Les études SAVOR et EXAMINE avaient pour objectif d’évaluer la sécurité respectivement de la saxagliptine et de l’alogliptine, deux inhibiteurs de DPP-4, chez des diabétiques de type 2. Les résultats de l’étude TECOS (Trial to Evaluate Cardiovascular Outcomes after treatment with Sitagliptin) sont, quant à eux, attendus dans un an. SAVOR et EXAMINE ont été initiées à la demande de la FDA (food and drug administration) à la suite de la controverse sur un autre antidiabétique, la rosiglitazone. L’agence demande désormais que les événements cardiovasculaires soient analysés d’abord dans les études de phase II et de phase III pour tous les antidiabétiques, puis dans une grande étude dessinée à cet effet, après la commercialisation des produits.
Le Quotidien du Médecin. Des travaux avaient-ils auparavant étudié la protection cardiovasculaire des gliptines ?
Pr Bernard Charbonnel (1). Les inhibiteurs de DPP-4, classe thérapeutique très populaire, avaient déjà bénéficié des résultats de méta-analyses des études de phase II et III ; il s’agissait d’études courtes qui n’avaient pas le risque cardiovasculaire comme objectif, mais qui donnaient néanmoins des indications favorables en montrant que les accidents cardiovasculaires sous sitagliptine, saxagliptine et vidagliptine étaient moins nombreux que sous comparateur, qu’il s’agisse d’un placebo ou d’un sulfamide hypoglycémiant. C’est pourquoi les hypothèses allaient bon train sur une supériorité cardiovasculaire éventuelle des inhibiteurs de DPP-4. À la vue des résultats de SAVOR et EXAMINE, on constate que sous saxogliptine et alogliptine (et c’est probablement la même chose pour les autres gliptines), le nombre d’événements cardiovasculaires est le même avec une stratégie thérapeutique comportant un inhibiteur de DPP-4, comparée à une stratégie thérapeutique qui n’en comporte pas.
Il convient de rappeler qu’il n’existait pas, pour les autres hypoglycémiants oraux, d’étude de morbimortalité cardiovasculaire avant SAVOR et EXAMINE, comme c’est très bien rappelé dans le texte des recommandations HAS. On dit que la metformine est « bonne pour le cœur », mais le petit sous-groupe de l’UKPDS sur lequel repose ce sentiment n’a pas un bon niveau de preuve. Il y a controverse concernant les sulfamides, car certaines études observationnelles suggèrent une plus grande morbimortalité cardiovasculaire sous sulfamides que sous d’autres hypoglycémiants oraux, et il n’y a pas de bonne étude randomisée ; la plus récente, ADVANCE, évaluant en effet un niveau glycémique, mais pas le sulfamide en comparaison à d’autres hypoglycémiants oraux.
SAVOR et EXAMINE sont donc les deux premières bonnes études de sécurité cardiovasculaire pour un hypoglycémiant oral et elles permettent de conclure à la sécurité cardiovasculaire des inhibiteurs de DPP-4.
Quels étaient les profils des patients inclus dans ces études
?
SAVOR incluait 16 500 malades à très haut risque cardiovasculaire (80 % étaient en prévention secondaire) qui ont été suivis en moyenne 2,5 années. EXAMINE incluait 5 300 patients ayant présenté un syndrome coronarien aigu récent.
Ce n’étaient pas les niveaux glycémiques qui étaient comparés dans ces études, puisque les investigateurs avaient pour consigne de maintenir l’HBA1c au même niveau dans les deux groupes (stratégie thérapeutique comportant une gliptine et stratégie n’en comportant pas). L’intensification thérapeutique, notamment avec l’insuline, a été logiquement plus importante dans le bras comparateur, d’où une différence mineure en termes d’HbA1c. C’était l’inhibiteur de DPP-4 lui-même qui était testé. La question était de savoir si, par des propriétés intrinsèques, il intervenait au niveau cardiovasculaire. La réponse est neutre. On peut donc dire que la saxagliptine et l’alogliptine présentent une bonne sécurité d’emploi.
Un effet inattendu est cependant apparu à l’issue de l’étude SAVOR
?
Effectivement, il existe, dans les critères secondaires, un surrisque modeste (20 %) de survenue d’une insuffisance cardiaque dans le bras saxagliptine. Ce fut une surprise. Est-ce un effet du hasard ? Est-ce un signal statistique sans signification clinique ? L’étude TECOS apportera des réponses complémentaires.
Ces résultats remettront-ils en cause les recommandations de la HAS
?
Ce qu’on sait donc aujourd’hui, c’est que si on utilise un inhibiteur de DPP-4 pour un meilleur contrôle glycémique du diabétique de type 2, cette classe thérapeutique présente une bonne sécurité cardio-vasculaire. Dans les récentes recommandations de la HAS, les sulfamides sont privilégiés après la metformine, et les inhibiteurs de DPP-4 recommandés en cas de contre-indication (risque hypoglycémique…) ou d’effets secondaires (hypoglycémies, prise de poids…) sous sulfamides. Ces recommandations expliquent les deux raisons retenues pour privilégier les sulfamides : la première est qu’à l’époque où elles ont été rédigées, il manquait un recul suffisant sur la sécurité d’emploi des inhibiteurs de DPP-4. Cette raison est aujourd’hui obsolète. Reste la raison du coût des médicaments. Ce qui est intéressant, c’est que la raison médicale pour privilégier les sulfamides n’a plus lieu d’être à l’issue de ces deux grandes études, seul reste l’argument économique.
Qu’en est-il des effets éventuels des gliptines sur le pancréas
?
Des rumeurs s’amplifiaient depuis quelque temps autour du risque de pancréatite et de cancer du pancréas sous inhibiteurs de DPP-4. Devant la faiblesse méthodologique des travaux ayant suggéré ce risque pancréatique, les grandes agences, la FDA et l’EMEA, avaient tenté de rassurer et préconisé d’attendre les résultats des grandes études. Dans SAVOR et EXAMINE, il n’a été relevé ni surrisque de pancréatite, ni surrisque de cancer du pancréas. Les taux sont identiques dans les deux bras, ce qui semble régler cette question.
(1) Clinique d’endocrinologie, maladies métaboliques, nutrition CHU Nantes.
Le Pr Charbonnel déclare avoir reçu des honoraires en tant que consultant, orateur, pour voyage et logement de la part de : AstraZeneca, Bristol-Myers-Squibb, Boehringer-Ingelheim, Janssen, Lilly, Merck-Sharpe & Dohme, Novartis, Novo-Nordisk, Sanofi-Aventis, Takeda.
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