Hépatocytes encapsulés chez des souris

Des foies humanisés pour l’étude de médicaments

Publié le 11/07/2011
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Crédit photo : S Toubon

DE NOTRE CORRESPONDANT

L’IMPLANTATION d’hépatocytes primaires humains chez des animaux de laboratoire se heurte à plusieurs difficultés, principalement l’instabilité du phénotype de ces cellules et leurs besoins métaboliques. Les chercheurs du MIT (Massachusetts Institute of Technology) ont imaginé une nouvelle approche : les HEALs (Human Ectopic Artificial Livers). Dans ce système, le phénotype des hépatocytes est préalablement fixé grâce à l’incorporation de deux facteurs de signalisation, la juxtacrine et la paracrine. Les hépatocytes primaires humains ainsi préparés, et mis en co-culture pendant une semaine avec des fibroblastes de souris J2-3T3 (HEP/FIB), sont ensuite encapsulés dans un échafaudage polymérique (polyéthylène glycol diacrylate, PEG-DA) fonctionnalisé. La culture conjointe avec des fibroblastes s’avère essentielle pour consolider la stabilisation des hépatocytes. La fonction hépatique humanisée des HEALs peut ainsi être maintenue pendant plus de trois semaines in vitro.

Une production ultra-rapide.

Les auteurs ont évalué la capacité de ce système à exprimer plusieurs inducteurs enzymatiques du métabolisme des médicaments, par comparaison avec des cultures cellulaires HEP/FIB contrôles (non encapsulées). Ils montrent que les enzymes qui, prises dans leur ensemble, métabolisent plus de 90 % des médicaments sont exprimées par les HEALs. Ces tissus hépatiques artificiels ont alors été implantés chez des souris par voie intrapéritonéale, avec un taux de réussite de greffe de 91,6 % et une vascularisation des greffons. La production de souris humanisées « HEALs » est, en outre, très rapide, puisqu’elle est obtenue en moins d’une semaine, alors que, par les méthodes classiques, le processus d’humanisation prend de deux à six mois.

L’inconvénient des modèles expérimentaux actuels est que les métabolites majeurs des médicaments peuvent passer inaperçus en raison des différences de voies de métabolisation inter-espèces. L’équipe de Sangeeta Bhatia montre que les souris humanisées par les HEALs identifient correctement la 7-HC (7-hydroxycoumarine), produit de l’hydroxylation de la coumarine, et la 4-OHDB (4-hydroxydébrisoquine), métabolite majeur de la débrisoquine.

Prédire les interactions.

Le modèle de souris humanisées « HEALs » est, enfin, capable de prédire les interactions médicamenteuses potentielles, comme l’indique une autre expérimentation où les animaux ont été exposés à la rifampicine, un inducteur du CYP3A4 (membre de la famille des cytochromes P450). L’exposition ultérieure des souris à un autre médicament se traduit par une activité enzymatique cinq fois supérieure à celle observée chez les contrôles.

La méthode adoptée par les Américains, qui consiste à stabiliser préalablement les fonctions des hépatocytes humains au sein d’un échafaudage polymérique avant leur transplantation aux souris, présente donc de multiples avantages. Les souris humanisées sont produites bien plus rapidement (en moins de deux semaines) que ce n’est le cas avec les approches actuelles et, surtout, ce nouveau modèle expérimental, grâce à sa capacité d’identifier des métabolites majeurs des médicaments, permet d’envisager des études de toxicité et d’interactions médicamenteuses plus efficaces et d’accélérer le processus d’évaluation pré-clinique des nouvelles molécules pharmacologiques.

AA Chen, SN Bhatia et coll. Humanized mice with ectopic artificial liver tissues. Proc Natl Acad Sci USA (2011). Publication en ligne.

 Dr BERNARD GOLFIER

Source : Le Quotidien du Médecin: 8995