Conséquence d'une accumulation extracellulaire de protéines fibrillaires insolubles qui envahissent progressivement les tissus, l'amylose entraîne un épaississement du myocarde responsable d'une insuffisance cardiaque et de troubles de la conduction. Ses deux formes les plus fréquentes sont les amyloses immunoglobuliniques, qui s'observent dans le cadre des gammapathies monoclonales, et les amyloses à transthyrétine (TTR), qui peuvent être héréditaires (TTR mutée) ou séniles (TTR sauvage).
Une maladie sous-diagnostiquée
« L'amylose cardiaque à TTR est une maladie sous-diagnostiquée, plus fréquente que ce qui était pensé jusqu'alors, rapporte le Pr Thibaud Damy. Elle est en effet retrouvée chez 13 % des patients avec une insuffisance cardiaque à fraction d'éjection préservée, 22 % des personnes bénéficiant d'une procédure TAVI (Transcatheter aortic valve implantation) et 8 % des sujets de plus de 55 ans avec une cardiomyopathie hypertrophique ». La démonstration récente des bénéfices d'un traitement par le tafamidis dans les deux formes d'amylose cardiaque à TTR souligne avec encore plus d'acuité la nécessité de faire précocement le diagnostic, qui souffre aujourd'hui d'un retard de 3 à 5 ans. « Il faut réaliser une scintigraphie osseuse et éliminer une gammapathie monoclonale par une électrophorèse des protéines plasmatiques, une immunofixation, le dosage des chaînes légères libres et la recherche d'une protéinurie de Bence Jones », précise le Pr Damy. La réalisation d'un test génétique, dont les résultats sont connus dans un délai de 6 semaines, permet de différencier une amylose à TTR d'origine génétique d'une forme sénile. Plus d'une centaine de mutations du gène codant pour la TTR ont été identifiées. L'une de ces mutations serait retrouvée chez 4 % des sujets d'origine africaine, avec toutefois une pénétrance variable.
En cas de diagnostic d'amylose cardiaque à TTR confirmé, il faut adapter le traitement : arrêt des bêtabloquants et des inhibiteurs de l'enzyme de conversion, prévention des troubles du rythme et de la conduction par la pose d'un pacemaker ou d'un défibrillateur et discussion d'un éventuel traitement anticoagulant pour prévenir les événements thrombotiques.
La prise en charge de la maladie a été révolutionnée par les résultats de l'étude ATTRACT, qui a mis en évidence les bénéfices très nets du tafamidis sur la morbimortalité : réduction de 30 % des décès et de 32 % des réhospitalisations non programmées pour motif cardiovasculaire. Le tafamidis est un stabilisateur spécifique de la TTR, qui agit en inhibant la dissociation des tétramères de TTR en monomères, empêchant ainsi la formation des dépôts amyloïdes.
Une posologie optimale à définir
Dans l'essai ATTRACT, les 441 patients inclus avaient été randomisés pour recevoir un placebo ou du tafamidis (deux tiers des patients) à la posologie de 20 mg/jour ou 80 mg/jour. Les effets sur la mortalité sont apparus après 18 mois de traitement, mais l'impact positif du traitement sur le test de marche et la qualité de vie, appréciée par le score de Kansas city, a été observé en quelques mois, et ce quelle que soit la dose. Le traitement a été bien toléré, avec même une tendance à un moindre taux d'effets secondaires dans les deux bras tafamidis par rapport au groupe placebo. En effet, le tafamidis agissant au niveau de tous les organes, une diminution des troubles digestifs et des infections urinaires a pu être observée. Des analyses complémentaires sont en cours, notamment pour définir la meilleure posologie.
« En attendant leurs résultats, le tafamidis est utilisé dans le cadre d'une RTU dans les centres hospitaliers spécialisés dans l'amylose, à la posologie la plus faible (20 mg) compte tenu de son coût élevé », indique le Pr Damy. L'ANSM et la HAS ont donné leur accord et lancé cette procédure en novembre 2018. Plus de 450 patients sont traités par ce biais en France. Toutefois, l'arrêté n'a pas été signé par la ministre de la Santé.
Des informations récentes suggèrent que le processus de RTU serait voué à disparaître. Plusieurs médicaments sont dans le même cas. Pour le tafamadis, le laboratoire Pfizer a fait une demande d'ATU, qui pourrait être mise en place dans les mois à venir si elle est acceptée. En attendant, les patients ayant bénéficié du processus RTU tafamidis pourraient avoir des difficultés à obtenir le traitement. Des discussions ont été initiées entre le ministère de la Santé, l'association française contre l'amylose et le centre de référence. Il est trop tôt pour savoir quelle solution sera trouvée pour permettre la délivrance du traitement aux patients déjà traités et à de nouveaux patients d'être traités en attendant la mise en place de l'ATU.
D'après un entretien avec le Pr Thibaud Damy, Centre de référence national des amyloses cardiaques, CHU Henri Mondor (Créteil).
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