Comme le rappelle le Pr Brissot l’hémochromatose est une surcharge en fer d’origine génétique qui comprend, en fait, plusieurs entités. La plus fréquente est l’hémochromatose de type 1 due à une mutation du gène HFE (génotype C282Y homozygote). Trois autres formes d’hémochromatoses génétiques ont été identifiées, le type 2, ou hémochromatose juvénile, qui comprend deux sous types, 2A due à une mutation du gène de l’hémojuvéline et 2B à une mutation du gène de l’hepcidine, le type 3 associé à une mutation du récepteur de la transferrine de type 2 et le type 4 à celle du gène de la ferroportine.
Les progrès réalisés dans le décryptage des mécanismes physiopathologiques de ces maladies permettent de mieux comprendre les modalités thérapeutiques, et la très bonne tolérance des saignées qui restent aujourd’hui le traitement de référence de la plupart de ces entités.
En fait, on peut regrouper les hémochromatoses HFE, 2 et 3, qui sont toutes caractérisées par un déficit de l’hormone de régulation du fer, l’hepcidine. La baisse de la production de cette hormone par le foie a deux conséquences principales, une augmentation de l’absorption digestive du fer et l’augmentation de la libération du fer à partir de la rate. D’où une hausse de la concentration plasmatique de fer, qui entraîne une surcharge hépatique, essentiellement au niveau des hépatocytes.
L’hémochromatose de type 4 ne relève pas de ce déficit en hepcidine, mais d’un déficit en ferroportine, seule protéine qui assure l’exportation du fer depuis les cellules dans le plasma. Le fer se trouve ainsi piégé, surtout dans les macrophages, ce qui entraîne une surcharge dans la rate et dans le foie (cellules de Kupffer surtout). Le taux de fer plasmatique est donc bas. Cette forme a des conséquences moins délétères que le déficit en hepcidine.
Quelle prise en charge
« La base de la prise en charge de l’hémochromatose HFE reste encore aujourd’hui la classique saignée » répond le Pr Brissot. Dans cette forme, la saignée, en privant l’organisme du fer des globules rouges soustraits, entraîne une sortie du fer des sites de stockage (foie notamment), fer qui gagne alors la moelle osseuse afin de contribuer à fabriquer de nouveaux globules rouges. Cette sortie du fer stocké se fait efficacement du fait de l’absence d’altération fonctionnelle de la ferroportine. C’est pourquoi des saignées importantes et répétées sont bien supportées, sans anémie.
Les autres hémochromatoses par déficit en hepcidine relèvent de la même prise en charge. Toutefois, pour les formes juvéniles, très rares mais qui donnent des surcharges massives, on peut aujourd’hui envisager d’associer aux saignées un nouveau médicament chélateur par voie orale, le déférasirox, déjà employé dans les surcharges transfusionnelles. Ce chélateur pourrait aussi être utilisé en remplacement des saignées chez des patients qui ne les supportent pas ou qui ont un mauvais capital veineux.
Les patients atteints d’hémochromatose de type 4 supportent moins bien les saignées ; en effet, leur déficit en ferroportine entrave la sortie du fer accumulé dans les macrophages, la saignée n’est donc pas compensée par un relargage suffisant de fer et peut conduire à une anémie. Chez ces patients, le chélateur oral devrait avoir une place croissante dans la thérapeutique.
Des saignées à domicile
Deux évolutions se profilent concernant les saignées. La première est la possibilité de proposer des saignées à domicile, essentiellement dans la phase d’entretien, ce qui apporte un confort certain au patient. Cette externalisation des saignées se heurte néanmoins à la faible valorisation de l’acte. On manque également d’une organisation en réseau garantissant la bonne coordination entre le médecin traitant, le médecin spécialiste, l’infirmier et le centre hospitalier.
La deuxième évolution est la possibilité, qui devrait entrer en vigueur dans les prochaines semaines, d’utiliser, dans certaines conditions, le sang obtenu par saignées. « C’était, en effet, un souhait des associations de patients, mais, bien entendu, cette utilisation sera très surveillée et relèvera des mêmes critères d’éligibilité que ceux requis pour les autres donneurs » souligne le Pr Brissot « sans compter qu’il faudra mettre en place une bonne organisation au niveau des établissements français du sang et une bonne coordination avec les spécialistes en charge de ces patients. »
Enfin, des recherches sont en cours pour mettre au point un traitement plus spécifique. « Le vrai traitement serait une supplémentation en hepcidine pour les sujets atteints des formes 1, 2 et 3 » note le Pr Brissot. Comme il s’agit d’une hormone, un apport oral est a priori problématique. Une option séduisante serait de mettre au point un produit capable de stimuler la synthèse d’hepcidine. À suivre…
› Dr MARINE JORAS
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