Les personnes âgées représentent une part importante de la population des patients vivant avec un diabète de type 2 (DT2). Elles ont souvent un diabète ancien et compliqué, notamment sur le plan cardiaque et rénal. Qu’il s’agisse des agonistes des récepteurs du GLP1 (arGLP1) ou des inhibiteurs de SGLT2 (iSGLT2), les nouveaux traitements du diabète ont justement une place dans la protection cardiaque et/ou rénale de ces patients.
La Société francophone du diabète (SFD) a mis à jour sa prise de position fin 2023, dans laquelle elle s’est clairement positionnée en faveur de ces nouvelles classes thérapeutiques chez les sujets âgés. En effet, il existe désormais suffisamment de preuves de leurs bénéfices et de leur sécurité d’emploi, sous réserve de prendre certaines précautions.
LE QUOTIDIEN : Quels doivent être les points de vigilance accrus avec les nouvelles molécules chez les sujets âgés ?
PR LYSE BORDIER : Les patients âgés ont par définition plus de 75 ans et constituent une population hétérogène. La Haute autorité de santé (HAS) distingue ainsi trois catégories, selon « la réussite » du vieillissement : les sujets en bonne santé, assimilables à des personnes plus jeunes, les sujets fragiles, à l’état de santé intermédiaire, et les sujets dépendants ou à la santé très altérée (malades). Les objectifs et la stratégie thérapeutique sont différents selon la catégorie. Ils doivent tenir compte des complications gériatriques comme la dénutrition, la sarcopénie, des troubles cognitifs, la dépression, les handicaps, l’hypotension orthostatique, les chutes, etc.
Les arGLP1, en raison du risque de perte d’appétit qu’ils induisent, peuvent favoriser une perte de poids et entraîner une dénutrition et une sarcopénie. La perte de poids, qui est souvent un objectif thérapeutique chez le patient plus jeune, peut être particulièrement délétère chez le patient âgé. Une surveillance particulière de l’état nutritionnel du patient est donc nécessaire dans ce cas.
Quant aux iSGLT2, ils peuvent induire une hypovolémie, une hypotension, aggraver une hypotension orthostatique souvent présente chez le patient âgé, au risque de favoriser des chutes.
Quelles sont les recommandations chez la personne âgée en bonne santé ?
L’objectif est le même que pour les patients plus jeunes vivant avec un DT2, à savoir une HbA1c inférieure à 7 %. Tous les traitements peuvent être utilisés, mais la prudence est de mise avec les sulfamides et les glinides, qui majorent les risques d’hypoglycémie (à bien surveiller).
En cas de maladie athéromateuse avérée, il est préconisé de prescrire une bithérapie d’emblée, indépendamment du taux d’HbA1c, en choisissant soit metformine + iSGLT2, soit metformine + arGLP1 (le choix se porte plus volontiers vers un arGLP1 en cas d’antécédent d’AVC ischémique). Mais si, sous bithérapie, la cible d’HbA1c n’est pas atteinte, on passe à une trithérapie metformine + arGLP1 + iSGLT2.
Chez les patients présentant une maladie rénale chronique ou une insuffisance cardiaque, le choix se porte sur une bithérapie metformine + iSGLT2 d’emblée et ce, indépendamment du taux d’HbA1c. En cas d’intolérance ou de contre-indication aux iSGLT2, outre la metformine, le choix ne se portera sur un arGLP1 que si l’HbA1c n’est pas à l’objectif.
A-t-on des informations sur les doubles agonistes GIP/GLP1 dans la population âgée ?
Peu de patients âgés (environ 300) ont été inclus dans le programme Surpass, qui est le programme de développement du tirzepatide, premier co-agoniste du GIP/GLP1. L’expérience clinique est donc très modeste dans cette population. De plus, l’efficacité majeure observée sur la perte de poids avec cette molécule nous incite à faire preuve d’une extrême prudence quant au risque de dénutrition qu’il pourra faire courir aux patients.
Et qu’en est-il chez le patient intermédiaire, fragile et chez la personne dépendante ?
Le patient âgé fragile relève d’abord de la metformine et, si cela ne suffit pas, d’un iDPP4. En cas d’insuffisance rénale chronique ou d’insuffisance cardiaque, il est possible de rajouter un iSGLT2. Si la cible d’HbA1c n’est pas atteinte, il faut débuter une insulinothérapie. Enfin, chez la personne âgée dépendante, on commence par la metformine et, si cela est insuffisant, on rajoute un iDPP4 puis de l’insuline basale. En présence d’une insuffisance cardiaque, il peut être discuté au cas par cas, de l’opportunité de lui prescrire un iSGLT2.
Qu’en est-il du suivi de tous ces patients ?
Le suivi de ces patients doit être attentif et à chaque visite, il faut bien rechercher les complications gériatriques et identifier la catégorie dans laquelle se trouve le patient car le vieillissement est un processus dynamique. Cela permet de correctement définir les objectifs thérapeutiques. La tolérance des traitements doit également être évaluée. Il faut rechercher des hypoglycémies qui pourraient être liées aux traitements à risque associés comme les sulfamides, glinides ou l’insuline. Sous arGLP1, il faut interroger le patient sur d’éventuels troubles digestifs, le peser régulièrement, et dépister une dénutrition ou une sarcopénie. Sous iSGLT2, il faut rechercher des mycoses génitales à répétition, une déplétion volémique ou une hypotension orthostatique.
Quid de la surveillance de leur fonction rénale en cas d’introduction d’un iSGLT2 ?
Les sociétés de cardiologie, de néphrologie et de diabétologie ont produit un référentiel (1) sur l’utilisation des iSGLT2, car ces molécules ne sont plus seulement des antidiabétiques : elles sont utilisées par d’autres spécialistes, notamment les médecins généralistes, les cardiologues et les néphrologues. La surveillance de la fonction rénale ne doit pas être systématique. Elle est néanmoins recommandée un mois après le début du traitement chez les patients de plus de 75 ans et/ou fragiles, mais aussi chez ceux traités par diurétiques de l’anse à dose élevée et/ou si le débit de filtration glomérulaire (DFG) < 45 ml/mn/1,73 m2, si la pression artérielle est inférieure à 120/70 mmHg et/ou en cas d’antécédent de déplétion volémique ou d’hypotension orthostatique. Il est parfois nécessaire, pour éviter d’induire une hypovolémie, de diminuer la posologie des diurétiques de l’anse si la PAS est sous 130 mmHg à l’introduction du traitement.
(1) Diévart F et al. How and when to use iSGLT2 (gliflozins) in clinical practice: a consensus for clinical practice proposed by the SFD, the SFC, the CNCF and the SFNDT. Nephrol Ther. 2023 Aug 3;19(4):251-77
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