Les maladies de Crohn et Rectocolites hémorragiques (MICI) sont assez rarement associées à une SEP : « nous avons réussi à rassembler 66 cas MICI – SEP confirmés après expertise (sur 108 cas recueillis) en nous adressant à la fois aux neurologues et aux gastro-entérologues français via le club francophone de la CFSEP et le groupe d’étude thérapeutique des maladies inflammatoires digestives (GETAID). Sachant que la prévalence de la SEP est d’environ 90 000 patients en France et que celle de la maladie de Crohn, dépasse les 100 000 malades, l’association des deux affections est finalement assez rare. En revanche, ce qui est intéressant, c’est que ces deux maladies touchent des personnes jeunes, avec un profil épidémiologique proche (pays de niveau socio-économique élevé avec un gradient pôle – Equateur) et une fréquence plus élevée chez la femme : 3 femmes pour un homme dans la SEP, près de deux femmes pour un homme dans la maladie de Crohn. Autre similitude : l’impact négatif du tabagisme sur l’évolution de la maladie et de l’hypovitaminose D (sans que l’on sache aujourd’hui si sa correction a une conséquence positive sur le cours évolutif de la maladie). Enfin, si nous nous sommes intéressés à cette association, c’est parce que les gastro-entérologues de Lille avaient l’impression que leurs patients qui avaient également une SEP, présentaient une évolution digestive plus modérée : la possibilité d’interaction entre ces deux maladies auto-immunes s’est donc posée – d’autant qu’il existe déjà une littérature sur les interactions possibles entre MICI et cholangite sclérosante primaire - et nous avons voulu savoir si c’était aussi vrai pour la SEP » explique le Dr Zéphir.
Un impact favorable sur la SEP à confirmer
À la surprise des neurologues, l’étude a montré que les patients atteints d’une SEP avaient une évolution neurologique plus favorable (sur le score du handicap EDSS) comparativement aux patients ayant une SEP isolée et ce, indépendamment du traitement immunomodulateur ou immunosuppresseur pouvant être utilisé dans les deux pathologies. En effet, sur une médiane de douze ans de suivi, le score de handicap neurologique des patients touchés par ces deux affections était significativement moindre que chez les SEP seules. En revanche, il n’a pas été trouvé de pronostic digestif différent (c’est-à-dire l’accès à la chirurgie) entre les patients combinant les deux pathologies et ceux qui avaient une MICI isolée.
« Étant donné qu’il s’agit d’une étude transversale, sur un petit nombre de patients, à partir de données rétrospectives, il convient d’être prudent dans l’analyse des résultats. Cependant, chaque patient MICI – SEP était comparé à 4 patients ayant une SEP isolée et 4 autres patients ayant une MICI isolée. Les patients MICI – SEP étaient appariés aux contrôles sur des critères stricts (même âge de début et même année de début de la maladie, même forme de maladie neurologique ou digestive) afin de minimiser les biais de sélection et notamment l’accès historique aux traitements » précise le Dr Zéphir. Afin de confirmer ou non ces premiers résultats, les patients continueront d’être suivis et l’évolution de leur handicap au long cours, scrupuleusement notée.
Une histoire de dysbiose ?
Le déséquilibre de la flore intestinale (dysbiose), avec une perte de sa biodiversité, est déjà bien connu dans la maladie de Crohn où l’on retrouve une prépondérance de Candida et une moindre représentation de certaines bactéries du genre Firmicutes et Bacteroïdetes. Il existe d’ailleurs des tentatives de déviation thérapeutique de la flore digestive (transplantation fécale par exemple) pour savoir s’il peut y avoir un impact sur l’évolution de cette maladie. Dans la SEP, cette question n’a jamais été posée jusqu’ici : « jusqu’à très peu de temps, on ne s’intéressait pas à la flore digestive chez les malades ayant une SEP. Il existe seulement des travaux chez le modèle animal de la SEP (l’encéphalite auto-immune expérimentale), pouvant suggérer un rôle de la flore bactérienne sur l’immunité. Au vu des travaux dans les MICI, on doit pourtant se poser la question de l’éventualité d’une dysbiose ou non dans la SEP et si dysbiose il y a, comment elle pourrait interagir avec la maladie. Il existe un projet intitulé « Human Microbiome Project » à l’initiative du National Institute of Health (NIH) qui court depuis la fin des années 2000 et qui tente d’identifier le génome de l’ensemble du microbiote humain. Du côté pathologique et humain, si la dysbiose est connue chez les MICI et se précise dans l’obésité, elle reste à vérifier et à explorer dans la SEP. De nombreux projets commencent à fleurir sur le sujet. Notre travail épidémiologique Lillois est un prétexte à l’ouverture d’un projet visant l’exploration des interactions cellulaires et immunologiques entre la flore intestinale et l’autoréactivité dirigée vers le système nerveux central. Une collaboration Lilloise est mise en œuvre sur le plan expérimental avec l’Institut de Neuro-Immunologie Max Planck de Munich » conclut le Dr Zéphir.
D’après un entretien avec le Dr Hélène Zéphir CHRU Lille.
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