Le Dr Gilles Russ n’hésite pas à parler de véritables avancées diagnostiques et thérapeutiques dans la prise en charge des nodules thyroïdiens : avancée diagnostique ces dernières années dans l’évaluation du risque de cancer d'un nodule thyroïdien en fonction de son aspect échographique. « Jusqu’en 2009, on avait recours à l’échographie thyroïdienne qui permettait surtout de détecter et d’affirmer la présence d’un nodule, mesurer ses dimensions et préciser le contexte (goitre, pathologie immunitaire). On ne savait pas évaluer le risque de malignité du nodule. De ce fait, on ponctionnait tous les nodules de plus de 10 mm et beaucoup de ces actes étaient inutiles », explique ce radiologue, qui exerce dans le service « Thyroïde et tumeurs endocrines » à la Pitié-Salpêtrière à Paris.
C’est en 2009 qu’est née, d’abord au Chili puis en Corée du Sud, la révolution « TIRADES » (acronyme de Thyroid Imaging Reporting and Data System). « Elle s’est ensuite étendue à la France qui a joué un rôle important dans la mise en place du système européen EU-TIRADS en 2017. Le système s’est développé cette même année aux États-Unis. Et actuellement, l’Europe, les États-Unis et la Corée sont en train de mettre au point un système TIRADS, à vocation universelle », indique le Dr Russ, en précisant que, en France, ce travail est conduit en relation avec les sociétés savantes de radiologie et d’endocrinologie.
Le EU-TIRADS permet une stratification quantitative du risque de malignité du nodule thyroïdien. « À partir de l’aspect échographique du nodule, on peut prédire un risque de cancer. Globalement, on voit quatre grands types de nodules. Il y a d’abord les kystes simples et les nodules spongiformes, presque toujours bénins (score 2). Puis, les nodules à risque faible (score 3). Ils ont une forme ovale, des contours réguliers et sont isoéchogènes. Les nodules à risque intermédiaire (score 4) sont également ovales et à contours réguliers mais modérément hypoéchogènes. Enfin, les nodules à risque élevé (score 5) se présentent avec une forme et des contours irréguliers, une hypoéchogénicité marquée ou des microcalcifications », indique le Dr Russ, en ajoutant que cette stratification quantitative du risque de malignité s’effectue via le score EU-TIRADS. « Celui-ci va de 1 à 5 et permet de définir les indications de cytoponction : systématiques quel que soit le score à partir de 20 mm, et réservées aux nodules de plus de 15 mm pour les scores 4 et de plus de 10 mm pour les scores 5. Cette stratégie échographique et cytologique permet de limiter les indications chirurgicales, qui sont réservées essentiellement aux nodules suspects et malins de plus de 10 mm et aux nodules bénins volumineux et symptomatiques. Les autres nodules feront la plupart du temps l’objet d’une surveillance clinique et échographique espacée ».
Une technique en attente de cotation
Parallèlement au développement du système TIRADES, qui se fait de manière progressive en France, une avancée thérapeutique est prometteuse : la thermoablation par laser et radiofréquence comme alternative à la chirurgie pour les nodules bénins, entraînant une symptomatologie et une gêne fonctionnelle ou esthétique chez les patients. « Ce type de traitement a été développé en Italie et en Corée du Sud et commence à diffuser dans de nombreux pays », indique le Dr Russ.
La thermoablation consiste à insérer, sous guidage échographique, une fibre laser ou une électrode de radiofréquence dans le nodule et à le chauffer entre 60 °C et 100 °C, de manière à obtenir une nécrose de coagulation. « Le nodule va alors diminuer de volume de manière progressive dans les mois qui suivent. La réduction volumétrique moyenne espérée est de l’ordre de 70 %. On estime que 5-10 % des nodules sont réfractaires et qu’une proportion identique est susceptible de reprendre sa croissance à terme », indique le Dr Russ.
Cette technique s’adresse aux patients qui souhaitent éviter la chirurgie. « La thermoablation se fait en ambulatoire et sous anesthésie locale. Elle ne laisse pas de cicatrice et, en moyenne, les patients peuvent reprendre le travail au bout de 4 jours alors qu’avec la chirurgie, il faut compter en moyenne 38 jours d’arrêts de travail selon la Caisse Primaire d’Assurance Maladie. Un autre avantage important est que cette technique permet de conserver la fonction thyroïdienne et d’éviter ainsi un traitement à vie par L-thyroxine », indique le Dr Russ, en précisant qu’une dizaine de centres en France utilisent aujourd’hui la thermoablation. « De nombreuses publications démontrent l’efficacité de cette technique mais en France, la technique n’a pas encore été validée par l’HAS, ce qui ne permet donc pas pour l’instant l’inscription de l’acte à la CCAM et son remboursement par l’Assurance-maladie. On espère que cela sera le cas prochainement. En attendant, le coût de cette intervention est pris en charge par certains centres publics mais, ailleurs, c’est à la charge du patient ».
Entretien avec le Dr Gilles Russ, service « Thyroïde et Tumeurs Endocrines » à l’Hôpital Pitié-Salpêtrière, Sorbonne Université à Paris.
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