L’amylose se définit par la présence de dépôts tissulaires insolubles de protéines mal repliées. Elle peut toucher tous les organes avec une prédilection pour les reins, le système nerveux périphérique, le tube digestif et le cœur. Lorsque le cœur est atteint, le pronostic vital peut être engagé.
On recense actuellement 36 types d’amylose dont 11 au niveau cardiaque. Les plus fréquents sont l’amylose AL, liée à un dépôt de chaînes légères d’immunoglobuline et l’amylose à transthyrétine (TTR) d’origine héréditaire ou plus souvent liée à l’âge. En pratique, déterminer le type d’amylose, c’est-à-dire la protéine en cause, est essentiel car cela conditionne la prise en charge thérapeutique.
Une étude récente menée par l’Association Française contre l’Amylose a ainsi montré qu’il faut 15 mois en moyenne pour faire le diagnostic d’amylose et 13 mois de plus pour obtenir un typage, soit une errance de 28 mois avant de bénéficier d’un traitement.
Un dépistage basé sur l'imagerie et l'analyse tissulaire
Grâce aux progrès de l’imagerie, le dépistage de l’amylose cardiaque a explosé ces dernières années. L’imagerie cardiaque combinée à la recherche d’une gammapathie monoclonale permet, dans de nombreux cas, de s’orienter vers un type précis d’amylose. Cependant, le recours à l’analyse tissulaire reste indispensable dans les cas complexes.
Pour commencer, on réalise un prélèvement tissulaire périphérique au niveau des glandes salivaires ou de la graisse abdominale, en fonction des habitudes de chaque équipe. En cas de résultat négatif, une biopsie myocardique est envisagée si l’état du patient le permet.
Le diagnostic est établi grâce à une simple coloration, le rouge Congo qui colore les dépôts d’amylose. Cette affinité tinctoriale est liée à la structure en feuillets bêta plissés de toutes les amyloses. Le diagnostic d’amylose établi, il faut déterminer la protéine en cause.
L’immunomarquage, une technique de typage peu fiable
Pour le typage, on utilise l’immunomarquage avec une batterie d’anticorps dirigés contre les principales protéines amyloïdes, anti-chaînes légères kappa ou lambda, et TTR. Ces anticorps ont une spécificité et une sensibilité insuffisantes. Il existe, en particulier avec les anticorps anti-TTR du commerce, un nombre élevé de faux positifs (environ 50 %) et, avec les anticorps anti-chaînes légères, des faux négatifs. D’autre part, le typage par immunomarquage ne couvre pas de manière fiable et robuste les amyloses rares, comme celle dues au fibrinogène ou aux apolipoprotéines.
L’analyse protéomique, une technique de typage performante
Le Département d’Anatomie Pathologique du CHU de Toulouse dirigé par le Pr Pierre Brousset utilise l’analyse protéomique par spectrométrie de masse, initialement développée par la Mayo Clinic pour pallier les insuffisances de l’immunomarquage. Les zones d’amylose de la pièce de biopsie sont micro-disséquées par un faisceau laser, avant d’extraire et d’analyser toutes les protéines présentes dans l’échantillon en un seul test. « On peut ainsi identifier le type d’amylose dans plus de 90 % des cas, 93 % en France dans notre centre à Toulouse, entre 94 et 98 % des cas à la Mayo clinique » explique la Dr Magali Colombat. « Et les résultats sont particulièrement bons dans le cœur puisque sur les 101 biopsies myocardiques analysées à Toulouse, le typage diagnostic a pu être porté dans 100 cas (99 %), alors que l’immunomarquage n’avait pas permis de conclure ».
L’analyse protéomique basée sur la spectrométrie de masse est reconnue comme le gold standard au niveau international en matière de typage, mais n’exclut pas l’immunomarquage qui reste la technique utilisée en première intention.
Cette technique a d’autres atouts. Elle a ainsi permis d’identifier de nouveaux types de protéines amyloïdes au cours des dix dernières années. Devant une nouvelle mutation sur un gène dont on ne connaît pas l’implication fonctionnelle, la spectrométrie de masse permet, si elle retrouve la mutation au niveau protéique de confirmer son caractère pathogène et d’avancer plus rapidement dans le parcours du patient. Elle permet aussi, comme l’a montré la Dr Colombat, d’analyser des dépôts tissulaires protéiques non amyloïdes dans d’autres pathologies comme la maladie des dépôts de chaînes légères non amyloïdes au niveau pulmonaire.
« L’accès au typage va être facilité, se félicite la Dr Colombat, puisque l’analyse protéomique vient d’obtenir une reconnaissance officielle par le Ministère de la Santé avec son inscription sur la liste des actes innovants hors nomenclature ».
D’après un entretien avec le Dr Magali COLOMBAT, Anatomo-cytopathologiste, Oncopôle, CHU de Toulouse
- Centre de Référence National des Amyloses Cardiaques et du Réseau Amylose Mondor : http://www.reseau-amylose-chu-mondor.org/
-« Intérêtdel’AnalyseProtéomiquedanslediagnosticdesamyloses », Dr Magali Colombat, https://www.youtube.com/watch?v=XB9Zks9WrR4
- Camus M, Hirschi S, Prevot G, Chenard MP, Mal H, Stern M, Reynaud-Gaubert M, Gilhodes J, Burlet-Schiltz O, Brousset P, Colombat M., Proteomic evidence of specific IGKV1-8 association with cystic lung light chain deposition disease, Blood. 2019 Jun 27;133(26):2741-2744.
- Vrana JA, Gamez JD, Madden BJ, Theis JD, Bergen HR 3rd, Dogan A., Classification of amyloidosis by laser microdissection and mass spectrometry-based proteomic analysis in clinical biopsy specimens, Blood. 2009 Dec 3;114(24):4957-9.
- Larsen BT, Mereuta OM, Dasari S, Fayyaz AU, Theis JD, Vrana JA, Grogan M, Dogan A, Dispenzieri A, Edwards WD, Kurtin PJ, Maleszewski JJ., Correlation of histomorphological pattern of cardiac amyloid deposition with amyloid type: a histological and proteomic analysis of 108 cases, Histopathology. 2016 Apr;68(5):648-56.
- Dogan A., Amyloidosis: Insights from Proteomics., Annu Rev Pathol. 2017 Jan 24;12:277-304.
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