Nouveaux antiarythmiques

Un développement complexe

Publié le 05/05/2010
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LE DÉVELOPPEMENT de nouveaux antiarythmiques a été durablement pénalisé par les résultats de l’étude CAST en 1989. Cet essai clinique, qui a porté sur le traitement des arythmies ventriculaires non ou peu symptomatiques après infarctus du myocarde, avait en effet mis en évidence surmortalité chez les patients traités par des antiarythmiques de classe I comparativement au groupe placebo (1). Ce travail avait donc suscité des interrogations sur le rapport bénéfice/risque de ce type de traitement (2).

Des pistes thérapeutiques nombreuses.

Les recherches se sont donc portées sur des molécules ayant des modes d’action différents : inhibiteurs de l’échangeur sodium/proton, inhibiteurs de l’échangeur sodium/calcium, modulateurs des connexines, constitutives des jonctions communicantes intercellulaires, ou encore inhibiteurs des canaux ioniques activés par l’étirement comme le GsMx4, issu du venin de tarentule. Des molécules bradycardisantes sont également à l’étude, comme par exemple des agonistes du récepteur A1 de l’adénosine, tel le tecadenoson.

Une autre piste intéressante est celle des molécules qui retardent la repolarisation atriale, ou ARDAs (pour Atrial Repolarization Delaying Agents), comme le vernakalant (RSD 1235). Il s’agit d’un antiarythmique de classe III qui agit sur le courant potassique rapide sortant IKur, avec une sélectivité relative au niveau de l’oreillette. Il est également doté d’une activité inhibitrice faible des canaux sodiques. Ce produit, administré par voie veineuse, semble efficace dans la réduction de l’arythmie complète par fibrillation atriale (AC/FA), les effets secondaires semblant peu nombreux. Dans l’étude CRAFT (Conversion of Rapid Atrial Fibrillation Trial), il a permis de rétablir le rythme sinusal chez 52 % des patients, avec un délai d’action médian de 14 minutes (3). D’autres molécules comparables sont en cours de développement.

Sept études de la dronédarone.

L’amiodarone, la dronédarone, mais aussi la budiodarone et la célivarone appartiennent à la classe des benzofuranes. La dronédarone a fait l’objet d’un vaste programme d’essais cliniques. Dans l’étude DAFNE, le traitement par dronédarone à la posologie de 400 mg deux fois par jour, a été instauré après cardioversion (4). Le délai médian de récidive de la FA a été de 60 jours sous traitement actif contre 5 jours dans le groupe placebo. Le risque de première récidive de FA à 6 mois a été diminué de 55 % (p = 0,001).

Dans les études EURIDIS and ADONIS, l’une européenne et l’autre non européenne, ont été inclus des patients des deux sexes, âgés d’au moins 21 ans, qui avaient fait au moins un épisode de FA dans les trois mois précédents et qui étaient en rythme sinusal depuis au moins une heure avant la randomisation, à la suite d’une conversion spontanée, électrique ou pharmacologique (5). Le critère principal de jugement était le temps écoulé jusqu’à la première récidive de FA, les critères secondaires les symptômes de FA lors des ECG ou du monitoring téléphonique, ainsi que la cadence ventriculaire lors de la première récidive. Dans ces essais, le risque de première récidive de FA a diminué de 25 % à un an.

L’étude ANDROMEDA a rappelé le risque lié à la dronédarone en cas d’insuffisance cardiaque sévère (6).

Dans la FA permanente, l’étude ERATO a montré que la dronédarone avait diminué la réponse ventriculaire au repos de 11,7 battements par minute, et de 24,5 battements par minute à l’effort, comparativement au placebo (7).

ATHENA est la seule étude de morbimortalité ayant évalué en double insu un antiarythmique chez des patients en FA (8). Les résultats ont montré qu’en complément de traitements conventionnels, le traitement par dronédarone a entraîné une réduction du critère de jugement principal combinant hospitalisations cardio-vasculaires et mortalité générale de 24 % (p < 0,001) par rapport au placebo. La mortalité générale a été diminuée de 16 %, la mortalité cardio-vasculaire de 29 % et le risque d’hospitalisation pour un motif cardio-vasculaire de 26 %.

Dans l’étude DIONYSOS, enfin, la tolérance de la dronédarone à la posologie de 400 mg/j a été comparée à celle de l’amiodarone, à la dose de 600 mg/j pendant 28 jours puis 200 mg/j, dans le maintien du rythme sinusal, chez 504 patients ayant une FA persistante (9). Une cardioversion était prévue entre le 10e et le 28 e jour si le rythme sinusal n’était pas restauré. La durée de la période de suivi a malheureusement été fixée à 6 mois au minimum, alors qu’une durée de 2 ans aurait été préférable, afin de mieux juger du risque de survenue des effets indésirables de l’amiodarone. Le critère principal de jugement, composite, était les récidives de FA ou l’interruption prématurée de l’étude. Le critère de jugement de la sécurité d’emploi était la survenue des événements thyroïdiens, hépatiques, pulmonaires, neurologiques, cutanés, oculaires ou gastro-intestinaux, ou la sortie d’étude pour effet indésirable.

L’efficacité de la dronédarone a été moins bonne sur les récidives de FA, mais elle a fait preuve d’un meilleur profil de tolérance concernant les effets indésirables thyroïdiens et neurologiques, et de moins d’interaction avec les anticoagulants.

Au total, le développement des antiarythmiques reste modeste actuellement. Le vernakalant est en cours d’étude et la dronédarone vient d’obtenir une autorisation de mise sur le marché. L’analyse des essais cliniques réalisés dans les dix dernières années avec la dronédarone permet de dire qu’il s’agit d’un antiarythmique efficace pour maintenir le rythme sinusal chez les patients ayant été victimes de fibrillation atriale, et qu’elle permet également de contrôler efficacement la fréquence cardiaque lorsque le patient est en fibrillation atriale.

D’après un entretien avec le Pr Jean-Yves Le Heuzey, hôpital européen Georges Pompidou, Université René Descartes, Paris.

(1) The Cardiac Arrhythmia Suppression Trial (CAST) Investigators. N Engl J Med 1989 ; 321(6) : 406-12.

(2) Zimmermann M, et coll. Med Hyg (Geneve) 1994 : 52 (2028) : 1289-93.

(3) Roy D, et coll. J Am Coll Cardiol 2004 ; 44 (12) : 2355-61.

(4) Touboul P, et coll. Eur Heart J 2003 ; 24 (16) : 1481-7.

(5) Singh B, et coll. N Engl J Med 2007 ; 357 (10) : 987-99.

(6) K ber L, et coll. N Engl J Med. 2008 ; 358 (25) : 2678-87.

(7) Davy JM, et coll. Am Heart J. 2008 ; 156 (3) : 527.e1-9.

(8) Hohnloser SH, et coll. J Cardiovasc Electrophysiol 2008 ; 19 : 69-73.

(9) Le Heuzey JY, et coll. J Cardiovasc Electrophysiol 2010 (en ligne : doi 10.1111/j.1540-8167.2010.01764.x).

 Dr GERARD BOZET

Source : Bilan spécialistes