« LE PROBLÈME des inégalités face au cancer est d’autant plus inquiétant qu’il s’inscrit dans un contexte où la mortalité baisse », déplore le Pr Agnès Buzyn, présidente de l’Institut national du cancer (INCa). « La corrélation entre un faible niveau d’études et un plus fort risque de cancer n’a cessé d’augmenter ces vingt dernières années ». Aujourd’hui, « les personnes issues des catégories socioprofessionnelles les moins favorisées souffrent et meurent plus du cancer que les autres. C’est un point de déception par rapport au Plan cancer 2009-2013, dont la lutte contre les inégalités était l’un des trois piliers. Si nous voulons continuer à faire baisser l’incidence et la mortalité du cancer, nous devons prendre en compte ces inégalités de santé, qu’elles soient d’ordre socio-économiques ou territoriales, environnementales ou sociétales », a-t-elle poursuivi en présentant la 4e édition des Rencontres de l’INCa, qui se tiendra le 4 décembre, à la Cité universitaire de Paris.
L’objectif de ces rencontres de l’INCa est de dresser un état des lieux des inégalités face au cancer et d’identifier de nouvelles pistes d’actions. « Les inégalités sont multifactorielles et il est très difficile d’appréhender le déterminant le plus important », explique Jean-Baptiste Herbet, chargé du département Recherches en sciences humaines et sociales de l’INCa. « Un cadre a une espérance de vie de six ans supérieure à celle d’un ouvrier, et même de sept ans quand on prend en compte l’espérance de vie sans incapacité », a-t-il dit. Outre le risque accru de développer un cancer, « ces inégalités se retrouvent à tous les stades du cancer : dépistage, accès au soin et mortalité ». Par exemple, sur le plan du risque, 45 % des ouvriers fument (taux en hausse) tandis que 25 % des cadres sont accros au tabac (taux en baisse).
Des pistes d’action.
Mais au-delà des connaissances, il existe de nombreux projets qui tendent à couvrir les différentes inégalités observées dans le champ des cancers, face à la mortalité, aux facteurs de risque, à l’accès et au recours au système de soins, pendant et après la maladie. Car même après la maladie, les plus défavorisés ont plus de mal à retrouver un emploi quand ils l’ont perdu. « Une personne qui occupe un emploi d’exécution a 62 % de chances de retrouver un travail deux ans après la maladie, contre 78 % pour les cadres », a souligné le Pr Buzyn.
Depuis2007, près d’une centaine d’études et d’expérimentations ont été financés par l’INCa, que ce soit pour l’accompagnement des patients et des proches de malades, des projets de dépistage et de prévention, ainsi que des projets de recherche interventionnelle pour promouvoir les changements de comportement, les déterminants et la prise en charge. Au centre de tabacologie à l’Hôpital européen Georges Pompidou (Paris), le Dr Anne-Laurence Le Faou et son équipe évaluent l’efficacité d’une prise en charge du sevrage tabagique des fumeurs précaires qui s’appuie sur un soutien social intensif en groupe. Il faut savoir que la prévalence du tabagisme chez les chômeurs est passée de 43,5 % à 49,6 % entre 2005 et 2010. En dépit des hausses de prix, les fumeurs précaires consacrent près de 20 % de leurs revenus au tabac. Au CHU de Caen, une étude est menée sur les « Représentations, pratiques et rôle des médecins généralistes dans la réduction des inégalités sociales d’accès et de recours au dépistage » (REMEDE). Cette enquête, actuellement en cours d’analyse, vise à appréhender les représentations des professionnels de santé concernant les inégalités sociales de santé relatives au dépistage des cancers, la place des médecins généralistes dans la réduction de ces inégalités et les évolutions possibles du dépistage organisé des cancers français pour pallier ces inégalités.
Toutefois, la lutte contre les inégalités face aux cancers n’incombe pas seulement aux professionnels de santé, insiste la présidente de l’INCa. « Il faut faire fonctionner tous les leviers », via les Agences régionales de santé mais aussi, en prévention, via l’Éducation nationale comme, par exemple, dans la lutte contre l’obésité. C’est le message que souhaite faire passer le Pr Agnès Buzyn au Président de la république, lequel clôturera la journée des rencontres de l’INCa.
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