LA MALADIE de Charcot-Marie-Tooth (MCMT) est une maladie neurologique héréditaire qui touche environ une personne sur 2 500. Elle se caractérise par une faiblesse musculaire progressive qui atteint notamment les extrémités des membres. Elle est liée à une atteinte des nerfs périphériques, d’où perturbation de la conduction de l’influx nerveux.
Des cas de maladie rénale ont été rapportés chez des patients atteints de MCMT mais, jusqu’à présent, aucune base génétique ou physiologique commune n’a été décrite pour expliquer cette association.
Il y a quelque temps, des mutations du gène INF2 ont été décrites chez des patients atteints de maladie rénale. Or il se trouve que certaines protéines interagissant avec la formine INF2, codée par le gène INF2, sont étroitement liées au processus de myélinisation. C’est dans ce contexte que l’équipe de Corinne Antignac (Unité mixte de recherche INSERM/Université Paris Descartes, hôpital Necker, Paris) a émis l’hypothèse selon laquelle des mutations d’INF2 seraient impliquées dans la MCMT et a cherché à expliquer le point commun entre l’atteinte rénale et l’atteinte neurologique.
Le profil génétique de 16 patients analysé.
Les chercheurs français ont analysé les profils génétiques de 16 patients atteints à la fois d’une MCMT et d’une maladie rénale. Résultat : dans 75 % des cas, le gène INF2 est muté.
La mutation du gène INF2 est une cause majeure de l’association entre la MCMT et la maladie rénale, explique Corinne Antignac. Les chercheurs ont montré que la protéine INF2 codée par le gène INF2 est localisée à la fois dans les podocytes, qui tapissent les capillaires rénaux, et les cellules de Schwann, qui entourent les nerfs.
Les chercheurs ont ensuite voulu savoir quelles étaient les conséquences de la mutation dans les cellules mutées. Il faut d’abord rappeler que les podocytes et les cellules de Schwann possèdent normalement un cytosquelette très développé, essentiel au transport des molécules synthétisées dans ces cellules. Lorsque le gène INF2 est muté, les chercheurs ont « observé la désorganisation du squelette des podocytes et des cellules de Schwann, qui assure normalement le déplacement de protéines telles que celles de la myéline et son maintien le long des terminaisons nerveuses ». En l’absence de myéline, l’influx nerveux est ralenti.
Le rôle de la myéline au niveau des nerfs explique l’association entre la mutation du gène et l’atteinte neurologique dans la MCMT. « Il nous reste cependant à élucider le rôle potentiel de certaines protéines de la myéline présentes au niveau des podocytes, qui expliquerait les lésions rénales », ajoute Corinne Antignac.
Par ailleurs, les chercheurs pensent que ce type de mutation est en cause dans d’autres maladies comme la surdité observée chez certains patients atteints de MCMT car on sait que des anomalies d’une protéine de la famille d’INF2 peuvent induire une surdité.
Olivia Boyer et coll. New England Journal of Medicine du 2 décembre 2011.
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