Alors qu’elle affecte des millions de personnes dans le monde, avec une « charge de morbidité concentrée dans les pays à faible revenu et à revenu intermédiaire », la drépanocytose reste une pathologie « négligée dans l'agenda mondial » et « souvent ignorée en tant que maladie génétique rare », est-il déploré dans un édito qui accompagne une série d’articles d’une nouvelle commission du « Lancet Haematology ». Cette dernière lance un appel pour « un engagement politique, des investissements et des partenariats » afin de s’attaquer au fardeau mondial de cette maladie.
« Alors que la majorité des principales causes de décès diminuent, le nombre de décès dus à la drépanocytose augmente à l'échelle mondiale. Les coûts nécessaires pour réduire le risque de drépanocytose sont hors de portée de la plupart des individus en Afrique subsaharienne et en Inde, où la maladie est la plus répandue - ils doivent être directement financés par les gouvernements, juge le Dr Frédéric Piel de l’Imperial College London et président de la commission. Avec un engagement adéquat des gouvernements, les changements identifiés par notre commission sont réalisables et amélioreront la vie des personnes atteintes de drépanocytose dans le monde entier. »
7,74 millions de personnes atteintes dans le monde en 2021
Une des études publiées le 11 juillet propose une estimation de la prévalence mondiale de la drépanocytose et du poids de la mortalité de 2000 à 2021. Sur la période, les taux d'incidence nationaux étaient « relativement stables », mais le nombre total de naissances de bébés atteints de drépanocytose a augmenté globalement de 13,7 %, pour atteindre 515 000 cas, « principalement en raison de la croissance démographique dans les Caraïbes et en Afrique subsaharienne occidentale et centrale », est-il souligné.
Dans le monde, la population vivant avec la drépanocytose a augmenté de 41,4 %, passant de 5,46 millions en 2000 à 7,74 millions en 2021. Et, 376 000 décès liés à la drépanocytose ont été enregistrés dans le monde en 2021, dont 81 000 chez des enfants de moins de cinq ans.
La drépanocytose représente ainsi un enjeu de santé publique mondiale, auquel sont associés « également d'importants coûts économiques et sociaux à l'échelle mondiale ». L’Organisation mondiale de la santé (OMS) a ainsi déclaré la drépanocytose comme priorité de santé publique en 2006, et la 76e Assemblée mondiale de la santé a lancé une Coalition mondiale.
Mais, « le sort des personnes atteintes de drépanocytose semble particulièrement injuste », souligne la commission. Alors que des « interventions simples et efficaces pour réduire la mortalité et la morbidité associées à la drépanocytose sont disponibles », le principal obstacle « est associé aux inégalités affectant les populations de patients ».
Un accès « inéquitable » aux traitements
Pour atténuer cette injustice, l’engagement financier et politique international doit porter sur la collecte de données, le diagnostic, le traitement et la formation. La commission insiste d’abord sur l’importance du dépistage néonatal. L’objectif devrait être de tester tous les bébés d'ici à 2025 afin de « prévenir les complications à long terme de la maladie », est-il indiqué.
Côté traitement, l’enjeu est de favoriser l’accès aux traitements (pénicilline, méthodes de protection contre le paludisme, hydroxyurée et transfusions sanguines), qui reste « inéquitable », notamment dans les pays aux revenus les plus faibles où vivent la plupart des personnes atteintes de drépanocytose.
La pénurie de professionnels de santé et de scientifiques spécialisés dans la drépanocytose doit aussi alerter, tout comme le manque d'essais visant à développer de nouveaux traitements. Ce défi est particulièrement marqué dans la majeure partie de l'Afrique subsaharienne et en Inde, et la Commission plaide pour des essais spécialement conçus pour les habitants de ces pays.
En complément de ces recommandations, l’édito du « Lancet » invite à placer les patients au centre de la réflexion. « Dans de nombreux contextes, il reste difficile pour les professionnels de santé de communiquer aux patients l'importance des programmes de conseil génétique et de dépistage, et de l'observance du traitement, même s'il s'agit d'aspects fondamentaux pour contrôler la maladie, lit-on. Bien que les patients ne devraient pas avoir à assumer la responsabilité de réparer les défaillances d'un système, ils sont sans aucun doute les mieux équipés pour éduquer et influencer les attitudes des autres patients. »
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