Les tumeurs trophoblastiques gestationnelles sont des tumeurs rares, développées au sein du placenta à l’occasion d’une grossesse. Une étude française, présentée au congrès annuel de la Société européenne d’oncologie médicale (Esmo) ce 14 septembre 2024, à Barcelone, affiche des résultats considérables avec une nouvelle combinaison thérapeutique.
Ces tumeurs concernent 100 à 200 personnes environ par an en France. « Les patientes concernées ont souvent des saignements pendant leur grossesse et leur taux d’hCG est anormalement élevé », explique le Pr Pierre-Adrien Bolze, coordinateur du Centre français de référence des maladies trophoblastiques et chef de service adjoint du service de chirurgie gynécologique et oncologique, obstétrique à l’hôpital Lyon Sud.
L’échographie permet d’identifier la tumeur qui ressemble à « des œufs de poisson ». Environ 80 % des tumeurs sont à bas risque, car la tumeur est localisée dans l’utérus, ou déjà métastatique dans les poumons, mais reste de pronostic plus favorable (lire encadré). « Le traitement standard de ces tumeurs à bas risque repose sur une chimiothérapie à base de méthotrexate. Il guérit déjà environ 70 % des patientes. Nous avons émis l’hypothèse que nous pouvions améliorer ces résultats en y ajoutant une immunothérapie », précise le Pr Benoît You, directeur du centre d’essais cliniques en oncologie et chef de service adjoint du service d’oncologie médicale à l’hôpital Lyon Sud (Hospices civils de Lyon).
Entre fin 2020 et fin 2023, 26 patientes évaluables ont ainsi été recrutées dans neuf établissements de santé de toute la France, en collaboration avec le réseau national du Centre de référence des maladies trophoblastiques de Lyon Sud et spécialisés dans les essais cliniques de phase précoce en gynécologie. Les participantes ont reçu une injection de méthotrexate un jour sur deux pendant une semaine, toutes les deux semaines. Au premier jour de cette chimiothérapie, soit toutes les deux semaines, elles recevaient également une injection d’avélumab, un anticorps monoclonal anti-PDL-1.
25 patientes guéries sur 26
Le taux d’hCG était contrôlé chaque semaine. Lorsqu’il est anormalement élevé, cela signifie que la maladie est encore active. « Lorsque le taux d’hCG se normalise, nous repartons pour trois dernières cures, soit six semaines, puis nous cessons tout traitement », précise l’oncologue. « Nous espérions arriver à au moins 90 % de guérison, soit 22 patientes. Et nous sommes parvenus à un résultat encore meilleur que nos prévisions, avec 25 patientes qui ont pu être guéries, soit 96 % ! », s’enthousiasme le Pr You. L’équipe estime ne plus être très loin de l’éradication totale de l’intégralité des tumeurs trophoblastiques gestationnelles.
Pour lui, ce succès est notamment dû à la réunion de deux compétences, celle des centres nationaux de référence des cancers rares, qui a permis la structuration du centre de référence des tumeurs trophoblastiques à Lyon en 1999, et celle des centres d’essais cliniques de phase précoce (Clip), mis en place par l’Institut national du cancer (Inca). « Ces chercheurs sont capables de concevoir et de mener des essais cliniques compliqués et celui-ci en faisait partie, car il fallait d’abord effectuer un essai de phase 1 pour vérifier la tolérance, puis de phase 2 pour tester l’efficacité, le tout dans un cancer rare et chez des femmes jeunes en âge de procréer », développe le Pr You.
Les résultats de cet essai, dévoilés au congrès de l’Esmo, seront publiés début 2025. Ensuite, il s’agira de s’en servir pour demander une autorisation de mise sur le marché (AMM) pour l’avélumab dans cette indication, ainsi qu’un remboursement. « Nous espérons pouvoir le mettre à disposition des patientes en soins courants, mais cela prendra encore du temps », prévoit le Pr You, qui espère dans l’intervalle un accès compassionnel au cas par cas.
Les maladies trophoblastiques gestationnelles
Prenant naissance dans les cellules qui forment le placenta durant la grossesse, les maladies trophoblastiques gestationnelles regroupent un large spectre de pathologies bénignes ou malignes qui débutent dans l’utérus.
La forme la plus fréquente (1 grossesse pour 1 000 en France) est la môle hydatiforme. Elle est initialement bénigne et ressemble à une grossesse débutante, mais l’embryon ne se développe pas, seul le placenta prolifère. Dans 20 % des cas, elle se transforme en tumeur trophoblastique gestationnelle (TTG) dite à « bas risque », souvent métastatique et potentiellement mortelle. Plus rarement, une TTG peut se développer après un accouchement normal et elle est généralement classée en « haut risque ».
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