Que ce soit sur le plan psychique ou physique, la soixantaine est souvent une phase de transition en matière de santé. Sédentarité, stress, changements alimentaires, le passage à la retraite peut notamment marquer une rupture. Mais c’est aussi une période où la prévention a plus que jamais toute sa place, dans une optique de bien vieillir.
Rester jeune et actif ! Alors que l’allongement de l’âge de la retraite est à nouveau sur la table, le sujet du bien vieillir est plus que jamais d’actualité, faisant même l’objet d’un Conseil national de la refondation (CNR) dédié. Mais cette aspiration sociétale et politique s’accorde parfois mal avec les réalités de santé…
Alors que les enfants nés en 2022 peuvent espérer vivre plus de 90 ans, « nous assistons depuis 2015 à une diminution des gains en espérance de vie sans incapacité », déplore le Pr Nathalie Salles, présidente de la Société française de gériatrie et de gérontologie (SFGG). Selon une étude récente de la Drees (Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques), en 2020, l’espérance de vie sans incapacité à la naissance s’établissait à 65,9 ans pour les femmes et à 64,4 ans pour les hommes. Tandis qu’à 65 ans, elle était respectivement de 12,1 et 10,6 ans.
Comment faire mieux ? Avec quelles marges de manœuvre ? Alors que les trois quarts des plus de 65 ans souffrent d’une maladie chronique, l’idée d’intervenir dès la soixantaine, avant le grand âge, fait de plus en plus son chemin.
Pas de fatalité
Comme le soulignait le psycho-gériatre Olivier de Ladoucette (Paris) dans un rapport sur le bien vieillir, « on a longtemps cru que le vieillissement et ses conséquences étaient sous-tendus par des phénomènes internes inéluctables échappant au contrôle des individus ». Mais cette vision fataliste a été remise en cause et « il est aujourd’hui admis que le vieillissement individuel est influencé fortement par des variables biologiques, psychologiques, environnementales et sociales ». Et si la génétique joue un rôle dans l’apparition de certaines maladies, l’hérédité n’interviendrait que pour un quart dans les variations interindividuelles de longévité et de morbidité. Ainsi, « ce qu’on appelle l’environnement au sens large – l’épigénétique, la prévention des conduites à risque, le respect des recommandations des préventions primaires et secondaires – est aussi important ».
Un constat d’autant plus vrai que l’on avance en âge. Une étude menée en Suède sur des jumeaux a montré que le risque d’AVC avant 65 ans est surtout lié à l’hérédité, tandis qu’après 65 ans, il dépend davantage du mode de vie.
Des leviers communs
Dans ce contexte, la question de la prévention au sens large chez le jeune senior est de plus en plus mise en avant. Une consultation dédiée a même été annoncée récemment par le gouvernement.
Au-delà de l’optimisation des prises en charge pour les patients chroniques, dans une optique de prévention secondaire, l’enjeu est aussi de dépister les vulnérabilités en amont de la fragilité proprement dite et d’encourager des comportements favorables. À ce titre, comme le soulignait le Pr Jacques Bringer, de l’Académie de médecine, dans une communication sur la prévention de la dépendance liée au vieillissement, « les actions préventives efficaces sur les facteurs de risque modulables sont similaires dans la plupart des maladies chroniques : lutte contre la sédentarité, déconditionnement des comportements alimentaires délétères, lutte contre l’addiction… »
Une visite de prévention à 65 ans avec encore quelques inconnues
Le ministre de la Santé, François Braun, a annoncé fin septembre la mise en place de visites médicales remboursées à trois âges clés de la vie : 25, 45 et 65 ans. Ce qui permettrait à la France d’entrer « dans l’ère de la prévention », s’est-il félicité.
Contactée par Le Généraliste, la Direction générale de l’offre de soins (DGOS) précise que ce dispositif existe déjà pour les jeunes retraités, mais sera renforcé et généralisé. « L’objectif est de réaliser un repérage multidimensionnel du déclin des grandes capacités fonctionnelles » afin de « toucher les personnes les plus éloignées du soin », précise-t-elle.
Ce rendez-vous dans sa forme actuelle est « réalisé par un professionnel conventionné avec l’Assurance retraite ou l’Assurance maladie » et s’adresse « en priorité aux jeunes retraités, depuis 6 à 18 mois, et en situation de vulnérabilité ». Avec la généralisation, il s’agira, rapporte la DGOS, « chez les adultes de 60-65 ans, de repérer et prévenir l’apparition des premières fragilités ou de la perte d’autonomie, par une approche globale et promouvant l’activité physique et une alimentation équilibrée ». Ce temps de consultation reposera donc sur « une approche préventive globale (médico-psychosociale) s’attachant à la préservation des capacités intrinsèques (nutrition, vision, audition, cognition, locomotion et santé mentale) ».
Afin que ces rendez-vous soient personnalisés, « le Haut Conseil de la santé publique élaborera des recommandations relatives à la définition du contenu de ces RDV et aux professionnels à mobiliser pour leur réalisation, ainsi qu’aux outils à mettre à leur disposition ». Une instance de concertation sera lancée d’ici la fin d’année avec tous les acteurs pour préciser les modalités organisationnelles. Le PLFSS 2023 n’a pas encore défini clairement les soignants concernés.
Le tarif de cette consultation n’est pas encore connu : il est « l’objet de négociations à venir entre les Caisses et les représentants des différentes professions concernées ». Elle sera « prise en charge à 100 % sur le budget de ces Caisses », précise la DGOS.