Par le Pr Jean-Yves Mabrut*, le Pr Reza Kianmanesh** et le Pr Jean-François Gigot ***
LES DILATATIONS congénitales des voies biliaires (DCVB) extrahépatiques représentent les anomalies les plus fréquentes. Le diagnostic est réalisé le plus souvent chez l’enfant, mais dans 25 % des cas à l’âge adulte avec une présentation clinique plus souvent compliquée (lithiase biliaire, pancréatite, angiocholite). Une anomalie de jonction bilio-pancréatique (AJBP) était présente dans 72 % des cas dans la série de l’Association française de chirurgie (AFC). Cette anomalie correspond à la formation d’un canal commun bilio-pancréatique par réunion proximale des canaux pancréatique et biliaire, en amont du sphincter d’Oddi, autorisant un reflux de liquide pancréatique dans les voies biliaires. Ce reflux est responsable d’une irritation chronique de l’arbre biliaire exposant au risque de dégénérescence. Dans la série de l’AFC, la présence d’un des trois critères suivants chez l’adulte suffisait à affirmer le diagnostic d’AJBP : (a) une longueur du canal commun bilio-pancréatique › 10 mm, (b) la présence d’une jonction bilio-pancréatique en dehors de la paroi duodénale et (c) un taux d’amylase intrabiliaire › 10 000 UI/L (avec une valeur prédictive positive et une spécificité proches de 100 %).
La DCVB est limitée au cholédoque dans 70 % des cas ce qui correspond au type I de la classification de Todani des DCVB. L’exérèse complète de la DCVB, suivie d’une reconstruction avec anastomose bilio-digestive, représente un standard de traitement avec plus de 80 % de bons résultats à long terme, alors que la dérivation kysto-digestive, qui laisse en place la DVCB, est à proscrire. L’extension de la dilatation à la convergence biliaire supérieure expose à un risque d’exérèse incomplète. Malgré un traitement identique, les suites opératoires et les résultats à long terme sont moins bons chez les adultes que chez les enfants.
Les lésions de diverticule du cholédoque (DCVB de type II de Todani) sont nettement moins fréquentes (5 %), mais justifient également une exérèse compte tenu du risque de dégénérescence. La série de l’AFC a souligné la fréquence importante (58 %) des localisations hautes dans le pédicule, au niveau du hile hépatique, de ces diverticules qui peuvent poser des problèmes diagnostiques et thérapeutiques.
En cas de dilatation de la partie terminale de la voie biliaire principale au niveau de l’ampoule de Vater, retrouvée dans 4 % des cas (cholédococèle ou DCVB de type III de Todani), le traitement conservateur endoscopique prend toute sa place, compte tenu de son efficacité et du risque exceptionnel de dégénérescence de ce type de DCVB.
Lorsque les dilatations intéressent à la fois les voies biliaires intra- et extrahépatiques (DCVB de type IV-A de Todani), le traitement est plus difficile. L’exérèse de la voie biliaire extrahépatique est la règle, alors que le traitement des dilatations intrahépatiques est mal codifié et va de la surveillance à l’hépatectomie totale en fonction de l’étendue des lésions et de la gravité de leurs complications. Une hépatectomie et une transplantation hépatique ont ainsi été nécessaires chez respectivement 40 % et 8 % des patients dans la série de l’AFC. Il s’agit des formes les plus complexes de DCVB qui donnent les moins bons résultats à long terme (65 % de bons résultats dans la série de l’AFC).
Le risque de dégénérescence de l’arbre biliaire en cholangiocarcinome dicte la stratégie thérapeutique. Dans la série de l’AFC, l’incidence des cancers était de 8 %. La réalisation initiale d’une dérivation kysto-digestive et l’âge (0 % de cancers chez les enfants et 11,7 % chez les adultes) représentaient des facteurs de risque de dégénérescence. En cas de cholangiocarcinome synchrone, le pronostic est très mauvais avec une survie à trois ans de 26 % après une exérèse carcinologique adaptée de type R0. Le risque de dégénérescence de l’arbre biliaire augmente avec l’âge et persiste dans tout l’arbre biliaire, même après exérèse des DCVB, ce qui justifie une surveillance à vie de ces patients.
Dilatation congénitale des voies biliaires strictement intrahépatiques.
Les DCVB strictement intrahépatiques correspondent au type V de la classification de Todani. La description initiale en a été faite par Caroli qui a donné son nom à la maladie. Elles correspondent à une anomalie de développement embryologique de la plaque canalaire (futures voies biliaires) autour du système porte. Le diagnostic repose sur un faisceau d’arguments cliniques radiologiques et histologiques. Seule la présence d’un axe vasculaire au sein de la dilatation (« central dot sign » en radiologie) est considérée comme pathognomonique. Ces lésions peuvent être associées (jusque dans 50 % des cas), (a) à une fibrose hépatique congénitale, anomalie de transmission autosomale récessive responsable d’une hypertension portale sans insuffisance hépatique et (b) à une néphropathie (ectasie tubulaire, polykystose) : on parle alors de syndrome de Caroli.
Dans la maladie de Caroli, l’atteinte hépatique est le plus souvent unilatérale avec des lésions qui évoluent vers l’atrophie hépatique dans 40 % des cas. Un geste radical par hépatectomie représente le traitement de choix de ces formes unilatérales sans hépatopathie sous-jacente. Dans le syndrome de Caroli, l’atteinte est plus souvent diffuse et associée à une fibrose hépatique congénitale et le traitement est moins codifié. Une transplantation hépatique est nécessaire en cas d’atteinte diffuse avec complications lithiasiques et septiques mal maîtrisées par le traitement médical et/ou en présence d’une hépatopathie sous-jacente. Dans la série de l’AFC, la mortalité était nulle après hépatectomie partielle et de 11 % après transplantation hépatique (souvent réalisée chez des patients au sepsis mal contrôlé). La survie à cinq ans était de plus de 88 %. L’incidence des cholangiocarcinomes associés était de 5 % avec une survie à un an de 33 %, témoignant de l’agressivité de ces lésions. Un traitement chirurgical précoce doit être systématiquement discuté même chez les patients asymptomatiques.
* Service de chirurgie digestive et de transplantation hépatique, hôpital de la Croix-Rousse, Lyon.
** Service de chirurgie générale, digestive et endocrinienne, hôpital Robert-Debré, Reims.
*** Unité de chirurgie hépato-bilio-pancréatique, service de chirurgie et de transplantation abdominale, cliniques universitaires Saint-Luc, Bruxelles.
Lien d’intérêt : aucun.
(1) Dilatations congénitales des voies biliaires, anomalie de la jonction bilio-pancréatique et maladie de Caroli. JY Mabrut, R Kianmanesh, JF Gigot. Rapport présenté au 114e Congrès de l’Association française de chirurgie. Monographie de l’AFC. Edition Arnette 2012.
CCAM technique : des trous dans la raquette des revalorisations
Dr Patrick Gasser (Avenir Spé) : « Mon but n’est pas de m’opposer à mes collègues médecins généralistes »
Congrès de la SNFMI 2024 : la médecine interne à la loupe
La nouvelle convention médicale publiée au Journal officiel, le G à 30 euros le 22 décembre 2024