Un symposium dédié à une pathologie de pratique quotidienne a attiré une importante audience, celui de l’instabilité chronique de la cheville, lors du dernier congrès de la Société française de chirurgie orthopédique et traumatologique (Sofcot) mi-novembre.
Avec plus de trois mille participants, l’édition 2023, la 97e du genre, fut rondement menée sous la conduite de son binôme, à présent consacré, les Prs Stéphane Boisgard (président du Conseil national professionnel de chirurgie orthopédique et traumatologique) et Christophe Glorion (président de la Sofcot).
De l'entorse banale à l'instabilité
Sans doute la plus fréquente ou l’une des plus fréquentes lésions traumatiques musculosquelettiques, qu’elle survienne au cours d’une pratique sportive ou dans un accident de vie quotidienne, l’entorse de la cheville est susceptible une fois sur deux, voire deux fois sur trois, d’évoluer vers une instabilité de la cheville. Cette dernière s’exprime soit par la récidive de l’incident inaugural, soit par des incidents répétitifs de sévérité variée, entraînant une insécurité caractérisée de toute activité debout (pathologie locomotrice invalidante et/ou hypothéquant toute activité sportive).
Une épidémiologie à mieux cerner
La Sofcot a procédé à une analyse prospective multicentrique de quelque 360 cas d'instabilité ayant imposé un traitement chirurgical. Cette recherche met à jour les résultats d’une étude similaire moins large produite également par la Sofcot une quinzaine d’années plus tôt.
L’objectif principal était de savoir si la démarche de prise en charge, en particulier chirurgicale, avait ou non évolué et si le profil des opérés et les résultats obtenus des interventions avaient ou non varié. Au sein de la population traitée, il importe de connaître le sexe, les âges, le type d’activité sportive ou non, la présence de particularités anatomiques et l’influence éventuelle de ces paramètres sur le traitement sélectionné et sur le délai de récupération après cet éventuel traitement.
Une analyse anatomique rigoureuse
C’est l’atteinte du complexe ligamentaire latéral de cheville qui domine de très loin les entorses de chevilles, et ce pour d’évidentes raisons biomécaniques en particulier celle d’une assise podale de squelette jambier ayant tendance à concentrer la zone d’appui corporel. Les trois principaux ligaments de ce complexe se distribuent schématiquement en un ligament talo-fibulaire antérieur, un ligament calcanéo-fibulaire moyen, et un ligament talo-fibulaire postérieur. Les lésions rencontrées sont polymorphes s’accompagnant ou non de lésions intra-articulaires, en particulier ostéochondrales.
Un décryptage anatomique approfondi
Souvent au stade inaugural, le diagnostic reste expéditif, parfois même non vérifié par l’imagerie. Cependant le suivi nécessaire du fait du risque de récidive et/ou d’instabilité impose une analyse plus détaillée. Dès l’examen clinique les manœuvres de mise en varus de l’arrière pied et/ou de tiroir antérieur renseignent sur les mouvements anormaux de l’astragale (talus). Ces manœuvres tests peuvent également être conduites sous radiographie concomitante.
Cet examen clinique est utilement complété par un scanner détectant d’éventuelles minimes lésions osseuses et surtout par une IRM afin de visualiser l’état individuel des structures ligamentaires et des tendons de voisinage. Il s’agit de l’imagerie la mieux à même de guider une éventuelle indication chirurgicale. Enfin l’appréciation du morphotype du patient est indispensable dans cette démarche diagnostique, avec dans certains cas un varus prononcé de l’arrière pied.
Un arsenal thérapeutique évolutif
Si un traitement conservateur par rééducation soutenue fait parfois la preuve de son efficacité sur une population plutôt sédentaire, la cohorte analysée lors du symposium ne correspond pas à ce groupe en raison soit de son niveau sportif, soit de la sévérité de son instabilité. Les interventions proposées se répartissent en deux groupes suivant le caractère traditionnel, « à ciel ouvert » ou « mini-invasif » arthroscopique. Elles consistent en une réparation plus ou moins importante du complexe ligamentaire, réparation supplémentée ou non par un transfert tendineux.
Plusieurs techniques sont disponibles en fonction de l’importance des dommages diagnostiqués. Ces dégâts sont caractérisés sur la base d’une échelle en cinq stades de gravité croissante. Les techniques procèdent avant tout par une réparation des ligaments suivie d’un détournement d’un tendon de voisinage venant doubler la réparation. Ces techniques conservent le nom de leur promoteur initial : Bostrom « modifié » utilisant un renfort tendineux du soléaire, Castaing utilisant un renfort du court fibulaire. Ces renforts ténodésant sont indiqués sélectivement en fonction de l’importance des lésions ligamentaires et du degré d’instabilité ainsi induit. Dans certains cas cette chirurgie est complétée par une ostéotomie du calcanéum corrigeant un important varus de l’arrière-pied.
Une évaluation critique du résultat obtenu
Dans une telle série prospective il importe de comparer les résultats obtenus en fonction des techniques utilisées. Cette comparaison doit tenir compte du délai de retour à une activité normalisée et des performances fonctionnelles réalisables après chirurgie. Il est certain que la motivation sportive influence parfois un tel délai. Des scores d’évaluation (Karlsson) permettent de quantifier la qualité du résultat obtenu en fonction de la mobilité articulaire retrouvée, des capacités de course, de travail, de pratique des escaliers…
Il convient également de tenir compte, dans l’évaluation de ces techniques, d’éventuelles complications intercurrentes : blessure d’un nerf, infection du site opératoire. Au terme d’un délai de plus de six mois les deux techniques principales, arthroscopique ou ouverte traditionnelle, offrent des résultats fonctionnels similaires. Il semblerait cependant que la technique arthroscopique soit plus exposée à des lésions nerveuses, pour la plupart d’entre elles, régressives au terme d’un délai prolongé.
Symposium avec les Prs et Drs M. Di Schiano, N. Baudrier, O. Barbier, G. Cordier, L. Dagneaux, A. Ghorbani, F. Lieber-Wackenheim , A. Thiounn et Y. Tourné
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