« Depuis 2005, puis 2010 avec la mise en catalogue du codage génétique bactérien, la communauté médicoscientifique vit une révolution conceptuelle », souligne le Pr Rémy Burcelin, directeur de l'unité Inserm U1048, hôpital Paul Sabatier, Toulouse. Les résultats initiaux, ainsi que le décryptage, ont été le point de départ de travaux expérimentaux qui ont permis de démontrer le caractère causal du microbiote intestinal dans la survenue du diabète de type 2 et de l'obésité mais aussi de maladies neurodégénératives, auto-immunes ou encore allergiques. La diversité des gènes bactériens intestinaux (10 millions de gènes toutes bactéries confondues) constitue un réservoir d'informations depuis longtemps inexploité.
Les recherches menées au cours de la dernière décennie ont déjà permis de démontrer les premiers mécanismes moléculaires par lesquels les bactéries sont impliquées dans la genèse de maladies métaboliques comme le diabète de type 2, ce qui a ouvert la voie à plusieurs solutions thérapeutiques.
La première se fonde sur l'administration de suppléments alimentaires spécifiques tels que des prébiotiques (fibres) ou des probiotiques. Autre possibilité : prédire de façon précoce une maladie, ce qui est une réalité depuis 2011 pour le diabète de type 2 : la mise en évidence d'une certaine modification de l'écologie bactérienne permet de prédire le diabète 6 à 9 ans avant son apparition.
Il est également possible de préciser l'intensité et les origines du diabète de type 2 et donc de le classifier, ce qui rentre dans le cadre de la médecine personnalisée.
Prédire l'efficacité des incrétines
Mais on peut désormais aussi évaluer l'effet du traitement : l'efficacité thérapeutique des incrétines dépend en effet de l'écologie du microbiote intestinal. Ceci a été mis en évidence sur un modèle murin. Les souris sensibles aux incrétines ont un microbiote plus riche en certains lactobacilles que les non-répondeuses. Le transfert du microbiote de souris non-répondeuses chez les souris saines induit en quelques semaines une résistance aux incrétines. Et à l'inverse, l'augmentation du taux de lactobacilles chez les souris non-répondeuses permet d'améliorer l'efficacité thérapeutique des incrétines (1). La confirmation de ces données chez l'humain permettrait de mieux identifier les patients susceptibles de bénéficier du traitement, voire d'améliorer la réponse au traitement en ayant recours à des lactobacilles.
Des champs de recherche encore largement inexplorés
D'autres travaux expérimentaux portent sur la mise au jour de nouvelles cibles moléculaires, notamment intestinales, pouvant être ciblées par des molécules chimiques, ainsi que sur la voie vaccinale.
Qu'en est-il chez l'humain ? On sait aujourd'hui identifier, de manière précise et reproductible, de l'ADN bactérien circulant issu du microbiote témoin d’une des causes du diabète, de l’obésité, et des maladies hépatiques. Le recours à ce type de biomarqueurs pourrait par exemple remplacer la biopsie pour le diagnostic de fibrose hépatique.
Des travaux publiés l'an dernier ont par ailleurs montré que l'efficacité thérapeutique de la metformine dépend de sa capacité à modifier le microbiote intestinal (2).
Le champ des possibles est immense et encore largement inexploré. « Après les données accumulées chez l'animal, il faut maintenant poursuivre les recherches chez l'humain, indique le Pr Burcelin. Il faut changer de paradigme et nous espérons que les industriels de l'agroalimentaire et du médicament vont s'emparer de cette nouvelle voie de recherche, pour mettre en place des essais cliniques chez l'humain et à terme proposer de nouvelles solutions ».
Entretien avec le Pr Rémy Burcelin, directeur unité Inserm U1048, hôpital Paul Sabatier, Toulouse.
(1) E. Grasset et al. Cell Metabolism, 2017, 25, 1075-1090
(2) Hao Wu et al. Nature Medicine volume 23, pages 850–858 (2017)
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