PAR LES Drs FIORELLA SALERNO, JERÔME HORVILLEUR, JERÔME LACOTTE, MINA AIT SAID, ARNAUD ROSIER*
DE LOIN le trouble du rythme le plus fréquent, la fibrillation atriale (FA) a une incidence de 1 % par an dans la population générale et dépasse 20 % au-delà de 80 ans. Maladie évolutive et récidivante, elle double le risque de morbidité et mortalité cardio-vasculaire indépendamment des pathologies causales ou des facteurs de risque associés. Sa prise en charge médicamenteuse est limitée par des efficacités et des tolérances souvent moyennes.
L’ablation, bien codifiée depuis une vingtaine d’années pour les autres troubles du rythme (simples, comme le flutter ou la tachycardie jonctionnelle, mais aussi plus complexes comme les tachycardies ventriculaires) a logiquement trouvé sa place depuis quelques années dans la prise en charge de cette pathologie.
Pourquoi maintenir le rythme sinusal ? Par ablation ou antiarythmiques ?
Contrôler le rythme ou la fréquence ? Plusieurs études (PIAF, STAF, AFFIRM, RACE) ont montré l’équivalence des deux stratégies. Elles suggèrent que seul le traitement anticoagulant sauve des vies. À première vue, leurs résultats orientent vers la stratégie la plus simple de réalisation. Cependant, l’interprétation globale de ces résultats a été faite en intention de traiter, sans tenir compte du statut rythmique du patient. Si l’on prend l’exemple de l’étude AFFIRM, seulement 60 % des patients du bras supposé maintenu en rythme sinusal l’étaient vraiment ; à l’inverse, 35 % de ceux supposés en FA avec simple contrôle de la fréquence étaient en fait en rythme sinusal. L’analyse post-hoc a démontré ce qui semblait intuitivement évident : meilleur pronostic et meilleure qualité de vie en rythme sinusal. Le bénéfice du rythme sinusal semblant hypothéqué par les complications des antiarythmiques, il est démontré a posteriori qu’il est préférable d’être en rythme sinusal et sans traitement à risque. Il faut noter que le taux d’ablations dans cette étude est négligeable.
Comment ablater la FA ?
Haissaguerre et al. ont, les premiers, démontré en 1998 que 95 % des battements ectopiques initiant la FA paroxystique provenaient des veines pulmonaires. Le traitement alors développé consiste en une isolation électrique des quatre veines. Elle est réalisée à leur ostium, en vérifiant la disparition des signaux endoveineux une fois les connexions atrioveineuses ablatées. Cette approche permet la guérison d’environ 90 % des patients dans les formes paroxystiques.
En cas de FA persistante, le substrat atrial qui pérennise l’arythmie rend le plus souvent insuffisante l’élimination de la gâchette par déconnexion des veines. Il est admis qu’il faut modifier ou traiter ce substrat. Considérant la présence de zones fibrillantes à proximité des veines, certaines équipes élargissent donc les lésions autour des veines avec d’excellents résultats, par l’obtention d’une déconnexion large (antrale). Sont également réalisées des lignes continues de radiofréquence visant à créer des obstacles à la circulation des influx d’arythmie (toit de l’oreillette gauche, isthme mitral en reliant l’anneau mitral et la veine inférieure gauche). La recherche et l’ablation de potentiels fragmentés (très rapides, souvent continus et peu amples) sont de plus en plus largement utilisées pour cibler le substrat. L’ensemble de ces techniques, isolées ou combinées, permet d’atteindre de bons résultats à moyen et long terme (de 70 à 80 % de succès) même dans des formes prolongées (années) de FA.
Plusieurs études d’efficacité randomisées (A4, RAFT) comparant l’ablation au traitement antiarythmique démontrent une nette supériorité de l’ablation (étude A4 : absence de récidive pour 89 % des sujets du groupe ablation, après en moyenne 1,8 procédure par patient, contre 23 % dans le groupe antiarythmique à un an).
Il faut néanmoins garder à l’esprit que cette technique fait partie des procédures les plus complexes en électrophysiologie. Elle exige un plateau technique développé dans un environnement médico-chirugical incluant réanimation et bloc donnant en outre accès au drainage péricardique en urgence. Le taux de complications atteint 5%, même dans les équipes expérimentées, dont la plupart sont bénignes, l’AVC (<1%) étant le seul pourvoyeur de séquelles.
Qui sont les bons candidats.
En tant que maladie évolutive, la fibrillation doit être traitée tôt pour limiter la progression vers les formes rebelles à tout traitement y compris l’ablation. Il est aujourd’hui admis et recommandé de proposer une ablation aux patients dont la FA provoque des symptômes, après échec d’au moins un antiarythmique.
Le traitement des formes paroxystiques ayant le plus de chances de succès, l’ablation doit être proposée aux patients à temps. Dans les formes persistantes, alors que de plus en plus d’équipes publient de bons résultats sur des FA même anciennes, la présence de symptômes et de surcroît les cas de cardiopathie rythmique avec atteinte systolique du VG doivent faire discuter le recours à l’ablation.
La prédiction du taux de succès et de la difficulté du geste semble relever de l’analyse des facteurs cliniques aggravants (ancienneté de la FA, taille de l’oreillette gauche, comorbidités et cardiopathie) ; des outils spécifiques comme la quantification de la fibrose de l’oreillette gauche par IRM sont à l’étude.
Il faut souligner que chez les patients asymptomatiques, le bénéfice à attendre n’est pas démontré. Il n’est notamment pas indiqué de proposer une ablation dans l’objectif d’arrêter un traitement anticoagulant à court ou moyen terme. Une récidive sans anticoagulation serait d’autant plus risquée que le patient n’est pas symptomatique.
* Hôpital privé Jacques-Cartier, Massy.
Guidelines for the management of atrial fibrillation. The task Force for the management of atrial fibrillation of the European Society of Cardiology (ESC); 2010.
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