CE SERA PEUT-ÊTRE la chirurgie de demain. C’est en tout cas l’avis du Pr Jean-Pierre Béthoux, chef de service de chirurgie générale, plastique et ambulatoire à l’hôpital Port-Royal (Paris). « C’est le sens de l’histoire, annonce-t-il. La durée d’hospitalisation ne cesse de diminuer depuis les années 1970. En appliquant les méthodes de la chirurgie ambulatoire à la chirurgie conventionnelle, la récupération rapide après chirurgie (RRAC) s’inscrit dans ce mécanisme naturel. Ce n’est pas qu’une question comptable de réduction des soins de santé. Certes, les économies générées sont substantielles, mais il ne s’agit pas de les faire au détriment de la qualité des soins». L’initiative est d’ailleurs partie du corps médical, et les tutelles en France n’ont pas manifesté de velléité particulière à ce sujet.
Tout est fait pour favoriser l’autonomie des patients et un retour à domicile rapide. C’est le "one-day surgery", la chirurgie d’un jour, pour des actes chirurgicaux mini-invasifs sous cœlioscopie, mais pas seulement. « Combinées avec la chirurgie conventionnelle, certaines interventions lourdes cancérologiques par laparotomie sont possibles ». La récupération rapide, c’est sûr, le Pr Béthoux y croit. Dans un service totalement rénové avec « une plate-forme » de consultations, quelques lits d’hospitalisation et une équipe surmotivée, la reconnaissance des patients ne fait que renforcer sa conviction. « C’est dingue, certains patients repassent dans le service simplement pour nous dire bonjour ! », glissent Marinette et Christel, deux infirmières du service.
Minimum de morphine.
La réhabilitation précoce, développée début des années 2000 par le danois Henrik Kehlet, doit son essor aux progrès techniques en chirurgie et en anesthésie. « En chirurgie, c’est le développement de la cœlioscopie et l’épargne pariétale, qui diminue les douleurs post-opératoires, explique le chirurgien. En anesthésie, l’analgésie multimodale avec les loco-régionales et le "tap-block" permettent de n’utiliser que le minimum de morphine. D’où un meilleur réveil, moins de nausées et un iléus paralytique écourté ». L’objectif postopératoire est de favoriser l’autonomie pour récupérer au plus vite. « La mobilisation est facilitée par une déperfusion dès que possible avec relais oral, peu de pose de drains, le retrait rapide des sondes urinaires, une réalimentation précoce ».
La sécurité des soins
Dans une étude de service présentée à l’Académie de Chirurgie, le Pr Jean-Pierre Béthoux a ainsi mis en évidence chez 360 patients opérés en chirurgie générale à l’hôpital Hôtel-Dieu qu’à groupes homogènes de malades (GHM) comparables, la technique de réhabilitation précoce a permis de faire passer la durée d’hospitalisation de 3,8 nuits sur la période 2008-2009 à 0,4 nuit sur 2010-2011. « C’est possible y compris pour des chirurgies lourdes, poursuit-il. Nous avons pris en charge dans le service une patiente âgée de 72 ans pour résection de cancer colique par laparotomie avec une seule nuit d’hospitalisation. La patiente a pu rentrer à son domicile dès le lendemain soir de l’intervention après une journée de surveillance en hôpital de jour».
Une évaluation rigoureuse.
Mais ne fait-on pas courir des risques inutiles à vouloir faire sortir les patients plus tôt ? « Bien au contraire, se défend le Pr Béthoux. Le patient ne rentre à domicile qu’après une évaluation très rigoureuse. Il ne faut rien laisser passer, le patient ne sort que s’il est jugé « apte à la rue ». Dans leur environnement familier, les patients sont moins douloureux, retrouvent leurs repères et leur vie normale. De plus, hors de l’hôpital, le risque d’infections nosocomiales est moindre. De toute façon, les complications graves essentiellement hémorragiques apparaissent dans les premières heures. Une fois ce délai de sécurité respecté, on ne constate pas plus de réhospitalisations qu’en chirurgie classique ».
L’information du patient.
Bien sûr, le retour à domicile précoce ne va pas sans une prise en charge resserrée. Si le temps du séjour est court, l’équipe est complètement mobilisée autour du patient. « La qualité de l’information est capitale, explique-t-il. Les patients doivent se sentir rassurés. C’est pourquoi, de la première consultation à la sortie, l’équipe prend le temps d’expliquer l’intervention, la séquence des événements, la gestion de la douleur, les ordonnances de sortie, etc. ». Le relais par les infirmières de ville et les consultations de contrôle sont programmés avant la sortie dans le service. Et, une fois à la maison, l’équipe infirmière appelle systématiquement les patients les premiers jours « parfois même le weekend et les jours de repos » et assure une permanence téléphonique 7 jours/7.
La nécessité d’un accompagnant.
Une majorité des patients pourraient être candidats à ce type de prise en charge. « Dans les pays anglo-saxons, la chirurgie ambulatoire représente déjà plus de 70 % de la pratique contre moins de 40 % en France. La vraie contrainte, c’est la nécessité d’un accompagnant. Le patient ne peut retourner à domicile seul. C’est là qu’on se rend compte de la solitude des gens, à n’importe quel âge de la vie ». Pour le Pr Béthoux, les freins à l’implantation de cette technique proviennent essentiellement des professionnels. «Cette manière de travailler bouscule les habitudes établies, concède-t-il. C’est beaucoup moins confortable pour eux, car elle demande une disponibilité accrue vis-à-vis des patients ». Le premier symposium sur la réhabilitation rapide après chirurgie colorectale est programmé le 5 avril 2013 à Paris.
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