LE QUOTIDIEN : Pourquoi avoir inclus des patients atteints de BPCO ?
PR PAUL HOFMAN : Ce fut un choix budgétaire et stratégique défini au sein de mon groupe. C’est parfois le reflet de la recherche publique en France et il faut avoir des objectifs réalisables à court et moyen termes pour obtenir rapidement des résultats concrets. D’autres patients atteints de certaines maladies pulmonaires auraient pu être suivis dans cette étude (comme les patients atteints d’une pneumopathie interstitielle chronique, également facteur de risque des cancers du poumon), mais certain de ces patients seraient probablement décédés précocement, notamment des conséquences d’une insuffisance respiratoire, or le but de l’étude était de pouvoir suivre l’évolution de tous les patients atteints ou non d’une BPCO pendant plusieurs années. L’incidence du cancer du poumon chez les personnes non-fumeuses augmente aussi chaque année, avec en particulier en cause, la pollution qui a été déclarée comme carcinogène de type I en octobre 2013 (par l’OMS). Nous avons donc ciblé notre étude à la population atteinte de BPCO et à une population « saine », fumeuse ou non. Le nombre de sujets s’élevait à 245, dont 168 étaient atteints de BPCO. Les CTC ont été détectées chez cinq d’entre eux, puis ces patients ont développé des nodules pulmonaires, plusieurs années après le test. C’est une étude monocentrique, mais les tests sanguins réalisés ont eu une valeur prédictive positive de 100 %. J’ai fait un choix stratégique, mais bien entendu j’aimerais élargir la population très vite (une validation à faire sur plus de patients est totalement incontournable) et faire une étude bi ou multicentrique en France. Je suis dans l’attente de « soutien » pour passer à cette étape supérieure.
Pourquoi ne pas avoir étudié l’ADN tumoral des CTC ?
Dans mon équipe de recherche et au CHU de Nice nous travaillons sur deux domaines, l’un concerne le compartiment des cellules tumorales et le second, l’ADN libre circulant (ADN plasmatique). En effet, les CTC ont de l’ADN tumoral, nous voulions l’étudier mais cela demande de l’organisation, des moyens financiers et humains que nous n’avons pas pour le moment. La faisabilité d’une telle approche est pourtant en cours de développement accéléré dans notre laboratoire. Nous avons donc suivi pour cette première étude une technique simple : la détection des CTC dans le sang, par une approche cytopathologique. Selon certains critères cytologiques et morphologiques spécifiques aux cellules malignes identifiés lors d’une précédente étude, effectuée par mon équipe et en collaboration étroite avec un groupe de cytopathologistes français travaillant dans plusieurs CHU français (Nancy, Grenoble, Paris...) et à l’Institut Gustave Roussy à Villejuif, nous avons utilisé des critères de malignité des cellules circulantes (tels que l’irrégularité du noyau, l’augmentation du rapport nucléo-cytoplamique, la présence d’amas tridimentionnels, etc.). Ces critères morphologiques de cellules cancéreuses circulantes avaient été publiés par notre groupe dès 2011 dans plusieurs revues scientifiques.
Après le buzz et l’opinion de certains de vos confrères, votre étude suscite quelques doutes ?
Il n’y a pas de polémique pour moi, mais des échanges fructueux et prudents entre experts sur un sujet très sensible. Des cancérologues français et internationaux, notamment aux USA, ont pris connaissance de notre étude pilote. Elle doit être réalisée sur un plus grand nombre de patients à haut risque, et validée par d’autres centres universitaires de façon indépendante. Je reste prudent. Il n’y avait pas 1 000 patients dans notre étude mais l’outil utilisé est excellent au niveau de la sensibilité et de la spécificité de détection et de caractérisation des CTC. Nous continuerons à travailler sur cette thématique malgré le budget actuellement très restreint pour aller plus vite dans ce domaine. Je suis toujours en attente d’un partenariat que je choisirai avec une extrême prudence. La technique utilisée ISET est brevetée, elle pourrait être améliorée et utilisée dans plusieurs types de cancer. On connaît les prédispositions de certains patients à développer un certain nombre de cancers mais il faut un budget adapté à l’ambition des équipes de recherche pour mettre au point des techniques de détection précoce de ces cancers à plus grande échelle.
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