La physiopathologie du syndrome de Tako-Tsubo (STT), décrit au début des années 1990, n’est encore aujourd’hui qu’incomplètement connue. Le système nerveux autonome et la décharge de cathécolamines jouent probablement un rôle central dans ce syndrome qui, cliniquement, mime un syndrome coronaire aigu (SCA). Mais d’autres mécanismes sont potentiellement impliqués : dysfonction endothéliale, spasmes microvasculaires, phénomènes microthrombotiques, dilatation de l’apex avec obstruction du ventricule gauche.
Son incidence est estimée à 100 cas/million d’habitants par an, et concernerait en moyenne de 1 à 2 % des patients présentant un SCA, et jusqu’à 8 % chez les femmes. Il touche dans 90 % des cas des femmes ménopausées, à un âge moyen de 70 ans.
Des symptômes évocateurs
S’il se présente le plus souvent sous la forme d’un SCA, certains autres signes sont volontiers présents : dyspnée, insuffisance cardiaque aiguë, parfois choc cardiogénique, lipothymies, palpitations. Il y a souvent une dissociation entre des taux peu élevés de troponine, et des peptides natriurétiques fortement augmentés. Les modifications de l’ECG sont variables : tracé normal, onde T négative dans tout le précordium, sus-décalage de ST. Le caractère évolutif des modifications électriques est classique, marqué par un allongement du QT dans les 24-48 heures exposant à un risque rythmique. L’interrogatoire retrouve une gâchette émotionnelle (négative ou positive) dans seulement 30 % des cas environ, bien moins que pensé initialement. « Les données issues d’une cohorte de presque 2 000 patients montrent également qu’un stress physique (acte chirurgical, fractures, endoscopie digestive…) est rapporté dans de 30 à 40 % des cas, mais aucun stress n’est retrouvé dans 30 % des cas », rapporte le Dr Clément Delmas (1). Les comorbidités sont fréquentes, notamment cancer, troubles anxiodépressifs, dysthyroïdie, phéochromocytome. Ces derniers sont considérés par certains auteurs comme des diagnostics différentiels et par d’autres comme des causes de STT secondaires, comme les troubles neurologiques aigus (AVC hémorragique, hémorragie méningée). En pratique, face à une patiente de 70 ans ayant souvent par ailleurs des facteurs de risque cardiovasculaire classiques, il est difficile de faire la part entre un infarctus du myocarde en voie de constitution et un STT.
Quelle place pour l’IRM ?
Des scores clinicobiologiques ont été développés, mais restent imparfaits. « Il est indispensable de faire une imagerie coronaire, en urgence en cas de sus élévation du segment ST, pour éliminer un infarctus du myocarde (IDM) », souligne le Dr Delmas. L’échographie, systématique, montre des anomalies de la cinétique segmentaire, typiquement au niveau de l’apex (80 % des cas), mais il existe des formes inversées ou une atteinte médiane. « Une IRM doit, de mon point de vue, doit être réalisée de façon systématique dans les 48-72 heures, pour éliminer les diagnostics différentiels (notamment myocardite ou IDM passé inaperçu), puis répétée au cours du suivi pour apprécier la récupération, indique le Dr Delmas. Un travail mené à Toulouse sur une série de 144 patients a montré que l’IRM et un bilan minimal permettent de reclasser 18 % des patients ».
Des complications dans un quart des cas
Le pronostic du STT n’est pas aussi bénin qu’initialement pensé. La mortalité intra-hospitalière est de 6 % et le taux de complications à 30 jours de 20 à 25 %. Deux séries publiées fin 2019 montrent que le pronostic à long terme de ces patients est comparable à celui des SCA (2,3). « Il ne faut donc pas les perdre de vue car ils doivent bénéficier d’un suivi cardiologique à long terme », souligne le Dr Delmas, avant de préciser que le taux de récidive est de 1 à 2 % par an selon les données des registres.
Quels traitements privilégier ?
La prise en charge a également évolué. À la phase initiale, elle doit se faire idéalement dans un centre disposant des infrastructures nécessaires (imagerie, monitoring). Les antithrombotiques, statines sont poursuivis jusqu’à l’élimination d’une coronaropathie ou d’un diagnostic différentiel par l’imagerie coronaire et l’IRM. Les diurétiques sont utiles en cas de signes congestifs à la phase aiguë. La place des bêtabloquants est plus discutée. Ils seraient associés à un meilleur pronostic précoce à la phase aiguë en raison d’une protection vis-à-vis du risque rythmique. Mais ils n’auraient pas d’intérêt au long cours.
À la phase aiguë, en cas de choc cardiogénique, les catécholamines sont probablement à éviter et les inotropes non catécholergiques (voire l’assistance circulatoire) sont à préférer.
Les IEC et les ARA 2 sont commencés dès que possible et poursuivis au long cours car ils sont associés à un meilleur pronostic. Par contre, l’administration au long cours d’ASA ne semble pas réduire le risque de décès, ni de complications cardiovasculaires.
D’après un entretien avec le Dr Clément Delmas, CHU, Toulouse.
(1) Templin C et al. N Engl J Med 2015;373:929-38
(2) Di Vece D et al. Circulation. 2019 Jan 15;139(3):413-5.
(3) Pelliccia F et al. JACC Heart Fail. 2019 Feb;7(2):143-54.
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