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Les drogues souvent en cause dans les événements cardiovasculaires aigus

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Publié le 08/10/2024
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Un dosage systématique des toxiques serait utile dans les unités de soins intensifs de cardiologie car 10,7 % des patients admis y sont positifs, soit bien davantage que ceux qui déclarent avoir consommé. Toutes les classes d’âge et les milieux sociaux sont concernés.

Plus de 10 % des patients hospitalisés en soins intensifs de cardiologie sont concernés et seuls la moitié l’admettent

Plus de 10 % des patients hospitalisés en soins intensifs de cardiologie sont concernés et seuls la moitié l’admettent
Crédit photo : GARO/PHANIE

Pendant un mois, le groupe Urgence et soins intensifs de cardiologie de la Société française de cardiologie a réalisé un dosage systématique des drogues chez tous les patients hospitalisés dans les unités de soins intensifs de cardiologie (Usic). « C’est un instantané, pris en avril 2021 sur deux semaines, mais qui a le mérite d’avoir inclus les 1 900 patients arrivés dans l’un de ces 39 centres, quel qu’en soit le motif (infarctus du myocarde, insuffisance cardiaque aiguë, troubles du rythme, myocardite…). À l’exception de 41 d’entre eux, qui ont refusé, tous ont bénéficié d’un test urinaire et d’un test d’addiction pour le tabac. Il leur était également demandé de déclarer s’ils avaient ou non consommé des drogues durant le mois précédent. Cela n’avait jamais été fait en prospectif auparavant, avec un dosage systématique des différentes drogues chez tous les patients sans notion de l’âge, d’où l’intérêt de cette étude », souligne le Pr Jean-Guillaume Dillinger (département de cardiologie, hôpital Lariboisière à Paris).

Chez les moins de 40 ans, un tiers des patients avaient pris des toxiques. Ils étaient 22 % chez les 40-49 ans et 12 % chez les plus de 50 ans. Il s’agit donc d’une consommation extrêmement fréquente.

Un plus mauvais pronostic

Il ressort de cette enquête que, globalement, 10,7 % des patients étaient positifs aux drogues et avaient donc consommé récemment, principalement du cannabis (9 %) et, dans une moindre mesure, de la cocaïne (2 %), de l’héroïne ou des opioïdes (2 %), des amphétamines (0,7 %) et/ou du MDMA (0,6 %).

La prise de toxiques est associée à un surcroît d’événements cardiovasculaires pendant l’hospitalisation

Parmi eux, si un patient sur deux avait bien déclaré en avoir pris avant l’admission, l’autre moitié ne l’avait pas fait alors que les dosages prouvaient le contraire. Ce qui n’est pas sans conséquence car la prise de toxiques était associée à un surcroît d’événements cardiovasculaires pendant l’hospitalisation : mortalité, choc cardiogénique nécessitant le recours à un support mécanique ou des médicaments et recours à une intubation pour ventilation mécanique.

« Une sous-analyse chez les patients venus pour infarctus du myocarde montre une augmentation des troubles ventriculaires et des morts subites chez ceux ayant pris des toxiques. Le suivi à un an retrouve également davantage d’événements cardiovasculaires chez les patients ayant pris des drogues. Certes, des facteurs confondants peuvent aussi l’expliquer, comme la poursuite de la consommation de toxiques, une moindre observance, un moins bon suivi, mais tous n’étaient pas toxicomanes », indique le Pr Dillinger.

Plus de consommateurs qu’attendu

Les hommes représentaient 70 % de la population étudiée et 80 % de ceux qui avaient consommé des toxiques. Il y avait donc 30 % de femmes, et 20 % ayant consommé des toxiques. Un tiers des patients étaient positifs à plusieurs drogues.

Si les consommateurs avaient moins de facteurs de risques cardiovasculaires, excepté le tabac, indépendamment du tabagisme, la prise de drogue(s) restait associée à un moins bon pronostic. Ce qui n’est pas très surprenant car on sait déjà que le cannabis est prothrombogène et favorise l’athérosclérose, et que la cocaïne favorise le spasme artériel et est pro-arythmogène.

« La surprise est donc surtout venue de la fréquence des prises de toxique(s) ! Nous nous attendions à trouver des taux plus élevés à l’hôpital Lariboisière en raison du bassin de population plus précaire, mais notre hôpital avait des chiffres similaires aux autres centres et ce, que ce soit dans les grandes villes ou les plus petites », remarque le Pr Dillinger, qui plaide pour une détection plus systématique des drogues, d’autant que le coût en est très modeste : « Le demander ne suffit pas ! La recherche de toxiques est utile, elle permet d’expliquer au patient ce qui lui est arrivé, que c’est un facteur de gravité (le pronostic est plus mauvais alors qu’ils sont globalement plus jeunes et avec moins de comorbidités que les autres) et qu’il serait utile d’agir à ce niveau. Chez les consommateurs chroniques, le nombre d’événements cardiovasculaires, et donc de récidives, est en effet souvent plus élevé. Avoir consommé des drogues juste avant un événement a des conséquences, en intra-hospitalier et dans le suivi. L’idéal serait de pouvoir mettre en place un suivi ultérieur pour arriver à en finir avec les drogues mais, en pratique, on en est encore loin ».

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Entretien avec le Pr Jean-Guillaume Dillinger (hôpital Lariboisière, AP-HP)

Dr Nathalie Szapiro

Source : Le Quotidien du Médecin