit par une greffe prélevée sur le mamelon controlatéral ou un petit lambeau local » précise le Pr Lantieri. L’intervention est légère, la patiente peut sortir le lendemain.
Le DIEP peut être réalisé dans le même temps que la mastectomie, ou secondairement. Elle est insuffisamment mise en application, expliquent le Dr Lepage comme le Pr Lantieri, car elle est délicate, et prend entre 4 et 6 heures. Il faut aller chercher les perforantes des vaisseaux épigastriques profonds et les sutures sont faites au microscope lors du branchement sur les vaisseaux mammaires internes. La reconstruction est difficile, il faut veiller à certains détails essentiels, comme la bonne position du sillon sous-mammaire. Mais une fois la reconstruction réussie, la patiente va complètement l’oublier.
Les contre-indications sont peu nombreuses, tabagisme (en raison des troubles de la microcirculation qui entraînent un risque d’échec de la prise de vascularisation), ventre cicatriciel, poids insuffisant. Dans le service, rodé à la technique DIEP, où l’intervention est pratiquée depuis quinze ans et qui a l’une des trois plus grosses séries mondiales (environ 80 par an), les échecs sont rares, inférieurs à 5 % (par thrombose des vaisseaux nourriciers greffés). En cas d’échec, on n’a rien perdu et on peut reprendre les procédés classiques prothétiques.
Les patientes se succèdent, le praticien explique schémas à l’appui. Elles sont rassurées quand on leur dit que l’intervention est peu algique, ne nécessitant que 6 jours d’hospitalisation et qu’au bout de 10 jours on sait si elles seront tranquilles pour le reste de leur vie (au bout de 10 jours on sait si les greffes vasculaires sont viables). L’arrêt de travail est de 2 à 3 semaines. Mais l’agenda est plein, le délai est long, les patientes devront attendre un an après la consultation pour avoir l’intervention.
« Nous nous battons pour promouvoir le DIEP, explique le Dr Lepage. C’est le gold standard dans des pays comme la Belgique ou les États-Unis. Les anciennes générations ne se lancent pas. Il y a 2 ans, j’ai fait une demande auprès de la HAS pour que l’acte soit répertorié et pris en charge. Il n’y a pas de réponse à ce jour. » La prise en charge se fait par assimilation sur la nomenclature de la reconstruction avec prothèse, mais le tarif est ridiculement faible. Cela représente un frein pour les équipes du privé.
Des associations de patientes sont là aussi pour faire connaître et militer en faveur du DIEP.
Le recours aux compétences extérieures
Consultation du Pr Lantieri. Monsieur M., âgé de 46 ans a subi une résection d’une grande partie de la mandibule (branche inférieure et symphyse) à la suite d’un cancer. Les chirurgiens ont reconstruit le visage du patient par auto-transplantation en utilisant le péroné, un lambeau cutané et des vaisseaux nourriciers. La cicatrisation a été difficile et trois reprises chirurgicales ont été nécessaires. Néanmoins, Monsieur M. a retrouvé son visage et peut vivre et communiquer avec ses enfants. Les interventions ont été réalisées en collaboration avec le Pr Méningaud, spécialiste maxillo-facial dans le service du Pr Lantieri. Ce type de reconstruction est souvent fait avec les spécialistes ORL de chirurgie cervicofaciale dont le service à l’Hôpital Intercommunal de Créteil. Beaucoup d’interventions du service de chirurgie plastique sont réalisées avec des compétences extérieures, notamment en collaboration avec des équipes de l’Hôpital Intercommunal de Créteil, qui n’appartient pas à l’APHP. Ce qui soulève d’épineux problèmes administratifs : qui reçoit le remboursement de l’Assurance maladie ? • Consultation du Pr Lantieri. Monsieur M., âgé de 46 ans a subi une résection d’une grande partie de la mandibule (branche inférieure et symphyse) à la suite d’un cancer. Les chirurgiens ont reconstruit le visage du patient par auto-transplantation en utilisant le péroné, un lambeau cutané et des vaisseaux nourriciers. La cicatrisation a été difficile et trois reprises chirurgicales ont été nécessaires. Néanmoins, Monsieur M. a retrouvé son visage et peut vivre et communiquer avec ses enfants. Les interventions ont été réalisées en collaboration avec le Pr Méningaud, spécialiste maxillo-facial dans le service du Pr Lantieri. Ce type de reconstruction est souvent fait avec les spécialistes ORL de chirurgie cervicofaciale dont le service à l’Hôpital Intercommunal de Créteil. Beaucoup d’interventions du service de chirurgie plastique sont réalisées avec des compétences extérieures, notamment en collaboration avec des équipes de l’Hôpital Intercommunal de Créteil, qui n’appartient pas à l’APHP. Ce qui soulève d’épineux problèmes administratifs : qui reçoit le remboursement de l’Assurance maladie ? « C’est une aberration totale alors que des médecins de deux hôpitaux voisins travaillent ensemble, nous sommes dans un vide administratif total. Nous espérons qu’il va y avoir une solution à ce problème, qui se pose très fréquemment », exprime le Pr Lantieri.
