De l’aveu même des auteurs, peu de données sont connues sur la durée recommandée de la réanimation après un arrêt cardiaque chez des patients hospitalisés : même les recommandations des sociétés savantes sont peu précises sur le moment opportun pour stopper une tentative et laisse ce choix difficile au libre arbitre du clinicien.
Entre 1 et 5 sur 1 000 patients hospitalisés présentent un arrêt cardiaque dans les pays développés et moins de 20 % en réchappent. La décision la plus délicate pour une équipe médicale est quand cesser les efforts de réanimation. La plupart des médecins estime qu’un massage qui n’a pas produit ses effets rapidement, est futile mais il y a justement ambiguïté sur le « rapidement » puisqu’il n’existe que peu de données sur ce sujet ; les pratiques sont basées sur des petites séries de cas, voire sur des opinions.
17 minutes de réanimation en moyenne
Dans cette nouvelle étude publiée dans The Lancet, Zachary D Goldberger (Etats-Unis) et coll. ont calculé la durée médiane de réanimation avant la fin des efforts chez les non-survivants à un arrêt cardiaque survenant au cours d’une hospitalisation, cette donnée étant le meilleur paramètre pour évaluer les tentatives les plus longues.
Entre Janvier 2000 et Aout 2008, 99 535 patients âgés de 18 ans ou plus ont été victimes d’un arrêt cardiaque dans 537 services ; ont été exclus les arrêts survenant aux urgences, dans un contexte d’intervention chirurgicale immédiate, durant certaines procédures de cathétérisme et lorsque le lieu de survenue était inconnu, ainsi que les porteurs de défibrillateurs.
Le critère primaire de l’essai était le retour d’une circulation spontanée et le taux de survie. Les patients ressuscités ont été répartis en 5 groupes en fonction des performances neurologiques, les groupes scorés 1 et 2 ayant un pronostic favorable.
64 339 arrêts cardiaques survenus chez des patients hospitalisés ont été recensés dans 435 hôpitaux ; 20,1 % des arrêts étaient liés à une tachycardie ou une fibrillation ventriculaire et dans 79,9 % à une asystolie ou une activité électrique sans rythme.
48,5 % des patients ont récupéré une circulation spontanée et 51,5 % sont décédés à la fin des efforts de réanimation. La durée moyenne de la réanimation a été de 17 minutes (IQR 10-26) dans l’ensemble de la population étudiée (incluant survivants et décédés), de 12 minutes (IQR : 6-21) pour les survivants qui ont recouvré une circulation spontanée et de 20 minutes (14-30) pour les patients décédés. Chez les survivants, la durée moyenne d’hospitalisation a été de 8,3 jours.
Les hôpitaux ont été répartis en quartiles établis selon que la durée médiane de la réanimation des non-survivants avait été de 16, 19, 22 ou 25 minutes. Les sujets inclus dans le quartile supérieur ( plus de 25 min) avaient significativement plus de chance de récupérer une circulation spontanée (p‹0,0001) que ceux du quartile inférieur et le taux de survie après hospitalisation était également supérieur (p=0,021). La proportion de patients survivants avec un statut neurologique favorable (score 1 ou 2) n’était pas statistiquement différentes entre les quartiles (p=0,858). Toutefois, selon les auteurs, les scores médians et moyens aux tests neurologiques étaient légèrement supérieurs lorsque la durée de la réanimation avait été plus longue.
Les effets d’une longue réanimation étaient moins probants lorsque l’arrêt était du à une fibrillation ou une tachycardie ventriculaires que lorsqu’il s’agissait d’une asystolie ou d’un trouble électrique sans pouls.
Selon les auteurs, il faut réanimer plus longtemps que naturellement, et dans tous les cas, prolonger la réanimation de 10 à 15 minutes améliore les chances de survie des patients.
En pratique ?
Ces résultats auront-ils une traduction clinique ? « Cette étude fera date, explique le Pr Philippe Juvin (hôpital européen Georges Pompidou, Paris). Elle est impressionnante par le très grand nombre de patients inclus et d’hôpitaux concernés, ce qui minore le risque d’erreur contrairement aux études monocentriques. A partir du moment où il n’y a pas de consensus sur la durée maximale de la réanimation on pouvait s’attendre à de telles disparités. Cette étude montre que 10 à 15 % des patients survivent alors qu’ils ont eu une réanimation de plus de 30 minutes. Les choses ne sont donc pas si évidentes. Il faut réévaluer nos attitudes, réanimer plus longtemps, être plus agressifs sur la durée. Cette étude fera date ».
Lancet publié en ligne le 5 septembre 2012
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