Une prescription ancrée dans une réalité locale

L’activité physique : un écosystème à partager

Publié le 22/03/2022
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Les Français, et encore moins ceux qui sont malades, ne pratiquent pas suffisamment d’activité physique. Ses bénéfices santé ne font pourtant plus de doute, et les pouvoirs publics montrent désormais une réelle volonté d’agir pour en promouvoir la pratique. Mais, pour durer, l’activité physique doit avant tout être un projet personnel, soutenu localement.
L’enjeu pour les acteurs territoriaux est d’encourager les habitants à une pratique régulière adaptée à chacun

L’enjeu pour les acteurs territoriaux est d’encourager les habitants à une pratique régulière adaptée à chacun
Crédit photo : phanie

Les données scientifiques sont probantes et ne laissent pas la place au doute sur les bénéfices de l’activité physique (AP) pour la santé. Elle fait partie à part entière de la prise en charge du diabète de type 2 (DT2) — mais aussi de la plupart des maladies chroniques — que ce soit seule ou, le plus souvent, associée aux différents traitements. Pourtant, le niveau d’AP des Français est inférieur aux recommandations et, celui des malades, encore plus bas.

Ouverture des politiques publiques

Après la reconnaissance scientifique, par la HAS en 2011, de l’activité physique adaptée (APA) comme une thérapeutique non médicamenteuse, une instruction interministérielle (24/12/2012) a fourni un premier cadre juridique pour les actions mises en place par les acteurs associatifs ; mais c’est surtout la loi de modernisation du système de santé qui l’a consacrée, en 2016, avec l’article L.1172-1 du code de la santé publique, qui a introduit la possibilité pour le médecin traitant de prescrire, dans le cadre du parcours de soins des patients atteints d’une ALD, une AP adaptée à la gravité de leur pathologie, à leurs capacités physiques et au risque médical encouru. Le décret d’application de cette loi (30/12/2016) a donné la liste des intervenants habilités à dispenser l’APA (socle de compétence).

L’élément phare de la stratégie nationale sport-santé 2019-2024 a été la création de 500 Maisons sport-santé (MSS) d’ici fin à 2022 (427 sont référencées actuellement), réparties sur tout le territoire, en particulier fragiles. Leur objectif est de lutter contre la sédentarité, le manque d’AP et sportive, en en permettant un accès à tous les publics, sur l’ensemble du territoire, dans une démarche qualité et sécurité reconnue. Il s’agit de favoriser un mode de vie actif tout au long de la vie et d’ouvrir un parcours de santé personnalisé aux patients en ALD. Le public cible est, prioritairement, les personnes éloignées de l’AP et sportive et celles atteintes de maladies chroniques.

La MSS doit jouer un rôle d’accélérateur de la mise en réseau des acteurs locaux et aider au rapprochement entre les professionnels de la santé et du sport qui, dans de nombreux territoires, ne se connaissent pas, ou pas assez. Elles bénéficient d’une aide financière, mais qui ne suffit cependant pas à financer l’APA.

Les mesures visant à promouvoir et à développer la pratique des AP et sportives comme facteur de santé publique constituent un socle commun d’intervention entre le ministère de la Santé et celui des Sports et, à l’échelle des régions, entre les ARS et les directions régionales académiques à la jeunesse, à l’engagement et aux sports (Drajes).

Financements encore expérimentaux

Actuellement, ce sont les pratiquants du sport-santé qui prennent en charge eux-mêmes une grande partie du coût de cette activité.

La loi de financement de la sécurité sociale (LFSS) a introduit, pour 2018 (art. 51), un dispositif permettant d’expérimenter, pendant cinq ans, de nouvelles organisations reposant sur des modes de financement dérogatoires aux règles de tarification de droit communs ; l’APA est concernée. Actuellement, 12 expérimentations sont financées. L’évaluation de ces projets permettra d’en connaître l’impact, la capacité à donner naissance à un nouveau mode de prise en charge et l’opportunité de leur généralisation.

En 2020, l’art. 59 de la LFSS prévoyait la mise en place d’un parcours de soins global après le traitement d’un cancer (forfait incluant un bilan psychologique, bilan d’AP, bilan nutritionnel, mais pas le financement de l’APA). L’art. 71 de la LFSS de 2021 autorise, toujours à titre expérimental et pour une durée de trois ans, le financement d’un parcours pour les personnes souffrant d’une complication du DT2. Prescrit par le médecin, celui-ci sera expérimenté par certaines ARS. Un décret doit préciser les conditions d’application : régions concernées, contenu du bilan d’AP, bilan et consultations de suivi nutritionnel et psychologique. L’enjeu est à présent la réussite de ces dispositifs, leur accessibilité aux patients, la soutenabilité financière, et leur extension d’échelle au-delà des expérimentations.

De grandes avancées mais encore très verticales

Actuellement, la pratique du sport-santé repose généralement sur des acteurs locaux, souvent associatifs, ou des collectivités territoriales, qui doivent chaque année obtenir un ensemble de subventions pour poursuivre leur action et garder leur personnel spécialisé. Pour pérenniser leur action et la développer, l’enjeu majeur est pour eux de conforter les financements, au prix d’une labellisation et d’une entrée en réseau.

Si les MSS augmentent la visibilité et la mise en réseau, 500 de ces maisons ne répondront pas aux demandes de 20 millions de personnes souffrant de maladies chroniques.

Pour être efficace, il apparaît nécessaire d’établir des diagnostics locaux : il s’agit, à l’échelle d’une communauté de communes ou d’une ville, de mettre autour d’une table tous les acteurs impliqués dans l’AP et sportive (acteurs de l’éducation, du sport et des loisirs, acteurs sociaux et de santé), pour définir ensemble les conditions à réunir pour encourager les habitants du territoire à une pratique régulière adaptée à chacun, en fonction de ses motivations, ses capacités, et son environnement. Il n’y a pas de prise en charge unique et standardisée, et celle-ci peut varier au sein d’un même territoire. Ce type de démarche permet d’envisager la prévention primaire, secondaire et tertiaire, de connaître les forces et les besoins avec, surtout, une coordination de tous les acteurs et une démarche ascendante vers les pouvoirs publics, à l’inverse de ce que l’on trouve trop souvent.

En effet, l’AP maintenue sur le long terme implique une réflexion intégrée et multidisciplinaire : la santé est globale, le médecin joue un rôle majeur mais, pour que l’AP se poursuivre sur le long terme, il faut que l’ensemble de l’écosystème y soit favorable. C’est donc, à côté du rôle médical, aussi un travail collectif d’acteurs impliqués au niveau local, qui se connaissent et échangent. Les écosystèmes sont à créer : MSS, fabriques créatives de santé… on peut les appeler comme on veut, mais les recettes qui marchent sont celles qui mettent en réseaux des acteurs multiples, afin que le médecin ne soit plus seul avec son patient et sa prescription d’AP.

exergue : Un financement expérimental est prévu dans le diabète de type 2 pour trois ans dans certaines ARS

CHU Clermont-Ferrand, Service de Médecine du sport, Université Clermont Auvergne, INRA, UNH, Unité de Nutrition Humaine, CRNH Auvergne, 63000 Clermont-Ferrand.

Lire aussi : bit.ly/ExBillom et bit.ly/RapportAN4400

Pr Martine Duclos
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Source : lequotidiendumedecin.fr