« L'usage de l'intelligence artificielle (IA) par le patient seul présente des risques », met en garde la Société française de dermatologie (SFD) dans un communiqué, ajoutant que « l'accompagnement humain par un professionnel de santé est essentiel ». La société savante annonce ainsi « souhaiter promouvoir l'usage de l'IA par les médecins généralistes en premier recours ».
« Le développement d'outils d'IA de plus en plus performants pour la reconnaissance d'images cliniques et l'aide au diagnostic suscite de l'intérêt mais aussi des inquiétudes liées à leur accessibilité par le grand public », explique la SFD, dont le Groupe Télédermatologie et e-santé (Teldes) est à l'initiative d'une réflexion sur les risques éthiques.
Là où le bât blesse
Le groupe pointe ainsi trois risques liés à l'utilisation de l'IA : l'absence d'accompagnement humain et médical, un examen clinique de la peau dans son ensemble réduit au minimum et le défaut d'explications méthodologiques.
Pour le premier point, la SFD prend l'exemple du diagnostic de « grain de beauté à risque élevé de mélanome », qui peut susciter de l'angoisse. « Cette situation va à l'encontre du dispositif mis en place en 2006 par la Haute Autorité de santé, la "consultation d'annonce", temps d'échanges et d'explications sur la maladie et son traitement entre patient(e) et professionnel de santé », est-il rappelé.
Concernant le deuxième point sur l'examen clinique, les dermatologues insistent sur son caractère indispensable avec l'interrogatoire pour établir le diagnostic mais aussi sur le fait que toute la peau doit être regardée afin « de ne pas méconnaître d'autres lésions ». Enfin, l'absence d'explication des prédictions des systèmes d'IA va « à l'encontre du droit à l'information » et met en danger « l'autonomie décisionnelle et le consentement éclairé », relève la SFD.
Par ailleurs, l'IA pose la question de la responsabilité médicale. Qu'en est-il en cas de recours direct par le patient à un outil d'IA ? Et de l'intervention d'un médecin dont la décision se fonde sur le résultat de l'IA ? « La Commission européenne réfléchit à une proposition de règlement », rapporte la SFD.
Pour la société savante, « le sens clinique - notamment la capacité à formuler une hypothèse diagnostique - ne doit pas être complètement abandonné à la machine ». La SFD et le groupe Teldes sollicitent les autorités sanitaires « afin que le cadre réglementaire soit clarifié et que certaines pratiques non souhaitables soient régulées ».
Des atouts pour le parcours de soins
Quant à la promotion de l'usage par les médecins généralistes en premier recours, la SFD y voit des avantages pour le parcours coordonné des patients : « limitation du recours à l'avis spécialisé si cela n'est pas nécessaire ou, au contraire, avis rapide auprès d'un dermatologue si suspicion de mélanome ». La SFD ajoute que « le dermatologue lui-même pourrait l'utiliser dans le dépistage des cancers cutanés ».
La société savante plaide également pour une nouvelle organisation des réseaux de soins, où les outils d'IA pourraient être intégrés pour la téléexpertise ou la télésurveillance. « Pour le dépistage des cancers cutanés, un(e) infirmièr(e) en pratique avancée utilisant l'IA pourrait ainsi le réaliser et assurer une action de prévention et une coordination avec le dermatologue en cas de lésion suspecte », est-il illustré en exemple.
Outre un appel à une campagne de sensibilisation grand public sur les limites de l'IA en dermatologie, la SFD et la Teldes affirment leur volonté de déployer un comité de surveillance pour la formation (dermatologues, médecins généralistes, professionnels de santé) et d'exercer une surveillance des sites et applications « pour éviter toute dérive ».
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