Adénome hypophysaire sécréteur d’ACTH

Un inhibiteur testé sur un modèle de maladie de Cushing

Publié le 12/12/2011
Article réservé aux abonnés
1323656324308614_IMG_73844_HR.jpg

1323656324308614_IMG_73844_HR.jpg
Crédit photo : BSIP

L’HYPERCORTISOLÉMIE associée aux adénomes hypophysaires corticotropes, tumeurs bénignes difficiles à visualiser en raison de leur petite taille, prédispose à plusieurs pathologies (diabète, HTA, ostéoporose, obésité, morbidité cardio-vasculaire). Elle répond mal aux traitements classiques, tels que la résection transsphénoïdale de la tumeur hypophysaire, avec un taux important de récidives. La recherche d’une approche pharmacologique ciblant directement la croissance de la tumeur corticotrope est donc une voie prometteuse. Les inhibiteurs de la CDK (cyclin-dependent kinase) sont potentiellement intéressants en s’opposant aux aberrations neuroendocrines induites par ces kinases. Mais, en l’absence de modèle expérimental reproduisant l’hypercorticisme de l’adénome hypophysaire, il est difficile d’identifier ceux des inhibiteurs de la CDK qui seront efficaces.

Les séquences du gène PTTG.

Les auteurs se sont intéressés au poisson zèbre parce que les séquences du gène PTTG (pituitary tumor transforming gene), qui commande la synthèse de sécurine (rôle dans la ségrégation chromosomique) et est surexprimé dans 90 % des tumeurs hypophysaires (y compris les adénomes corticotropes), sont fortement conservées chez cet animal. Des Américains ont élaboré une lignée cellulaire qui surexprime le PTTG, ciblant la pro-opiomélanocortine adéno-hypophysaire (POMC). L’évaluation de cette lignée met en évidence sa capacité à reproduire les caractères spécifiques de l’adénome corticotrope. Les poissons adultes Pomc-Pttg développent des adénomes très proches de la tumeur humaine, avec régulation positive de la cycline E (liée à un mauvais pronostic des tumeurs chez l’homme) et démontrant les perturbations métaboliques associées à la maladie de Cushing.

Ce modèle a donc été utilisé pour tester plusieurs inhibiteurs de la CDK. L’un d’eux, la R-roscovitine (un inhibiteur CDK2/cycline E), induit, chez les embryons Pomc-Pttg traités par cette molécule, une puissante réduction (40 %) de l’expression de la POMC et inverse l’activité corticotrope. L’efficacité de la R-roscovitine (seliciclib, CYC202) a alors été évaluée dans un modèle murin d’adénome hypophysaire sécréteur d’ACTH. L’équipe de Shlomo Melmed montre que le traitement par cet inhibiteur de la CDK s’oppose à la croissance cellulaire tout en réduisant l’expression de la cycline E.

La R-roscovitine.

L’activité anti-tumorale corticotrope a enfin été testée in vivo après l’injection de cellules de tumeurs corticotropes AtT20 sur des souris athymiques de 6 à 8 semaines. Vingt-neuf des 30 animaux ayant développé des tumeurs ont été soumis à un traitement par la R-roscovitine (150 mg/kg) ou par un placebo. Les chercheurs observent, trois semaines plus tard, que l’inhibiteur de la CDK induit une réduction d’environ 50 % du poids tumoral. Par ailleurs, les souris traitées présentent une diminution de plus de 50 % des taux sériques d’ACTH (596 vs 1 256 pg/ml, p‹0,01) et une réduction comparable des concentrations plasmatiques de corticostérone.

Le développement, par les Américains, d’une lignée germinale surexprimant le gène PTTG et reproduisant l’hypercorticisme inaugure un modèle vertébré de la maladie de Cushing. Cette avancée ouvre aussi la perspective de traitements pharmacologiques sélectifs. Ce que suggère l’identification d’un inhibiteur de la CDK à activité anti-corticotrope et anti-tumorale qui, en outre, réduit l’expression de la cycline E, un caractère distinctif des adénomes corticotropes chez l’homme.

Liu N-A, Melmed S. et coll. Proc Ntl Acad Sci USA (2011) Publié en ligne.

 Dr BERNARD GOLFIER

Source : Le Quotidien du Médecin: 9057