Après une mastectomie totale ou simple, la reconstruction mammaire est une étape clé pour la qualité de vie à venir. Pourtant, beaucoup de femmes n'ont pas la possibilité de prendre part à la décision du type de reconstruction, par manque d'échange ou d'information. C'est pour répondre à ces difficultés que la Haute Autorité de santé (HAS) et l'Institut national du cancer (Inca) ont mis en ligne une plateforme d'aide à la décision partagée, principalement destinée aux patientes, en matière de reconstruction mammaire post-mastectomie. Cette plateforme est le fruit d'un processus initié par une saisine de la HAS par une association, Reconstruction Sein Infos, une première dans l'histoire de l'institution.
On estime que 30 % seulement des femmes concernées par une mastectomie totale s'engageraient dans une reconstruction du sein. « Il doit donc y avoir un certain nombre d'obstacles à l'information, analyse le Pr Norbert Ifrah, président du conseil d'administration de l'Inca. L'âge est un facteur important : plus de 40 % des femmes de moins de 45 ans ont une reconstruction mammaire après une mastectomie, contre environ un tiers des femmes de 45 à 55 ans. Il y a aussi une disparité géographique très nette de la distribution des actes. »
Embouteillage informationnel
À l'annonce d'une mastectomie, plusieurs décisions sont à prendre par la patiente : faut-il reconstruire chirurgicalement le volume du sein enlevé ou garder un buste plat ? Quelle technique employer ? Faut-il la réaliser directement après la mastectomie ou à distance ? « La reconstruction immédiate est une opération extrêmement sensible, détaille la Dr Marie Bannier de l'institut Paoli-Calmettes à Marseille. La patiente à qui l'on vient d'annoncer une mastectomie reçoit un tas d'informations, dont on sait que le niveau de rétention est de l'ordre de 20 %. »
Le choix est d'autant plus complexe que les options se sont multipliées récemment : en janvier 2020, la HAS a préconisé l'inscription de sept nouvelles techniques chirurgicales par lambeau autologue : lambeau libre abdominal de l’artère épigastrique inférieure superficielle (SIEA), lambeaux libres cruraux, lambeau transverse musculocutané de gracilis à palette transversale (TMG), lambeau perforant fasciocutané de l’artère profonde de la cuisse (PAP), lambeau pédiculé fasciocutané thoracodorsal (TDAP), techniques autologues mini-invasives du lambeau musculocutané pédiculé de LD et LDA mini-invasif (MSDL). Ces techniques sont depuis entrées dans la nomenclature et sont remboursées.
Les femmes sont mal informées au début de leur parcours
Dans un premier temps, la HAS a établi un état des lieux de l'information des femmes sur la reconstruction mammaire (également publié ce 29 mars). Le premier constat a été le manque criant de littérature sur le sujet. Les organismes des professionnels de santé impliqués dans la reconstruction mammaire (chirurgiens, médecins, masseurs-kinésithérapeutes, infirmiers et psychologues) questionnés par la HAS ont confirmé leurs difficultés de mise en place d’une information efficace.
Une enquête a également été réalisée auprès de 1 150 femmes ayant eu une mastectomie totale effectuée pour un cancer du sein ou allant en avoir une. L'information était jugée satisfaisante dans 60 % des cas et, fait important, « les femmes en fin de parcours sont satisfaites, et celles qui sont au début ou à mi-parcours le sont moins », explique la Pr Dominique Le Guludec, présidente du collège de la HAS.
La plateforme « vise à diminuer le regret face au choix », poursuit-elle. Elle répond aux demandes formulées par les femmes interrogées par la HAS lors de son enquête, en proposant une cartographie des 651 centres, publics ou privés, qui pratiquent la reconstruction mammaire, avec la possibilité de filtrer par technique (autologue avec ou sans microchirurgie, lipomodelage et prothèse interne), de sélectionner les centres qui proposent une reconstruction immédiate (c'est le cas de 16 % d'entre eux) et de savoir si les chirurgiens travaillent en secteur 1 ou 2.
Elle détaille aussi les cinq étapes du processus de décision, les arbres décisionnels et le déroulé des consultations nécessaires ainsi que des fiches détaillant les avantages et inconvénients de chaque technique chirurgicale. Une rubrique fournit en outre les informations sur les diverses aides financières, sociales et psychologiques. Selon les résultats de l'enquête de la HAS, la situation financière perçue comme difficile constitue un facteur majeur influençant négativement le choix.
Enfin, la plateforme aborde la question de la perception de soi et fait un sort à certaines idées reçues, comme celle qui voudrait que les femmes âgées ne doivent pas bénéficier d'une reconstruction mammaire.
Le choix de la technique est en partie guidé par des considérations médicales, comme l'explique par ailleurs la Dr Bannier. « Une reconstruction n'est possible que si l'on a gardé l'enveloppe externe du sein, précise-t-elle. Toutes les techniques de reconstruction ne sont pas possibles chez toutes les patientes. Par exemple, une reconstruction à partir de la graisse de la patiente n'est pas envisageable si son IMC est trop faible. Il n'y a pas d'impact des traitements médicamenteux, mais on sait que la radiothérapie va avoir un impact sur une reconstitution par prothèse qui risque de s'entourer de fibrose. »
Barrière économique
La communication n'est pas le seul point faible du recours à la chirurgie esthétique après une mastectomie : « Il y a un vrai travail à faire sur le reste à charge », affirme le Pr Ifrah. Sur ce sujet, l'Inca a lancé deux études sur le coût résiduel pour les patientes : une première à partir des données de l'Assurance-maladie, et une seconde auprès des pharmaciens. Cette dernière « doit nous donner une vision de tous les coûts périphériques, comme l'achat de pansements cicatrisants », précise le Pr Ifrah. Les résultats de ces deux études sont attendus pour 2024.
Dans les nouveaux critères d'agrément pour la pratique de la chirurgie carcinologique mammaire, il est désormais imposé aux centres d'être en mesure de proposer une reconstitution mammaire sur place, ou d'établir une convention avec d'autres centres qui en sont capables. Ce critère deviendra opposable à partir de 2024.
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