Une dose réduite d’apixaban est aussi efficace et plus sûre que la dose pleine en traitement anticoagulant prolongé (au-delà de six mois), pour les patients atteints de cancer et traités pour un évènement thromboembolique veineux (TEV), selon une étude internationale, coordonnée par la Pr Isabelle Mahé, cheffe du service de médecine interne de l’hôpital Louis-Mourier (AP-HP et Université Paris Cité). Les résultats, publiés dans The New England Journal of Medicine, ont été présentés lors du congrès de l’American College of Cardiology ce 29 mars 2025.
La maladie thromboembolique veineuse (TEV) avec thrombose veineuse profonde et/ou embolie pulmonaire, est une complication fréquente et la deuxième cause de décès chez les patients atteints de cancer. Plusieurs facteurs à cela : les cellules cancéreuses libèrent des substances qui favorisent la coagulation, facilitant ainsi la formation de caillots sanguins ; le traitement du cancer peut également favoriser une inflammation des vaisseaux sanguins et augmenter le risque de caillots sanguins, sans oublier la chirurgie et la pose de dispositifs invasifs.
Actuellement, les recommandations internationales préconisent un traitement anticoagulant pour les patients atteints de cancer qui développent un événement TEV pendant au moins six mois, et tant que le cancer ou son traitement est en cours. Bien que le risque de récidive d’événement TEV diminue après six mois d’anticoagulation, les patients restent exposés à un risque élevé, justifiant la poursuite de ce traitement qui les expose néanmoins à un surrisque d'hémorragie.
L'objectif de l’essai prospectif randomisé en double aveugle multicentrique API-CAT, était d'évaluer si la dose réduite d'apixaban avait une efficacité comparable à la dose pleine pour prévenir le risque de récidive de TEV. Le second objectif était d'évaluer si la dose réduite permettait une réduction du risque d'hémorragie cliniquement pertinente par rapport à la dose pleine.
Pas d'augmentation du risque de récidive, réduction du risque de saignement
Au total, 1 766 patients atteints d’un cancer actif, âgés de 67 ans en moyenne, ont été inclus dans 11 pays*, dont 57 % de femmes ; 65,8 % avaient un cancer métastatique et 81,2 % recevaient un traitement anticancéreux au moment de l'inclusion. Les patients ont été randomisés en deux groupes : un groupe a reçu un traitement par 2,5 mg deux fois par jour (dose réduite) et le second un traitement par 5 mg deux fois par jour (dose pleine) d'apixaban pendant 12 mois. Le critère d'évaluation principal était toute récidive de TEV ou tout décès dû à une TEV pendant la période de traitement ; le critère d'évaluation secondaire était le composite de saignements majeurs et de saignements ayant nécessité le recours à des soins médicaux.
À 12 mois, 18 patients dans le groupe à dose réduite et 24 dans le groupe à dose pleine ont présenté une récidive d’événement TEV, soit une incidence cumulée respectivement de 2,1 % et 2,8 % : une différence significative en faveur de la non-infériorité de la dose réduite. Des saignements sont survenus chez 102 patients du premier groupe, contre 136 patients du second, soit une incidence cumulée respectivement de 12,1 % et 15, 6 %. De nouveau, il s’agit d’une réduction statistiquement significative en faveur de la supériorité de la dose réduite. « L’incidence de saignements majeurs, notamment gastro-intestinaux, était inférieure dans le groupe à demi-dose », soulignent les auteurs dans la discussion.
Les taux de décès étaient similaires dans les deux groupes (incidence cumulée de 17,7 % dans le groupe à dose réduite et de 19,6 % dans le groupe à dose pleine), et liés en majeure partie au cancer. « Nos résultats montrent qu’un traitement prolongé avec une dose réduite d'anticoagulant par apixaban ne s’accompagne pas d'augmentation du risque de récidive d’événement TEV, et permet de réduire le risque de saignements cliniquement pertinents de 25 % par rapport à une dose pleine. Nous pouvons donc affirmer que la dose réduite d'apixaban est à la fois aussi efficace et plus sûre que la dose pleine », conclut la Pr Isabelle Mahé. Dans l’éditorial associé, Simon Noble, spécialiste de soins palliatifs à l’université de Cardiff (Grande-Bretagne) souligne la pertinence d’une demi-dose pour réduire les saignements qui « ont un retentissement considérable sur l’anxiété des patients, leurs activités quotidiennes et leur santé émotionnelle ».
Selon les auteurs, ces résultats devraient conduire à une mise à jour des recommandations internationales en faveur d’un anticoagulant à dose réduite. Ils font par ailleurs écho à l’étude Renove, un essai académique randomisé auquel contribue l’équipe de la Pr Mahé, qui plaide en faveur de la poursuite d’un traitement anticoagulant au long cours par un anticoagulant oral à demi-dose seulement chez des patients à haut risque de récidive thrombo-embolique.
* Angleterre, Autriche, Belgique, Espagne, France, Grèce, Italie, Pays-Bas, Pologne et Suisse. Promue par l’AP-HP et coordonnée par l’unité de recherche clinique Lariboisière Saint-Louis, l’étude a impliqué 136 centres de 2018 à 2024.
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