DE NOTRE ENVOYÉ SPÉCIAL
FAUT-IL RAPPELER que l’insuffisance cardiaque est une affection aussi fréquente (2 à 3 % des populations des pays industrialisés et, plus particulièrement, 15 millions d’Européens) que grave : 50 % des patients décèdent dans les quatre ans et un quart d’entre eux sont hospitalisés dans les trois mois qui suivent la première décompensation (même si ces chiffres paraissent pessimistes pour certains cardiologues). Un pronostic qui reste sombre malgré des progrès thérapeutiques importants (bêtabloquants, IEC- ARAII, diurétiques, antagonistes de l’aldostérone).
D’où l’attente de nouvelles approches, l’arrivée de l’ivabradine ayant fait naître de grands espoirs : on sait, en effet, que le pronostic de l’IC est d’autant plus mauvais que la fréquence cardiaque est élevée et que les bêtabloquants qui ont la propriété de ralentir le cœur ne peuvent pas toujours être utilisés à la posologie optimale, pour des problèmes de tolérance. C’est donc l’intérêt potentiel d’un médicament comme l’ivabradine qui, contrairement aux bêtabloquants, ralentit la fréquence cardiaque sans modifier la contractilité myocardique et la conduction intracardiaque, même chez les patients dont la fonction systolique est altérée.
Une grande étude internationale
Ce rationnel a conduit à l’élaboration de l’étude SHIFT, réalisée dans 677 centres répartis dans 37 pays et qui a permis d’inclure 6 558 insuffisants cardiaques, 3 268 d’entre eux recevant, en plus du traitement optimal, de l’ivabradine (une période de titration de 15 jours aboutissant à la prise maximale de 7,5 mg x 2/j).
Les caractéristiques basales étaient équivalentes dans les deux groupes : IC classes II (49 %) ou III (50 %), avec une fraction d’éjection à 29 % ; l’origine était ischémique dans deux tiers des cas ; 56 % des patients présentaient des antécédents d’infarctus, deux tiers étaient hypertendus et un tiers diabétiques. Le Pr Komajda (Paris) souligne surtout la forte proportion de patients sous bêtabloquants (90 %), 56 % prenant au moins la moitié de la dose optimale préconisée et 26 % atteignant cet objectif (l’hypotension [45 % des cas] et la fatigue [31 %] étant, à ce niveau, les principaux facteurs limitants) ; par ailleurs, 91 % des patients étaient sous inhibiteur(s) du SRAA et 60 % sous anti-aldostérone.
Des résultats très significatifs.
La fréquence cardiaque de repos, qui était à 80 bpm dans les deux groupes, passe à 75 bpm dans le groupe placebo et à 67 bpm dans le groupe ivrabadine.
Le plus important est qu’au terme d’un suivi médian de 22,9 mois (au maximum 41,7 mois) on assiste à une diminution significative de l’incidence du critère principal, associant mortalité cardio-vasculaire et hospitalisation pour IC (HR = 0,82 ; IC 95 %, 0,75 - 0, 90, p < 0,0001), le bénéfice de l’adjonction d’ivabradine étant manifeste dès le troisième mois.
Un résultat qui s’explique essentiellement par la baisse de 26 % des décès (HR = 0,74 ; 0,58 -0,94, p < 0,014) et des hospitalisations pour IC (HR = 0,74, 0,66 - 0,83 ; p < 0,0001).
L’efficacité de l’ivabradine se manifeste (la posologie médiane effectivement atteinte est de 6,5 mgx2/j) de façon comparable dans tous les sous-groupes analysés, la seule différence observée étant liée à la fréquence cardiaque de repos initiale, avec l’efficacité la plus importante lorsque cette FC de repos initiale était supérieure à 77 bpm.
Enfin, la tolérance de l’ivabradine s’avère très bonne, équivalente et même un peu supérieure à celle du placebo (45 % à 48 %, p < 0,025) pour les effets indésirables sérieux. Seuls les épisodes de bradycardies symptomatiques (5 % à 1 % ; p < 0,0001) ou non (6 % à 1 %, p < 0,0001) sont plus fréquents sous ivabradine mais très peu motivent l’arrêt du traitement (1 %). On retrouve également des phosphènes (3 % versus 1 %, p < 0,0001) classiquement décrits avec l’ivabradine, ce trouble visuel étant gênant mais peu grave.
Pour les coordinateurs de l’étude, K. Swedberg (Suède) et M. Komajda (France), on attendait « depuis longtemps, des résultats aussi positifs dans l’insuffisance cardiaque, affection toujours très sévère. Ainsi, il faut systématiquement mesurer la fréquence cardiaque chez ces patients et associer du Procoralan au traitement optimal quand la valeur initiale dépasse 70 bpm, avec un objectif de 60 bpm ».
Enfin, SHIFT montre qu’il suffit de traiter par Procoralan, pendant un an, 26 insuffisants cardiaques dont la FC de repos dépasse 70 bpm, pour éviter un décès ou une hospitalisation pour aggravation de leur insuffisance cardiaque.
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