PAR LE Dr RAPHAËLLE FANCIULLINO*
LES NANOTECHNOLOGIES représentent aujourd’hui un domaine scientifique en plein essor. Le terme de nanotechnologie passe souvent pour un thème futuriste aux applications pratiques encore lointaines. Or nous utilisons déjà, en cancérologie comme dans d’autres domaines thérapeutiques, des nanomédicaments issus de ces technologies. Le ciblage thérapeutique est devenu un nouveau paradigme en oncologie expérimentale et clinique. Si la pharmacologie a permis l’avènement des thérapeutiques dites ciblées (inhibiteurs de tyrosine kinase ou antiangiogéniques), la biopharmacie et les nanotechnologies permettent elles un ciblage physique des cellules cancéreuses, via une meilleure spécificité de distribution dans l’organisme. Les nanoparticules sont des objets dont la taille est inférieure à 100 nm et incarnent la version moderne des « Magic Bullet » imaginées au début du XXe siècle par le médecin allemand Paul Ehrlich. L’objectif est, à travers leur développement, d’améliorer le rapport efficacité/toxicité des traitements anticancéreux. En combinant deux approches complémentaires (transport de la molécule active vers sa cible biologique et protection accrue de la molécule encapsulée), elles permettent une diminution des doses administrées ainsi qu’une réduction des toxicités chimio-induites qui sont le plus souvent consécutives à l’absence totale de spécificité des traitements anticancéreux (par exemple, atteinte de la lignée hématopoïétique pour les cytotoxiques ou atteinte des kératinocytes pour les inhibiteurs de tyrosine kinase). La vectorisation permet en outre de surmonter les caractéristiques physico-chimiques ou pharmacocinétiques parfois défavorables d’une molécule active, voire de les rendre « invisibles » des mécanismes de détoxification ou de résistance. D’un point de vue biopharmaceutique, les nanoparticules peuvent être fabriquées à partir de polymères, de phospholipides, de céramiques... Cette composition très variable influence le devenir biologique du vecteur : il est capital qu’il ne soit pas reconnu et détruit par le système immunitaire avant d’accomplir son action thérapeutique. Ainsi ont été développés des nanovecteurs de deuxième génération dits « furtifs » recouverts de polyéthylène glycol qui prolonge la demi-vie du nanomédicament en le rendant indétectable par les macrophages. Les vecteurs de troisième génération, enfin, sont dotés d’un adressage de surface qui leur permet d’atteindre leur cible avec encore une plus grande sélectivité. Leur taille permet en outre un ciblage que l’on qualifie de passif : entre 10 et 100 nm, les particules peuvent voyager dans le flux sanguin et ne traversent pas la paroi des vaisseaux sanguins pour exfiltrer dans les tissus sains. En revanche, la vasculature tumorale est caractérisée par vaisseaux anormaux dont les parois comportent des fenestrations laissant passer les particules de cette dimension qui s’accumuleront alors au voisinage tumoral. Parmi les nanoparticules, on distingue notamment les liposomes qui constituent la majorité des produits de nanotechnologie disponibles sur le marché aujourd’hui.
Une amélioration de la tolérance.
Actuellement, plusieurs spécialités liposomales sont commercialisées : Daunoxome, Myocet, Dépocyte, Caelyx... Les liposomes de doxorubicine diminuent sa cardiotoxicité tout en assurant une efficacité équivalente à celle de la doxorubicine libre. DepoCyte, forme à libération prolongée de cytarabine, est destinée à être injectée par voie intrathécale. Il montre un profil pharmacocinétique amélioré avec une demi-vie dans le liquide céphalo-rachidien augmentée de plus de 40 fois par rapport à la cytarabine injectée sous forme standard. Une forme liposomale de vincristine, Marquibo, est actuellement à l’étude, la formulation retenue a montré une augmentation de l’activité antitumorale, une meilleure pénétration au niveau de la cible et une réduction de la neurotoxicité inhérente à cette molécule. Au-delà des liposomes, le concept de conjugaison lipides-drogues a retenu l’attention récemment. Par exemple, Oncaspar (peg-asparaginase) est un nanomédicament approuvé par la FDA en première ligne de traitement chez l’enfant dans la LLA. L’asparaginase est une molécule entraînant potentiellement des réactions d’hypersensibilité importante, un profil toxique grandement amélioré par la forme conjuguée rendue furtive. Une nouvelle formulation d’asparaginase encapsulée dans des érythrocytes humains homologues, Graspa, est actuellement en essai clinique. L’intérêt de cette formulation est une efficacité prolongée, doublée d’un meilleur niveau de tolérance, ce qui la rend accessible à tous les patients, y compris ceux à haut risque (patients hypersensibles ou âgés, produisant des anticorps neutralisants).
De façon comparable, une formulation de paclitaxel lié à l’albumine humaine, Abraxane (Nab-paclitaxel) est arrivé sur le marché. Cette formulation permet l’administration d’une dose plus élevée de paclitaxel par le biais de perfusions plus courtes, sans obligation de recourir à une prémédication et avec un meilleur profil de tolérance.
*Aix-Marseille Univ, Assistance Publique-Hôpitaux de Marseille
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