Entre les formes classiques de diabète que sont le type 1 auto-immun (10%) et le type 2 (80%), une variété de diabètes méconnus coexistent comptant pour 5% environ : type 1B, type 2 cétosique, LADA ou MODY… . Sans sous-estimer les diabètes iatrogènes sous corticoïdes mais aussi sous antipsychotiques et anticancéreux, de plus en plus fréquents. Autant de diabètes atypiques abordés lors du 40e Congrès de la SFD.
Après le DT1 et le DT2, bientôt le diabète de type 3 ? Alors que pendant longtemps la maladie diabétique a été appréhendé de façon « binaire » – avec d’un côté les formes auto-immunes correspondant au diabète de type 1 et de l’autre les formes métaboliques correspondant au diabète de type 2 – « on observe depuis quelques années l’émergence de diabètes dits intermédiaires » a rapporté le Pr Jean-François Gautier (chef du service de Diabétologie-Endocrinologie-Nutrition, hôpital Lariboisière, Paris), lors du récent congrès de la Société Francophone du Diabète (Paris,11-14 mars). Or au delà du simple intérêt sémantique, « connaître ces diabètes est important car cela peut conduire à modifier la conduite thérapeutique et notamment à lever le pied sur l’insuline dans certains cas ».
Cétose inaugurale pour certains diabètes de type 2
Le diabète de type 1 idiopathique en est un bon exemple. Bien que non auto-immun, ce diabète peut se révéler bruyamment avec un tableau proche de celui d’un DT1 associant une décompensation cétosique initiale, des signes cliniques d’hyperglycémie (perte de poids, polyurie, polydipsie, asthénie, polyphagie) et une hyperglycémie franche (›3g/l).
Mais une fois passée la phase aiguë et réglés les problèmes d’acétose et d’hyperglycémie grâce à l’insulinothérapie, « deux évolutions seront possibles », explique le Pr Gautier. Dans un tiers des cas environ, l’insulinorequérance persiste signant l’existence d’un diabète de type 1, certes non auto-immun, mais provoqué – comme le DT1 classique – par la destruction de la cellule bêta. On parle alors de diabète de type 1B dont la prise en charge diffère finalement peu de celle d’un DT1 auto-immun.
En revanche, dans les 2/3 restant, l’insulinothérapie peut être stoppée avec ou sans traitement antidiabétique oral. On parle alors de diabètes de type 2 cétosiques (ou diabète de type 3 pour certains). Ces patients présentent un profil évolutif ressemblant plutôt au DT2 avec une sécrétion résiduelle insulinique mais parfois des rechutes cétosiques (surtout dues à des prises de poids).
« Chez les patients originaires d’Afrique sub-saharienne hospitalisés dans notre service pour un diabète bruyant, ce type de diabète représente 30 à 40% des cas, estime le Pr Gautier, à modérer du fait des biais de recrutement évidents. Globalement, la prévalence est estimée entre 5 et 15% des phénotypes chez ces Africains et se signale entre 40 et 45 ans. » Il reste, en revanche, exceptionnel chez les individus d’origine caucasienne et asiatique.
Diabète MODY : le DT2 des jeunes
Autres diabète « trompeur » : les diabètes MODY (maturity-Onset Diabetes of the Young). Ces diabètes monogéniques sont dus à des mutations au niveau de facteurs transcriptionnels impliqués dans la sécrétion et le développement de la cellule bêta. Il s’agit en fait de diabète de type 2 survenant chez l’enfant ou le sujet jeune. « Par exemple, on doit penser au MODY3 (25% des MODY), lorsque le déséquilibre glycémique apparaît chez l’adulte jeune (<25 ans) voire à la puberté avec une forte hérédité familiale de diabète précoce. Or ces patients répondent très bien aux insulinosécréteurs, sulfamides à fortes doses et c’est tout l’intérêt d’établir ce diagnostic pour ne pas s’égarer avec l’insulinothérapie. Les biguanides semblent, en revanche, inefficaces. »
De même, le diabète néonatal peut bien souvent se passer d’insuline. Il survient avant 6 mois de vie et est souvent découvert par décompensation cétosique. Il se partage à part égale en formes permanentes et transitoires, ces dernières pouvant réapparaître au moment de la puberté ou chez le jeune adulte. Il faut alors savoir y penser, car « ces diabètes répondent parfaitement à de fortes doses de sulfamides (glibenclamide jusqu’à 30-45mg/j) sans semble-t-il d’échappement avec le temps et permettent de se passer d’insuline », explique le Pr Gautier. Là encore, « l’erreur est de confondre ces diabètes néonataux qui resurgissent à l’âge adulte avec des DT1 et de les maintenir sous insulinothérapie ».
LADA: quand le DT1 prend son temps
À l’inverse, le diabète de type 1 lent (ou LADA, pour Latent Auto-immune Diabetes in Adults) peu mimer un DT2 car l'auto-immunité y est peu agressive, expliquant l'absence de cétose. « Typiquement, le profil d’un diabétique LADA correspond à un individu d’âge mûr pas forcément en grand surpoids ni avec des antécédents familiaux de diabète, avec plutôt un phénotype de diabète de type 2 et chez qui on retrouve des anticorps, marqueurs d’une insulinorequérance précoce chez les patients âgés de moins de 45 ans. »
Identifier ces patients permet souvent d’aller directement au traitement optimal : l’insulinothérapie « sans forcément s’attarder avec les antidiabétiques oraux mais en restant cependant pragmatique en fonction des
cibles d’HbA1c », indique le Pr Gautier. Sa prévalence n’est pas négligeable puisque dans l’essai UKPDS conduit dans le type 2, 4% des patients inclus avaient des anticorps positifs et cela peut atteindre 10 % dans d’autres séries.