« Au-delà de l’esthétique, la chirurgie plastique est une chirurgie de la qualité de vie. Elle prend du temps et des compétences. Il faut maintenant que cela soit reconnu par les institutions. » Les échanges des compétences sont réciproques, « créateurs de cercles vertueux. Il faut que l’administration réponde à cette attente. Je suis favorable à une agence de santé qui régulerait le public et le privé. »
Centre de référence des neurofibromatoses
Le traitement des tumeurs cutanées est une autre activité très importante du service, avec la reconstruction de la face après cancer de la peau. Le service est un Centre de référence des neurofibromatoses, les patients les plus complexes sont adressés ici. Les neurofibromatoses (1/3 500 naissances), sont des maladies complexes et très polymorphes. Si la majorité des patients n’ont qu’une expression cutanée, 10 % sont des tumeurs invasives, plexiformes, source de souffrances et d’une altération de la qualité de vie. « J’ai fait une demande de prise en charge dans le cadre d’un PHRC pour mettre au point des techniques pour essayer d’améliorer l’évolution », explique le chef de service. Il est difficile d’intervenir sur ces tumeurs très friables, qui saignent beaucoup et peu de patients peuvent bénéficier d’une greffe. On sait que si l’on peut enlever les tumeurs les plus importantes et pratiquer un remodelage avec les tissus restants, la qualité de la vie des patients s’améliore nettement.
Un chef de service très attaché au système publique
Les activités du service ne s’arrêtent pas là. Il est connu pour les greffes du visage, qui demandent beaucoup de travail et concernent peu de patients. Il faut compter aussi avec les urgences traumatologiques, la chirurgie de la main, domaine que le Pr Lantieri connaît bien aussi, après avoir été externe chez le « père » de la chirurgie de la main, le Pr Raymond Vilain à Boucicault. Et des interventions spécifiques comme la méthode de Coleman ou autogreffe de tissu adipeux pour combler les atrophies faciales (sclérodermies, VIH).
Pour toutes ces activités réalisées avec une qualité optimale, une poignée de personnes. Deux temps plein titulaires, le chef de service (Pr Lantieri) rejoint depuis 6 mois par un adjoint (Pr Meninguaud), 5 temps-plein vacataires (2 chefs de clinique et 3 internes), un PH à temps partiel et quelques attachés. Pour toutes ces activités réalisées avec une qualité optimale, une poignée de personnes. Deux temps plein titulaires, le chef de service (Pr Lantieri) rejoint depuis 6 mois par un adjoint (Pr Meninguaud), 5 temps-plein vacataires (2 chefs de clinique et 3 internes), un PH à temps partiel et quelques attachés. « Il y a parfois des pertes de temps, mais globalement ça marche », résume le Pr Lantieri, qui défend sans ambiguïté le service publique français « qui nous a donné pendant 50 ans la meilleure médecine du monde », mais qu’il faudrait maintenant « financer autrement. »
« Une idée qui m’est insupportable est celle qui insinue que les malades sont mal traités dans les hôpitaux. Cela n’est pas vrai », s’insurge le spécialiste. Néanmoins à l’entendre, des gains considérables d’énergie et de temps pourraient être faits, « en évaluant sur des critères qualitatifs et non sur des mesures prenant en compte uniquement des critères financiers artificiels. » Par exemple, on pourrait regarder le taux de satisfaction et aussi analyser les méthodes spécifiques en fonction du type d’intervention. » Et les moyens de financement seraient améliorés, si l’on sortait de ce « système inflationniste, qui prévoit d’un côté la rémunération à l’acte et de l’autre côté le remboursement. Ce qui produit une inflation du nombre d’actes. »
Quatre greffes de visage ont été réalisées dans le service, dans le cadre d’un PHRC autorisé pour cinq. « Mais il y a déjà 2 personnes en liste d’attente et d’autres sont en évaluation. Une fois la recherche terminée, si elle est estimée valable, elle doit être financée », souligne le spécialiste.
Dr Patrick Gasser (Avenir Spé) : « Mon but n’est pas de m’opposer à mes collègues médecins généralistes »
Congrès de la SNFMI 2024 : la médecine interne à la loupe
La nouvelle convention médicale publiée au Journal officiel, le G à 30 euros le 22 décembre 2024
La myologie, vers une nouvelle spécialité transversale ?