Dermatite atopique et corticophobie

Une réalité dont il faut tenir compte

Publié le 15/03/2012
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Crédit photo : PHANIE

AVEC DES ÉTUDES rapportant environ 60 % de réticences à l’utilisation des crèmes dermocorticoïdes dans l’eczéma atopique, il n’est pas possible de faire l’impasse sur la question avec ses propres malades. « C’est pourquoi je conseille de toujours rechercher une corticophobie par une question ouverte : avez-vous des réticences par rapport à l’usage de ces crèmes, ou encore, certains parents ont un peu peur des dermocorticoïdes qu’ils connaissent mal et vous, qu’en pensez-vous ? À ce stade, il est important de laisser le patient ou sa famille s’exprimer sur ses croyances, sans les couper, de reformuler ce qui a été dit en rétablissant la vérité, de proposer un contrat thérapeutique, d’expliquer le plus précisément possible, démonstration à l’appui, les modalités d’administration de la crème, de rédiger un plan d’action pour éviter l’arrêt brutal du produit, source de rebond, et, enfin, de planifier le suivi », suggère le Pr Stalder.

Trop de dermatites mal ou insuffisamment traitées.

Alors que le traitement de la dermatite atopique est efficace, lorsqu’il est appliqué au bon endroit et au bon moment, force est de constater que l’adhésion à ce traitement est faible. Soit les patients en mettent le moins possible (donc pas suffisamment), soit ils arrêtent trop tôt et brutalement. La réticence est encore plus importante lorsqu’il s’agit de traiter un tout petit. En cause : de nombreuses idées reçues sur les crèmes dermocorticoïdes et des blocages parfois perpétués par le corps médical. « Nous travaillons actuellement sur le ressenti des patients, des parents d’enfants atopiques, des médecins et des pharmaciens, dans le cadre d’une étude multicentrique. Cela nous amène donc à faire raconter aux patients comment cela se passe au quotidien. Et quand une maman explique que le prescripteur lui a fait l’ordonnance en disant “je vais être malheureusement obligé de prescrire à votre nourrisson un dermocorticoïde, mettez-en le moins possible et surtout, comptez bien vos tubes pour ne pas dépasser la quantité indiquée”, on peut comprendre ces réticences », insiste le Pr Stalder.

Une démarche par étapes pour vaincre les idées reçues.

« Bien des idées reçues pourraient être vaincues en rappelant simplement que la dose de corticoïdes qui passe dans la circulation générale quand on applique une crème dermocorticoïde est infime : il faudrait un an de traitement local quotidien pour arriver au niveau atteint au cours d’une seule crise d’asthme, insiste le Pr Stalder. Or, il ne viendrait à l’idée de personne de laisser un asthmatique sans soin ! Tout aussi utile : rappeler que l’eczéma atopique est une affection chronique et qu’à ce titre, on ne peut parler d’échec thérapeutique à chaque nouvelle poussée. Enfin, tout comme il vaut mieux appeler les pompiers au stade de feu de broussailles que lorsque toute la forêt brûle, il est préférable d’agir localement avec des dermocorticoïdes au stade initial d’une poussée d’eczéma ».

Par ailleurs, pour éviter les abandons thérapeutiques encore trop fréquents, mieux vaut établir un plan d’action : un appel entre deux consultations pour vérifier que tout se passe bien, une consultation à terme (avant de diminuer progressivement l’application), voilà qui permet de vérifier si le patient arrive à gérer correctement son traitement. Cette planification du suivi est donc le plus souvent payante.

D’après un entretien avec le Pr Jean-François Stalder, chef du service de dermatologie du CHU de Nantes.

Dr NATHALIE SZAPIRO

Source : Bilan spécialistes