L’activité physique est recommandée dans la prise en charge de l’insuffisance cardiaque avec fraction d’éjection réduite. Et la marche à pied, qui peut s’intégrer facilement au quotidien, apparaît particulièrement adaptée dans un contexte où l’adhésion aux programmes d’activité physique demeure souvent insuffisante.
L’essai randomisé contrôlé Watchful (1) a estimé les performances d’un programme de marche à pied encadré à distance par un accompagnement téléphonique mensuel et un auto-suivi par un podomètre (le Garmin vívofit activity tracker), sur une durée de six mois.
Les participants étaient des adultes présentant une insuffisance cardiaque de stade NYHA II à III avec fraction d’éjection ventriculaire inférieure à 40 %, traités pharmacologiquement, et parcourant moins de 450 m au test de marche de six minutes (TM6). Ils ont été randomisés soit pour poursuivre leur traitement habituel, soit pour suivre de plus l’intervention de marche.
Pas d’amélioration du TM6
Le critère de jugement principal concernait la différence de distance parcourue au TM6 entre les patients des deux groupes, au bout de six mois. Les critères secondaires étaient le nombre de pas journalier, le temps d’activité physique modérée à intense, la fraction d’éjection, la qualité de vie, la survie.
En pratique, 202 patients d’en moyenne 65 ans ont été randomisés, dont plus de 77 % d’hommes. Ils présentaient, pour plus de 90 %, une insuffisance cardiaque de stade II, une fraction d’éjection de 32,5 %, et parcouraient initialement 385 mètres au TM6.
Résultat, le critère de jugement principal n’a pas été atteint : à six mois, aucune différence significative n’était observée parmi les deux groupes au TM6. De même, aucun effet n’était identifié en termes de qualité de vie, de fraction d’éjection, de score de dépression ou de survie.
Pourtant, le nombre moyen de pas journaliers était bien augmenté dans le groupe d’intervention par rapport au groupe contrôle, avec une différence de 1 420 pas (soit 25 % de pas supplémentaires). Le nombre de minutes d’activité physique modérée à intense enregistrées était aussi légèrement plus élevé (de 8,2 minutes) parmi les patients du groupe d’intervention.
Au total, il y a donc une déconnexion entre l’augmentation de l’activité physique associée au programme de marche, et le bénéfice fonctionnel, qui est nul.
Une activité trop peu intense ?
Comme le rappelle un éditorial de Circulation dédié à cet essai (2), l’hypothèse d’une corrélation entre activité physique et survie reste surtout fondée sur des études épidémiologiques, et pourrait ne pas se vérifier dans les essais cliniques. Seul l’essai HF-action, en 2009, avait mis en évidence une association entre activité physique et « réduction modestement significative » de la mortalité et des hospitalisations chez des patients atteints d’insuffisance cardiaque.
Cela étant dit, cet échec de Watchful pourrait aussi s’expliquer par un temps d’activité physique d’intensité modérée à intense trop limité – moindre que dans les programmes dispensés en présentiel dans des centres d’activité physique adaptés.
En outre, le seuil de significativité du critère de jugement principal s’avère particulièrement élevé – 45 mètres de différence au TM6 entre les deux groupes. Ainsi, des effets légers du programme de marche auraient pu être masqués.
Enfin, il faut noter que six mois d’intervention pourraient être insuffisants pour observer un effet sur le TM6.
Quoi qu’il en soit, d’après l’éditorial, « l’essai Watchful est une étude importante qui continue de faire progresser et d’affiner notre compréhension de l’exercice physique dans la prise en charge des patients atteints d’insuffisance cardiaque avec fraction d’éjection réduite ».
(1) Tomas Vetrovsky et al. Lifestyle Walking Intervention in Patients With Heart Failure With Reduced Ejection Fraction: The WATCHFUL Trial, Circulation, 13 Nov 2023 (2) David J. Whellan, Physical Activity for Patients with Heart Failure with Reduced Ejection Fraction: Pump up the Volume, Circulation, 13 Nov 2023
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