Les résultats de l’étude de morbimortalité de l’empaglifozine EMPA-REG OUTCOME étaient attendus avec grand intérêt : c’est la première concernant la nouvelle classe thérapeutique des inhibiteurs des SGLT2 à arriver à échéance ; celles conduites avec ses concurrents (dapagliflozine et canagliflozine) devant se terminer en 2019 et 2018.
Le scepticisme était toutefois de mise, après les déconvenues apportées successivement par les grandes études d’intensification du traitement de la glycémie dans le diabète de type 2 : ADVANCE, ACCORD, VADT – auxquelles il faut ajouter l’étude plus ancienne UKPDS. Ces quatre études avaient été rassemblées dans une métaanalyse (1), qui concluait en effet à l’absence d’effet sur la survie et la mortalité toute cause (HR = 1,04 [0,90 – 1,20]), même si l’effet bénéfique sur la survenue de l’infarctus du myocarde était confirmé (HR = 0,85 [0,76 – 0,94]).
Un scepticisme d’autant plus important que les grandes études de morbimortalité réalisées avec les inhibiteurs de la DPP4 montraient un effet « neutre » sur le plan cardiovasculaire (absence de résultat positif) : HR = 1,0 [0,89 – 1,12] dans SAVOR-TIMI 53 pour la saxagliptine, HR = 0,96 (IC
Les données de l’étude
Incontestablement, les résultats d’EMPA-REG contrastent significativement avec la neutralité cardiovasculaire à laquelle nous étions habitués.
7 020 patients DT2 ont été randomisés pour recevoir soit du placebo, soit de l’empagliflozine à 10 ou à 25 mg/j, pendant une durée moyenne de 2,6 ans, en plus des autres traitements antidiabétiques (metformine 74 %, SU 43 %, TZD 4 %, insuline 48 %, avec en moyenne 65 ± 50 UI/j). Il s’agissait de patients avec un DT2 ancien (57 %› 10 ans), un IMC = 30,6, et à haut risque cardiovasculaire, puisque 75 % avaient une insuffisance coronaire, 46 % un antécédent d’infarctus, 23 % d’AVC, 10 % une insuffisance cardiaque, et 20 % une artérite. 83 % des patients recevaient de l’aspirine, 95 et 81 % recevaient un traitement antihypertenseur et une statine, avec de bons résultats (PA moyenne : 135/77, LDLc = 85 ± 35 mg/dl).
Ces patients avaient un diabète modérément déséquilibré à l’entrée (HbA1c à 8,07 ± 0,85 %), qui s’est en moyenne amélioré de 1,2 % après 3 mois de traitement, sans différence notable entre les deux dosages 10 ou 25 mg/j. Ce gain par rapport au groupe placebo s’est ensuite progressivement estompé. Il était noté également une amélioration du poids (– 2,5 kg), de la PAS et de la PAD (–6 et –2 mmHg) qui, elles, se sont maintenues tout au long de l’étude.
Arrivée à son terme, l’objectif principal de l’étude était atteint, avec une réduction significative de 14 %, (HR = 0,86 [0,74 – 0,99] ; p = 0,038) de la survenue d’un des trois événements cardiovasculaires majeurs prédéfinis (décès cardiovasculaire, infarctus ou AVC non fatal), dans les deux sous-groupes traités comparativement au placebo. Il n’y avait pas de différence notable entre les deux doses thérapeutiques. Les analyses en sous-groupe montraient que les résultats étaient meilleurs chez les patients plus âgés (› 65 ans) ou moins déséquilibrés (HbA1c ‹ 8,5 %).
Les décès cardiovasculaires étaient réduits de 38 % (HR = 0,62 [0,49 – 0,77] ; p ‹ 0,0001), rendant compte de l’essentiel de la réduction des décès toutes cause (HR = 0,68 [0,57 – 0,82] ; p ‹ 0,0001), les causes non cardiovasculaires n’étant pas diminuées de façon significative.
De la même façon, la réduction des infarctus non fatals n’atteignait pas le seuil de significativité (HR = 0,87 [0,70 – 1,09]), alors qu’il semble se dessiner une tendance non significative vers davantage d’AVC (HR = 1,24 [0,92 – 1,67]), avec des événements survenus, pour beaucoup, plus de 30 jours après l’arrêt du traitement.
Les jeux restent ouverts
La réduction des hospitalisations pour insuffisance cardiaque était de 35 % (HR = 0,65 [0,50 – 0,85] ; p = 0,0017), soit de la même importance que la réduction des décès cardiovasculaires. Ceci ouvre la discussion sur l’origine du gain constaté sur les décès cardiovasculaires : sûrement pas liée aux AVC, tandis que la réduction des infarctus paraît modeste. Il pourrait donc s’agir, au moins en partie, d’un effet sur l’insuffisance cardiaque (10 % des patients à l’admission).
Les mécanismes mis en jeu pour expliquer ces résultats sont probablement multiples et complexes : l’amélioration glycémique, si elle est importante dans les premiers mois, s’estompe ensuite avec, en fin d’étude une HbA1c moyenne à 7,81 % sous empagliflozine contre 8,16 % sous placebo. Ce faible différentiel ne peut expliquer seul le bénéfice cardiovasculaire observé. Il faut donc invoquer d’autres mécanismes en rapport avec l’inhibition de SGLT2 – baisse de la volémie, possible effet protecteur sur le rein… – mais ceci sera à confirmer.
Effet classe ?
Face au bénéfice majeur en termes de mortalité cardiovasculaires, le coût iatrogène est modeste : en particulier, il n’y a pas eu d’augmentation des hypoglycémies, y compris chez les patients sous insuline et pas plus non plus d’infections urinaires. Seules ont été augmentées, d’un facteur 4, les infections génitales, touchant 6,4 % des patients, mais ne conduisant à l’arrêt du traitement que chez 0,7 % des sujets.
EMPA-REG apporte donc la démonstration d’un gain sur la mortalité cardiovasculaire des sujets diabétiques de type 2 à haut risque, inattendu par son ampleur, face à un coût iatrogène modeste, limité à une augmentation qui modérée de la fréquence des infections génitales. S’agit-il d’un effet de classe ? Ceci est probable, mais il faut attendre 2018 et 2019 et les résultats des études CANVAS et DECLARE pour le confirmer. Il faut espérer en tout cas que cette balance bénéfice/risque très favorable conduise à faire reconsidérer l’intérêt d’une mise sur le marché français de ce nouveau traitement, sinon de l’ensemble de cette nouvelle classe thérapeutique.
Scirica BM et al. Nejm. 2013;369:1317-26
White WB et al. Nejm. 2013;369:1327-35
Green JB et al Nejm. 2015;DOI:10.1056/NEJMoa1501352
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