La Maison des quatre de Luisant

Une solution de réinsertion pour les traumatisés crâniens

Publié le 10/12/2008
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Crédit photo : DR

À LUISANT, ils sont cinq à partager la Maison des Quatre. Odile, Jean-François, Alain, Claude et Daniel sont tous traumatisés crâniens, à la suite d’un accident de la route ou de la vie quotidienne. Ils vivent sous le même toit, celui de la Maison des Forelles, en banlieue de Chartres.

Atteints de ce handicap invisible, ils profitent depuis juin 2007 d’un concept novateur, développé d’abord dans la région de Bordeaux, à l’initiative de L’ADAPT (Ligue pour l’adaptation du diminué physique au travail), qui est dirigée par le Dr Edwige Richer, également chef du Centre de rééducation et de réadaptation fonctionnelle de Cénac. La première Maison des quatre a vu le jour à Bègles (agglomération bordelaise) en 2001.

Colocation.

Le groupe Covéa (qui regroupe les assurances mutualistes GMF, MAAF et MMA) a très vite été intéressé par le concept. « La mutualisation des besoins nous semblait une idée très pertinente, explique Philippe Hingray, responsable du pôle performances corporelles de Covéa. Nous avons été surpris par la réponse du Dr Richer lorsque nous lui avons demandé ses besoins. Son problème était l’immobilier. » C’est ainsi que la contribution de Covéa a consisté en la mise à disposition de biens immobiliers, des maisons donc, qui ont été adaptées aux divers handicaps des résidents et leur sont proposées à faible coût.

Les Maisons des quatre accueillent deux catégories de blessés : ceux qui, accidentés du fait d’un tiers, sont indemnisés par l’assurance de celui-ci, et ceux qui ne le sont pas, car eux-mêmes responsables de leur accident. Ils touchent alors une prestation de compensation, au titre de l’aide sociale.

« Il fallait leur réinventer un mode de vie qui leur soit adapté, sachant que leur handicap, cognitif, est bien particulier », précise Colette Richard, qui préside l’AFTC 28 (Association des familles de traumatisés crâniens d’Eure-et-Loir). C’est cette association locale qui perçoit les loyers mensuels versés par les résidents. C’est elle aussi qui gère le paiement des charges, des impôts, auprès des instances concernées. En moyenne, les résidents de ces maisons familiales règlent un loyer compris entre 360 et 390 euros. À cela s’ajoutent certains coûts, qui sont soit mutualisés, comme le salaire de la personne qui veille sur eux la nuit, soit dépendants de leurs besoins personnels en aide humaine. Ceux qui ont besoin d’une assistance pour s’habiller doivent logiquement assumer une prise en charge plus lourde que ceux qui sont autonomes.

Les cinq résidents de Luisant ont tous vécu d’abord au foyer d’accueil médicalisé de Champhol, tout proche. C’est là qu’ils se sont rencontrés, avant de devenir colocataires. Ils ont ensemble participé à une unité de « préparation de projet de vie » pendant plusieurs mois. « L’entente est éprouvée, testée ; elle fait partie du cahier des charges », explique le Dr Hervé Viquesnel, médecin coordinateur du foyer d’accueil médicalisé et responsable du SAMSAH (Service d’accompagnement médico-social pour adultes handicapés). Les personnes TC d’Eure-et-Loir puis du Centre ont été accueillies en priorité. On a également pris en compte la lourdeur du handicap des volontaires, leur capacité à vivre en collectivité, la gravité des troubles de leur comportement.

Un dispositif exportable.

La Maison des quatre, c’est une belle possibilité entre le placement en établissement spécialisé et le retour au domicile. « En foyer, ils nous demandent quand ils rentreront à la maison, ici ils se considèrent comme 'chez eux', souligne le Dr Hervé Viquesnel. Ce mode de vie leur correspond vraiment bien. Nous avons constaté une nette amélioration de leur état psychologique, de leur humeur. Ils font des activités tous les jours. Et ils sont déchargés du sentiment de culpabilité qu’ils éprouvent sûrement lorsqu’ils vivent à la charge de leur famille. ». Si le retour à domicile après un accident parait en effet la solution la plus naturelle, elle se fait le plus souvent au détriment des familles, qui s’usent à la longue. « Les pères perdent leur statut de père, les schémas familiaux sont totalement chamboulés après un tel drame. »

Les résidents (qui sont quatre la plupart du temps) sont entourés d’auxiliaires de vie, avec qui ils font leurs courses, cuisinent, jouent aux dames. Une personne reste à leurs côtés en permanence, jour et nuit.

« Les maisons familiales inaugurent ce dispositif mais il y aura des réponses graduées », détaille Rodolphe Peter. Ergothérapeute, il dirige l’agence ADAMS (Agence de développement des activités sociales et médico-sociales), chargée d’abord d’analyser la faisabilité du projet en région et qui œuvre à la mise en place du service d’aide humaine. « Ce dispositif d’insertion sociale est exportable à d’autres personnes beaucoup plus lourdement handicapées. »

Une maison vient d’ouvrir à Marseille, deux autres sortent de terre à Mulhouse, un projet est en cours d’études sur plan à Mans, à Strasbourg également et Toulouse s’impatiente.

Aujourd’hui, les vingt personnes qui vivent au foyer de Champhol sont autant de volontaires pour une nouvelle Maison des quatre.

 AUDREY BUSSIÈRE

Source : Le Quotidien du Médecin: 8478