Les syndromes de Stevens-Johnson et de Lyell ou nécrolyse épidermique toxique (NET) sont des entités d’un même spectre qui ne se différencient que par la surface corporelle atteinte. Ils surviennent pratiquement toujours lors de la première prise d’une molécule, très souvent les anti-épileptiques (carbamazépine, lamotrigine...) l’allopurinol, les antibiotiques (sulfamides). Pour être formellement incriminé dans la NET, la demi-vie du médicament doit être telle qu’il soit toujours présent dans le sang lorsqu’apparaissent les symptômes, ce qui est le cas dans 70 % des cas ; dans 20 % des cas, la responsabilité de la molécule n’est pas certaine mais on préfère la contre-indiquer définitivement ; chez 10 % des patients aucun médicament n’est retrouvé et il est probable que des facteurs environnementaux et des agents infectieux interviennent. Le seul clairement identifié est Mycoplasma Pneumoniae, à suspecter de principe dans le cas d’un SJS-NET de l’adolescent ou de l’adulte jeune si aucune molécule ne peut être incriminée. Le virus Coxsackie et d’autres agents infectieux ont été mis en cause mais de façon exceptionnelle
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Une prédisposition HLA spécifique du médicament et d’une population
On considère que les syndromes de SJS-NET sont liés à une hypersensibilité de type 4 médiée par les lymphocytes TCD8 +. L’hypothèse actuellement discutée est que le médicament ou son métabolite seraient capables de se fixer directement dans la poche HLA, entraînant des modifications de sa conformation et une réaction d’allo-immunisation par analogie avec la réaction du greffon contre l’hôte. "Depuis un peu moins de 10 ans, la physiopathologie de la maladie connaît une petite révolution, puisqu’on a mis en évidence dans certaines populations une prédisposition génétique à développer un SJS-NET à une molécule donnée" explique le Dr Valeyrie-Allanore. Une équipe taïwanaise a montré que 100 % des patients taïwanais atteints de SJS-NET à la carbamazépine sont porteurs du HLA-B*15:02, et que 100 % des patients hospitalisés pour un SJS-NET à l’allopurinol sont porteurs du HLA-B*58:01. (1, 2) La prévention de la maladie en a été totalement transformée : à Taïwan le test HLA est vérifié avant toute prescription d’allopurinol ou de carbamazépine, ce qui a permis de diminuer de façon très importante la survenue de SJS-NET à ces molécules. En Europe, une étude de pharmacogénétique menée par l’intermédiaire du réseau RegiSCAR (registre européen des réactions cutanées sévères aux médicaments) dans 12 cas de NET liée à la carbamazépine, montre que les 4 patients d’origine asiatique avaient cette prédisposition mais pas les 8 d’origine européenne (3), confirmant que la prédisposition génétique liée au HLA-B*15:02 des patients originaires d’Asie du Sud Est n’est pas systématiquement transposable aux autres populations.
Plus récemment, on a montré que la prédisposition génétique est liée à la conformation tridimensionnelle de la poche HLA capable de recevoir la molécule (4,5), et les analogies de structures entre certains agents infectieux et certains médicaments pourraient expliquer leur implication dans certaines réactions.
Prévenir le SJS-NET par le test HLA
En Europe, l’analyse des conformations tridimensionnelles du HLA pourrait permettre de repérer des prédispositions spécifiquement européennes à certaines molécules comme la carbamazépine ou allopurinol.
L’abacavir constitue un modèle unique dans la mesure où le HLA-B*5701 prédispose toutes les populations, quelle que soit leur origine, à développer des toxidermies sévères s’apparentant au DRESS (6) ; le typage HLA doit être donc vérifié avant toute prescription de traitement par abacavir. "La FDA a attiré l’attention en 2 013 sur la nécessité de faire un typage HLA avant prescription de carbamazépine chez les patients ayant des origines asiatiques (Asie du Sud Est et Chine) mais ces dispositions sont encore peu connues en Europe. Enfin, il est important de respecter les indications de l’allopurinol qui ne doit pas être prescrit pour une hyperuricémie asymptomatique. Or c’est encore le cas de 30 à 40 % des prescriptions" insiste le Dr Valeyrie-Allanore.
D’après un entretien avec le Dr Laurence Valeyrie-Allanore, Hôpital Henri Mondor, Créteil
(1) Chung WH et col, Nature 2 004 ; 428( 6 982) : 86.
(2) Hung Sl Proc Natl Acad Sci USA 2 005 ; 102 (11) : 4 134-9.
(3) Lonjou C et col Pharmacogenet Genomics 2 008 ; 18 (2) : 99-107
(4) Ostrov DA et col Proc Natl Acad Sci USA 2 012 ; 109 (25) : 9 959 – 9 964
(5) Wei CY et col J Allergy Clin Immunol. 2 012;129 (6):1 562-9
(6) Illing PT et al. 2012, Nature 2 012 ; 486 (7 404) :554-8
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