De décembre 1966 à décembre 2016, plus de 50 000 greffes de pancréas ont été réalisées dans le monde, dont plus de 30 000 aux États-Unis. Au total, sur les quinze dernières années, 16 419 diabétiques (92 % de DT1 et 8 % de DT2) ont bénéficié d’une transplantation simultanée pancréas-rein (P + R), ou pancréas seul (P) ou pancréas après rein (PaR). Après une constante croissance du nombre de greffes de pancréas jusqu’en 2004, près de 1 500 par an (avec un pic en 2001-2005), leur nombre a chuté jusqu’à peine plus de 800 en 2016. Pourtant les résultats sont au rendez-vous. Selon quels critères ? le succès est défini comme l’insulino-indépendance totale, l’échec comme la dépendance partielle de l’insuline ou le décès du receveur avec un greffon fonctionnel. Pour le rein, l’échec signifie le retour à la dialyse ou le décès avec un rein fonctionnel.
Progression constante du taux de survie
Durant les six dernières années, 84 % des transplantations ont été doubles (P + R) et ont concerné majoritairement des DT1 (88 %), mais la proportion de DT2 progresse. Les greffes PaR ont représenté 8 % des gestes, chiffre identique à celui des greffes P. La survie du greffon s’est montrée globalement excellente et stable. L’étude rapporte en quinze années une constante amélioration de la survie des patients après doubles greffes simultanées P + R, de 91 % à 97,6 % à 1 an et à 3 ans et de 71,6 % à 10 ans. Le taux de survie des patients à 3 ans est inférieur pour les greffes de pancréas seul, mais supérieur à 70 %. Pour les greffes simultanées P + R, les facteurs de risque d’échec ont été l’âge du donneur, supérieur à 30 ans, une conservation des organes supérieure à douze heures avant greffe et un receveur ayant été en dialyse avant le geste ou obèse.
D’une manière générale, l’étude constate que les donneurs sont souvent jeunes (22 ans en moyenne). L’influence de la taille du centre a été étudiée. Les centres réalisant un grand nombre de greffes ont les meilleurs résultats, car moins d’échecs techniques, mais les gros centres en effectuant plus de 40 par an sont de moins en moins nombreux, ce qui pose un problème pour la formation des jeunes chirurgiens. Autre constat, il y a de plus en plus de sujets obèses d’origine non caucasienne greffés pour DT2.
Le traitement d’induction est majoritairement basé sur les anticorps dépléteurs avec maintien par tacrolimus et mycophénolate mofétil, et le recours aux corticoïdes est de nouveau fréquent, après une phase de moindre usage.
La greffe de rein puis plus tard d'un pancréas, que le donneur soit vivant ou non, permet pour les insuffisants rénaux diabétiques dialysés de raccourcir le temps passé en dialyse, dont on sait le caractère délétère, surtout chez les DT2, et de rétablir un état de santé plus approprié à la réception d’un pancréas par la suite. Cela concerne des sujets souvent plus âgés et DT2, le pronostic de cette procédure est moins favorable quoiqu’en amélioration constante. Mais elle est de moins en moins choisie.
Un cercle vicieux
La greffe de pancréas seul a un bon pronostic, surtout dans le cas d’un diabète « très instable » (brittle diabetes). Elle en corrige souvent très bien les troubles, mais reste bizarrement peu proposée. Ces très bons résultats et les progrès accomplis contrastent avec la baisse du nombre des gestes, baisse semble-t-il due à une ignorance ou à des idées préconçues sur la transplantation de la part des médecins qui ont en charge ces diabétiques – geste jugé trop lourd, trop exceptionnel pour qu’on ose le proposer, idées fausses sur la lourdeur du traitement antirejet… –, et à une sous-estimation des bénéfices, y compris pour les DT2 : insulino-indépendance durable, possible régression de certaines complications, arrêt des dialyses en cas de double greffe, allégement des traitements antirejet.
Une évolution paradoxale donc, puisque les demandes chutent au moment où les résultats n’ont jamais été aussi bons ! Et, effet pervers, moins d’équipes se forment ou réalisent suffisamment de gestes chaque année ! Mais quid de la France aujourd’hui ?
Professeur Émérite à l'Université Grenoble-Alpes
Gruessner A, Gruessner R. Pancreas transplantation for patients with type 1 and type 2 diabetes mellitus in the United States: a registry report. Gastroenterol Clin North Am. 2018 Jun;47(2):417-441
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